…notamment par leur propos sur l'eugénisme ! Quand M. Francis Crick, découvreur de l'acide désoxyribonucléique (ADN), dit dans une conférence que « tout enfant nouveau-né ne devrait pas être appelé humain avant de passer un certain nombre de tests portant sur sa dotation génétique ; s'il ne réussit pas ces tests, il perd le droit à la vie », nous sommes effrayés. Sa posture est extrêmement dure ; j'espère que ce n'est pas la vôtre non plus ! Elle assume une sorte de toute-puissance scientifique. C'est parce que nous sommes à la veille de progrès monumentaux, dans tous les domaines, notamment dans la transparence du génome, que nous avons besoin d'une régulation solide de l'État, exercée par des scientifiques et des hommes politiques. Chacun a son mot à dire.
Ne subissons pas le conséquentialisme. Un journaliste m'a dit : « À partir du moment où un enfant est né d'une technique, il ne peut pas la contester. » C'est là que le bât blesse. Vous parliez de délire. Pensez à l'utérus artificiel, au livre d'Henri Atlan et à la préconisation de certains, que j'ai entendue dans des débats. Est-ce qu'un enfant né d'une machine pourrait nous reprocher de l'avoir privé d'une enceinte maternelle ? Nous pensons que oui. Certaines femmes, dans certains pays, sont traitées comme des machines à faire des enfants. Il semblerait que s'ils pouvaient s'en passer, à la manière du Meilleur des mondes de Huxley, certains le feraient. Il nous appartient de protéger les enfants, y compris ceux qui n'auraient pas le droit de se plaindre de maltraitance originelle, sans laquelle ils n'auraient pas la vie. Nous assumons pleinement toutes les vies qui sont présentes, nous les encourageons et les soutenons, mais nous ne pouvons cautionner des maltraitances originelles. Si nous le faisons et si nous privons les futures générations de naître libres et égales en droits, nous ne sommes plus solidaires.
Toutes ces questions nous amènent à une extension du domaine de la solidarité, dans le temps, comme dans l'espace. Les générations futures sont désormais tributaires de notre manière de leur transmettre une sorte d'identité, de « définir et protéger le sanctuaire de notre identité », comme le dit M. Attali dans sa tribune de 2013 parue dans Slate.
La France a une voix très forte à faire valoir, car nous n'avons pas encore cédé aux sirènes de l'utilitarisme anglo-saxon. Je pense d'ailleurs que le président de la République cautionne l'idée d'une voie et d'une parole françaises, très attendues dans le monde, pour protéger les plus fragiles.