Intervention de Annie Vidal

Réunion du jeudi 18 octobre 2018 à 10h30
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Vidal :

Comment expliquez-vous que le taux de réussite des FIV en France soit moins élevé que dans les autres pays ? S'agit-il d'un manque de moyens, d'un déficit de recherche, d'un problème de législation ?

La recherche sur l'embryon est un sujet sensible. S'il faut l'encourager, il faut également l'encadrer pour éviter les réactions de défiance. Quelles seraient vos préconisations en la matière ?

Μ. Samir Hamamah. Il existe aujourd'hui cent deux ou cent trois centres, pour moitié publics, pour moitié privés, qui pratiquent l'assistance médicale à la procréation, plus exactement la fécondation in vitro avec ou sans injection intracytoplasmique (ICSI). Or l'AMP est financée au travers d'une enveloppe MIG – mission d'intérêt général –, mais il se trouve que les crédits ne sont pas toujours fléchés comme ils le devraient. Il est donc indéniable que nous manquons de moyens. Par ailleurs, là où, dans le circuit privé, il suffit d'un ou deux échelons pour valider une décision, dans le public cela passe par une dizaine de bureaux, commissions ou sous-commissions : là encore nous pouvons progresser.

Quant au fait que nous ayons des taux de réussite inférieurs à ceux des autres pays, il faut savoir que les pays anglo-saxons pratiquent le DPI pour éviter de transférer des embryons avec des anomalies chromosomiques depuis 1993, c'est-à-dire depuis vingt-cinq ans, alors que nous en sommes encore à nous poser des questions, qui sont légitimes pour certaines mais purement idéologiques pour d'autres.

Il faut des innovations pour améliorer nos résultats. Mon unité INSERM dispose d'un portefeuille de douze brevets, ce qui, d'après l'INSERM-Transfert en fait le douzième portefeuille en bio-santé. Comme il ne suffit pas qu'un embryon ait quarante-six chromosomes et qu'il soit viable pour qu'une grossesse réussisse, mais qu'il faut également que cet embryon soit replacé dans l'utérus lors de la fenêtre d'implantation qui se situe entre le vingt-et-unième et le vingt-quatrième jours du cycle menstruel, nous avons développé un test innovant commercialisé par le CHU de Montpellier pour ajuster au mieux le moment du transfert. Ce test génère des recettes et il doit contribuer à diminuer le nombre de tentatives infructueuses.

Cela étant, je ne crois pas que, par miracle, nous passerons ainsi à des taux de succès de 30 % puis de 40 %. Il faut accepter l'idée que si, aujourd'hui, deux tentatives sur trois se soldent par un échec, c'est qu'on ne sait pas faire et qu'on ne comprend toujours pas, en 2018, pourquoi huit embryons sur dix ne s'implantent pas. À partir de ce constat, si nous voulons progresser, nous sommes condamnés à faire de la recherche sur l'embryon préimplantatoire.

Je vous renvoie à ce documentaire de 2007, Graine d'espoir, dans lequel on voit une fillette handicapée demander à ses parents pourquoi ils l'ont conçue avant de consulter le professeur Hamamah. Je rejoins Philippe Berta : il est facile de parler du handicap lorsqu'on ne le vit pas. J'ai un enfant handicapé, et si nous avions su à l'époque, nous aurions interrompu la grossesse. Aujourd'hui, nous avons d'autres moyens, mais il faut les répartir autrement et cibler prioritairement les pathologies graves.

Cela m'amène à l'organisation de la PMA sur le territoire. Selon les centres, le taux de réussite varie entre 10 % et 30 %, ce qui m'incite à penser qu'il faut rationaliser l'offre, comme l'a fait l'Institut national du cancer (INCa) dans son domaine. La PMA est une activité programmable, qui ne répond à aucune urgence : dès lors, ne vaut-il pas mieux faire cinquante kilomètres et bénéficier d'une plateforme performante et d'une équipe pluridisciplinaire qui prend en charge la procédure de A à Z, plutôt que de se rendre près de chez soi, mais dans un centre où le taux de réussite n'excède pas 10 % ?

Nous n'étions pas très nombreux, il y a quelques années, à réclamer que l'Agence de la biomédecine publie les résultats de chaque centre. Depuis qu'ils sont accessibles, on constate que les centres qui ont de bons résultats restent les mêmes d'une année sur l'autre. Je ne crois pas aux miracles et je suis convaincu que, de même qu'on considère qu'une maternité qui réalise moins de trois cents accouchements par an ou un bloc chirurgical où l'on pratique moins de mille actes par an doivent fermer, il faudra statuer sur le sort des petits centres, même si certains ont de bons résultats.

Investir dans la recherche est indispensable pour améliorer nos résultats. C'est selon moi une condition sine qua non à l'élargissement de la PMA à toutes les femmes. Entendons-nous bien : je suis favorable à cette ouverture car je veux mettre un terme au développement du tourisme procréatif, mais avant d'augmenter le volume de PMA dans notre pays, nous devons améliorer les résultats, car on ne peut plus accepter qu'un couple dont la tentative vient d'échouer reçoive son compte rendu de procédure, sur lequel il lui est indiqué qu'il ne lui reste plus que trois tentatives prises en charge par la sécurité sociale.

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