Intervention de Arthur Kermalvezen

Réunion du mardi 16 octobre 2018 à 18h20
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Arthur Kermalvezen, co-fondateur de l'association Origines :

Je souhaite d'abord vous remercier, mesdames les députées, d'être encore avec nous malgré l'heure tardive. Votre présence ne m'étonne d'ailleurs pas car, pour les regarder régulièrement, je sais que vous êtes très assidues à ces auditions.

Une de vos questions portait sur les conséquences familiales de la levée d'anonymat. J'écris actuellement un livre sur ce sujet, qui comportera un chapitre intitulé « Comment retrouver son donneur pour les nuls ? » et un autre intitulé « Comment bien vivre toutes ces découvertes pour les nuls ? » Car sur ces sujets nous sommes nuls, parce que tout est nouveau et tout est à inventer. En ce qui me concerne, j'ai eu la chance de ne pas être seul pour retrouver mon donneur. Ayant appris que sa famille et celle de ses voisins passaient le nouvel an ensemble, j'ai confié à ces derniers un courrier pour mon donneur que j'avais écrit avec mon père, ma mère et avec ma femme. Il s'agit donc d'une histoire familiale. Je suis en effet issu d'une famille que je pourrais qualifier d'« Obélix de la PMA », car nous sommes tombés dedans quand nous étions petits. Ma mère m'expliquait mon mode de conception alors que j'étais encore dans son ventre et je l'ai vue faire la même chose quand elle était enceinte de ma soeur. Les conséquences de la levée d'anonymat ont donc été pour nos familles assez peu nombreuses. La première réaction de mon père a été de me dire qu'il espérait que mes soeurs pourraient elles aussi retrouver leur donneur, et celle de Gérard de me féliciter de l'avoir retrouvé. Je n'ai pas encore rencontré ses fils mais cette rencontre aura lieu dans les prochaines semaines.

Ce qu'il importe de comprendre, c'est qu'il nous est impossible de nous contenter du profil-type des donneurs. Ce sont en effet, généralement, des personnes altruistes qui donnent aussi leur sang et qui sont sensibles à la souffrance des couples n'arrivant pas à avoir d'enfants. Mais j'ai aussi découvert que le père de mon donneur était pupille de l'État : les membres de sa famille se posent eux aussi des questions sur leurs origines, ou du moins sur l'origine de leurs père et grand-père, de sorte que ma recherche tenait pour eux de l'évidence. Les membres de cette famille subissent également l'anonymat en portant le nom de leur grand-mère. Retrouver mon donneur m'a fait comprendre qu'en fait je cherchais à connaître ses motivations. Et ces motivations le dépassent, car notre histoire nous amène parfois à répéter des schémas que nous n'avons pas choisis.

Sur l'âge auquel un enfant peut apprendre son mode de conception – dix-huit ans, seize ans, quatorze ans, douze ans ? – je n'ai pas d'idée préconçue. À mon avis, il faut le lui révéler dès que l'on sent qu'il a besoin de connaître ses origines et quel que soit son âge, la maturité psychique n'ayant rien à voir avec l'âge biologique, car le temps d'attente est très dur à vivre. Certes, l'on n'est jamais content de ce qu'on a, et j'envie par exemple énormément ma femme d'avoir vécu toute sa jeunesse dans une sérénité qui lui a permis de faire dix ans d'études, son histoire personnelle ne l'obsédant pas. Pour notre génération, la thèse soutenue par les CECOS était que les parents devaient faire comme si la PMA n'avait pas eu lieu et que leur enfant était le leur. Mais je n'ignore rien de mon mode de conception, et je suis évidemment leur enfant !

Pour revenir à votre question sur l'âge auquel on peut parler à l'enfant, peut-être le bon moment est-il celui où il se met à poser des questions. Mais quelles questions ? Les parents doivent en tout cas tenir compte d'eux-mêmes et de la façon dont ils ressentent leur enfant.

Sur le cadre dans lequel se fera la rencontre entre le donneur et l'enfant, il me faut dire que l'idée d'une plateforme n'est pas de nous. Elle nous a été suggérée par l'un des petits-fils des fondateurs des banques de sperme, qui nous l'a présentée comme la seule solution véritablement respectueuse de la volonté de chacun. Je pense que ce dispositif est en effet celui qui pose le moins de problèmes.

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