Intervention de Joël Deumier

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 8h40
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Joël Deumier, président de SOS Homophobie :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de recevoir SOS Homophobie pour évoquer la question de la procréation médicalement assistée (PMA). Vous réalisez depuis des semaines un travail de débat essentiel.

SOS Homophobie a vingt ans d'existence. C'est une association de lutte contre les LGBT-phobies. Notre ligne d'écoute nationale est anonyme et gratuite. Nous menons des actions dans le milieu scolaire et dans les entreprises. Enfin, nous publions un rapport annuel sur les LGBT-phobies, qui est le seul baromètre existant en France qui mesure l'homophobie.

La France connaît ces derniers mois une succession de violences homophobes. L'homophobie est malheureusement toujours ancrée dans nos sociétés. Cela a conduit SOS Homophobie a décidé de s'engager sur la question de la PMA, notamment pour éviter de revivre ce que nous avons subi en 2012-2013, lors des débats sur le mariage pour tous, à savoir une recrudescence de 78 % des violences homophobes. Notre association a vu les signalements d'actes homophobes exploser, passant de 1 977 à 3 517 sur nos services d'écoute. Nous nous apprêtons à revivre cette vague de violence si nous ne fixons pas, sur le sujet de la PMA, deux règles essentielles, qui sont très simples : premièrement, ne pas mélanger les sujets ; deuxièmement, ne pas faire des personnes LGBT des boucs émissaires sur des sujets beaucoup plus larges, qui ne les concernent pas exclusivement, mais plutôt l'ensemble de la société.

En premier lieu, il ne faut pas confondre la PMA et la GPA. La GPA est aujourd'hui interdite pour tout le monde. Elle n'est autorisée pour personne. Il ne s'agit donc pas d'un enjeu d'égalité. La PMA est en revanche autorisée pour les couples hétérosexuels, mais interdite aux couples homosexuels. Il s'agit d'une discrimination, et donc d'un enjeu d'égalité. Par ailleurs, la GPA concerne à 75 % les couples hétérosexuels, et non les personnes LGBT exclusivement.

D'autre part, la PMA n'implique pas de marchandisation du corps, dans la mesure où il n'est pas question de remettre en cause le principe de gratuité du don de gamètes. Les Français y sont très attachés. Par ailleurs, beaucoup d'hommes seraient prêts à donner des gamètes s'ils étaient mieux informés des besoins et si les enjeux leur étaient mieux expliqués. Enfin, l'anonymat des donneurs et son pendant, l'accès aux origines, sont des débats essentiels, qui préexistent au débat d'aujourd'hui et se posent, s'agissant de la PMA, pour des couples hétérosexuels. En tant que personnes LGBT, nous ne sommes pas plus concernés que les personnes qui ont aujourd'hui déjà accès à la PMA.

Le débat sur la PMA dure depuis plus de vingt ans. Des institutions de la République, responsables, se sont prononcées et ont été entendues. Aucune n'a émis de contre-indication éthique ou juridique à l'extension de la PMA, qu'il s'agisse du Conseil d'État, du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), du Défenseur des droits ou du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE). Dans l'Union européenne, une dizaine de pays ont ouvert la PMA à toutes les femmes, certains depuis plus de dix ans. Aucun des risques dénoncés par les opposants à la PMA ne s'est manifesté. En 2018, la France connaît une chance historique d'étendre la PMA à toutes les femmes. Il est temps d'agir. Nous avons participé au débat, nous avons été entendus par différentes instances et institutions. SOS Homophobie ne demande pas aujourd'hui la création d'un nouveau droit, mais simplement l'extension d'un droit existant.

Je laisse la parole à Mme Plantive, qui est membre de SOS Homophobie et qui est personnellement concernée par la PMA, puisqu'elle y a eu recours avec son épouse.

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