Intervention de Virginie Rio

Réunion du mercredi 17 octobre 2018 à 14h30
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Virginie Rio :

Vous souhaitez que les gens soient informés, mais la société dans son ensemble doit prendre conscience de la situation. Quand vous annoncez une grossesse à votre employeur, c'est déjà un problème. Des femmes sont encore en difficulté du seul fait d'être enceinte. Au regard de la PMA, nous relevons un manque de bienveillance de la société dans son ensemble, notamment du milieu professionnel : entreprises, patrons, collègues de travail. Il est encore compliqué de dire « Je suis enceinte », et encore plus compliqué de dire « Désireuse d'être enceinte, je suis en parcours de PMA ». En 2016, nous avions obtenu que ces femmes puissent bénéficier d'autorisations d'absence et nous voudrions faire un bilan. Encore aujourd'hui, des femmes nous informent que leur patron leur refuse le droit aux autorisations d'absence car le code du travail ne leur est pas applicable. D'autres menacent de licencier les employées qui demandent une autorisation d'absence pour protocole de soins.

Nous vivons dans une société qui doit faire preuve de plus de bienveillance afin de mieux imbriquer vie privée et vie professionnelle. Un salarié bien considéré, bien accompagné, respecté sera plus efficace qu'un salarié contraint de cacher, de mentir ou empêché de faire une FIV à cause de la pression professionnelle.

Il est urgent de mettre en oeuvre une grande loi de santé environnementale, car les alertes existent depuis au moins trois générations. Dès les années 1960, les scientifiques alertaient sur les oiseaux ou les crocodiles. On peut facilement quantifier la baisse de la qualité du sperme, parce qu'il est accessible. Chez une femme, on peut moins quantifier l'évolution de la fertilité, d'autant que cela a moins intéressé les chercheurs, mais nous constatons que de plus en plus de jeunes femmes sont atteintes d'insuffisance ovarienne précoce, de syndrome des ovaires polykystiques ou d'endométriose. Ces maladies féminines qui impactent la fertilité s'expliquent en partie par les conditions de vie, l'obésité, les facteurs environnementaux. Cela touche aussi les enfants, avec, chez les petites filles, l'augmentation des pubertés précoces, et, chez les petits garçons, l'augmentation de l'hypospadias ou de la cryptorchidie, maladies liées aux perturbations endocriniennes. Certes, on ne peut tout faire en même temps, mais sans la base qu'est la sécurité sanitaire environnementale, à quoi bon améliorer les techniques d'AMP ? L'AMP est difficile car elle manque d'efficacité et parce que l'ordre des choses n'est pas de faire des enfants par la technique médicale mais avec son conjoint de façon traditionnelle. Une étude publiée en 2015 par des chercheurs européens et américains concluait que le coût de la lutte globale contre les perturbateurs endocriniens représentait 1,2 % du PIB de l'Union européenne, soit plus de 157 milliards d'euros. Pour nous, il est urgent de travailler sur les questions environnementales, faute de quoi le reste n'aurait guère de sens.

Quant à l'information, nous demandons l'identification et la caractérisation, via un étiquetage adapté, des produits nocifs pour la fertilité, l'information du grand public sur les substances toxiques et leur impact sur la santé, la mise en place de mesures pour limiter ou interdire certains produits nocifs, la mise en place d'actions de recherche. L'État réalise des campagnes de prévention du tabagisme et des maladies cardio-vasculaires. Pourquoi ne pas faire de la prévention sur les questions environnementales et leur impact sur la fertilité ? Inscrire la question de la fertilité et de l'infertilité dans une exigence de santé publique nous semble être urgent pour aujourd'hui et pour demain. Pour après-demain, ce sera un peu plus compliqué. Le ministère de la santé est en mesure d'organiser des campagnes d'information nationales, s'il y a une prise de conscience. C'est pourquoi nous avons insisté dans notre présentation sur cette prise de conscience globale du personnel politique, de la société, du grand public, parce que les personnes infertiles sont de plus en plus présentes. Les gens qui s'adressent à notre association ont entre 31 et 36 ans. Ce sont des couples hétérosexuels lambda impactés dans leur fertilité, aujourd'hui.

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