Il a été rappelé que les GPA de couples français à l'étranger ne sont pas illégales et que revenir en France avec les enfants nés de GPA ne l'est pas non plus : la discrimination que subissent ces enfants est d'autant plus insupportable. Il nous faut donc mettre fin aux difficultés auxquelles se heurtent les parents de ces enfants pour leur faire établir en France un état civil conforme à celui qui est le leur à l'étranger en faisant rapidement évoluer la législation en vigueur. Ainsi sera lavée la tache que représentent pour la France ses condamnations par la Cour européenne des droits de l'homme. Je me demande d'ailleurs comment nous avons pu laisser se mettre en place une pénalisation des enfants fondée sur le reproche de leur mode de procréation, dont seuls leurs parents pouvaient être tenus pour responsables. Et je ne comprends pas non plus comment nous avons pu être si longs à corriger une anomalie aussi évidente. Nous ne saurions porter de jugements trop durs sur cette période où les « bâtards » étaient privés de tous les droits dont jouissaient les enfants légitimes. Aujourd'hui, nous devons faire en sorte que tous les enfants se voient garantir les mêmes droits, quel que soit leur mode de procréation.
Vous avez déclaré que la transcription automatique devrait garantir aux enfants nés par GPA la jouissance de tous leurs droits, notamment du droit d'hériter. Il nous faut de surcroît veiller à ce que cette identité soit conforme à celle du pays de naissance, et donc totale, et que les droits des deux parents soient également respectés. C'est donc une égalité totale de droits que nous devons garantir, et nous voulons qu'elle soit aussi garantie dans le cas d'une extension de la PMA aux couples de femmes.
Aussi avons-nous besoin de vos conseils. Certainement devrons-nous abandonner plusieurs aspects juridiques hérités du passé, tels l'aphorisme qui veut que la mère soit celle qui accouche. Elle pouvait, certes, se justifier à l'époque de Napoléon, lorsque décider qui était le père était très incertain. En considérant la mère comme certaine, on offrait en effet à l'enfant l'assurance de ne pas être à la rue et d'avoir une mère chargée de s'occuper de lui jusqu'à sa majorité. Mais aujourd'hui, avec les moyens d'assistance médicale à la procréation, la mère ou le père ne sont plus, respectivement, celui qui a donné les spermatozoïdes et celle qui a accouché : sont parents ceux qui désirent un enfant, lui consacrent leur énergie, lui donnent leur amour, lui procurent les moyens matériels dont il a besoin, font son éducation et l'amènent à l'âge adulte, voire bien au-delà.
Je souhaiterais avoir votre opinion sur la diversité de la législation sur la GPA en Europe. Car comment expliquer que des pays aussi comparables culturellement que les différents pays européens puissent avoir des législations aussi différentes, et même opposées, sur ces questions ?
Concernant le droit d'accès aux origines, je crois utile de rappeler cette phrase de Frédéric Mistral : « Les arbres aux racines profondes sont ceux qui montent haut. » Si l'individu ignore d'où il vient, ses chances de s'épanouir pleinement se trouvent réduites. Il faut donc donner à chacun ce droit pour lui offrir une égalité de destin. La lutte contre les inégalités de destin est un thème important aujourd'hui : eh bien, être privé du droit d'avoir des racines est l'une d'entre elles !
Vous avez parlé du secret des origines, qui doit en effet être banni. Faudra-t-il le faire d'une manière contraignante ou par la persuasion ? De nombreuses familles, malheureusement, ne disent pas à l'enfant qu'il a bénéficié d'une aide à la procréation, ce qui crée des dégâts importants car des études de psychologie ont montré que l'enfant doit être informé de son mode de conception le plus tôt possible, avec des termes adaptés à son âge. La faculté d'adaptation des enfants est immense mais elle s'amenuise progressivement, et une révélation concernant sa filiation est infiniment plus difficile à accepter et à s'approprier à dix-huit ans que dans l'enfance.
Concernant l'accès aux origines, vous avez fort bien exposé le problème qu'il va nous falloir affronter. Les futurs donneurs de gamètes vont être informés qu'en donnant ils acceptent un accès aux informations les concernant. Mais tous ceux qui ont donné dans les conditions qui avaient cours auparavant devront être recontactés afin que leur soit demandé s'ils acceptent que les règles sur leur identité changent, puisque cette modification ne peut se faire sans leur accord. Le succès de cette démarche est d'autant moins assuré que le CECOS, que nous avons reçu dernièrement, nous a dit avoir généralement perdu de vue les donneurs, notamment lorsqu'ils ont déménagé. En tant que médecin, ce problème m'inquiète car si une maladie génétique à révélation tardive est diagnostiquée chez un donneur, on ne peut retrouver tous ceux pour qui cette information serait précieuse. J'espère que l'information donnée par le CECOS n'est pas exacte et qu'à force de recherches ils finiront par retrouver les donneurs. Au XXIe siècle, les moyens pour garder contact sont multiples, et l'administration fiscale arrive d'ailleurs généralement à retrouver les contribuables, y compris quand ils déménagent. Vous avez en tout cas correctement défini le problème lorsque vous avez indiqué que, si des circonstances nettement plus favorables sont données aux générations futures, la situation des générations qui n'auront pas eu de chances comparables paraîtra encore plus insupportable.
Je souhaiterais enfin que vous nous disiez comment, selon vous, il serait possible d'augmenter les dons de gamètes tant masculins que féminins. Ces dons vont en effet vraisemblablement devoir être plus nombreux à l'avenir.