Il serait possible de faire de même pour les enfants issus de PMA avec tiers donneur. Des propositions ont déjà été faites en ce sens, qui n'ont pas été retenues au motif que la mention de la PMA pourrait stigmatiser les enfants. Personnellement, je ne suis pas honteuse d'avoir été conçue par PMA avec tiers donneur. J'en suis même plutôt fière et j'aurais aimé que cette indication figure sur mon acte intégral de naissance, car ce n'est qu'à vingt-neuf ans que j'ai appris comment j'avais été conçue. Mon mari a, en revanche, toujours connu son mode de conception, ses parents s'étant montrés précurseurs sur ce sujet.
Le secret qui entoure ce mode de filiation est toujours très bien gardé puisque, selon une étude européenne datant de 2002 – la seule dont l'on dispose – seulement 8,6 % des enfants conçus par PMA avec tiers donneur le savaient. Par conséquent, sur les 70 000 personnes conçues de cette façon en France, 64 000 ignoreraient comment elles ont été conçues. Or, j'aurais pu, à l'âge de vingt-neuf ans, avoir recours à une PMA avec tiers donneur et, à cette occasion, être inséminée par le sperme de mon propre géniteur ! Pour éviter de tels problèmes transgénérationnels, nous proposons que soit limitée dans le temps la durée de conservation et d'utilisation des gamètes. Mais nous ne prônons pas l'inscription sur l'acte d'état civil du mode de procréation, en raison des fortes réticences qui s'expriment sur ce sujet. Nous demandons en revanche que le législateur cesse d'organiser les conditions d'un mensonge indécelable ainsi qu'il le fait avec les critères d'appariement. Aujourd'hui, un appariement est en effet réalisé entre le groupe sanguin du membre du couple stérile et le groupe sanguin du donneur afin que l'enfant, lorsqu'il apprend en cours de biologie comment se transmettent les groupes sanguins et les facteurs Rhésus positif et négatif, ne puisse s'apercevoir qu'il n'est pas le fruit biologique de ses deux parents. Supprimer le critère d'appariement éviterait de créer les conditions du secret indécelable et permettrait également de favoriser les grossesses des personnes qui recourent à une PMA avec tiers donneur. Nous savons pour en avoir fait l'expérience – mon mari est de Rhésus positif et moi de Rhésus négatif – que le Rhésus négatif du père favorise la grossesse lorsque la mère est du Rhésus négatif.
Nous proposons aussi qu'à sa majorité un comité qui pourrait être une branche du CNAOP ou un comité dédié à l'accès aux origines reçoive l'enfant et lui explique qu'il a été conçu par un tiers donneur. L'objectif de ces propositions – le comité recevant l'enfant et l'abandon du critère d'appariement – est d'inciter les parents à dire le plus tôt possible à leur enfant comment il a été conçu.
Nous sommes par ailleurs très attachés à la possibilité de recontacter les anciens donneurs. Que les retrouver vous ait été présenté comme infaisable ne m'étonne pas. À l'époque où j'ai plaidé devant les juridictions françaises le dossier de Clément Silliau-Roussial, qui est aujourd'hui devant la Cour européenne des droits de l'homme, on nous avait dit ne plus avoir le dossier de son donneur. Comme une disposition du code de la santé publique impose de conserver ces dossiers pendant au moins quarante ans, j'avais attaqué en responsabilité l'État français. Son dossier avait alors été retrouvé en recontactant le fondateur de la banque de sperme avec lequel j'étais entrée en contact en parallèle et que j'ai remercié. Certes, ces informations ne sont peut-être pas toutes au sein des CECOS, mais je suis persuadée que les fondateurs des banques de sperme ont, peut-être chez eux, encore les informations. Et comme ils commencent à avancer en âge, il est urgent de les retrouver. Je me fais également ici l'écho d'Alain Tréboul, le donneur qui a conduit la voiture nous attendant à la sortie de l'église le jour où nous nous sommes mariés. Alain Tréboul nous a demandé de vous dire qu'il ne voulait pas que les enfants issus de son don ne le connaissent qu'après sa mort. Le temps presse donc aussi parce que les anciens donneurs avancent en âge. Je crois possible de recontacter tous les anciens donneurs si l'on s'en donne les moyens.
Pourrait être menée en parallèle une campagne d'information destinée à promouvoir la plateforme numérique d'échange – j'insiste bien sur cette notion d'échange, car il ne faudrait pas que soient juste mis en ligne des fichiers sur lesquels les donneurs puissent s'inscrire sans savoir qui les consultera. Quand il a voulu rencontrer Gérard, Arthur est d'abord entré en contact avec les voisins de son donneur afin qu'ils le connaissent un peu, tout en faisant très attention à ce que la lettre qu'il avait écrite à Gérard arrive dans ses mains, puisque nous ignorions si son épouse savait qu'il avait été donneur de gamètes. Ce sont peut-être ces éléments d'information – la lettre d'Arthur et ce que les voisins ont pu lui dire de son profil – qui ont convaincu Gérard de le contacter rapidement. Qu'un échange ait lieu est en tout cas important pour que le donneur sache à quoi il s'engage s'il choisit de rencontrer un enfant issu de son don. Cet échange pourrait être anonyme dans un premier temps puis évoluer si les personnes concernées le désirent.