Intervention de Sylvaine Télesfort

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 17h00
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Sylvaine Télesfort, présidente de l'Association Maison Intersexualité et Hermaphrodisme Europe (AMIHE) :

Je vous remercie, monsieur le président, de nous recevoir.

Je représente une association d'hermaphrodites purs. Nous combattons d'ailleurs les personnes qui se disent « intersexes » mais ne relèvent pas de cette catégorie. La notion d'« intersexe » se rapporte à une mutation génétique au niveau du développement sexuel, qui apparaît à la septième semaine de la gestation et provoque une infertilité chez les enfants à naître.

On entend souvent dire que nous naissons mutilés à la naissance, ce qui est inexact. Environ 120 personnes hermaphrodites naissent chaque année, dont les situations sont toutes différentes mais très peu enviables. Nous sommes stériles et nous l'apprenons généralement assez tard, surtout les personnes nées comme moi dans les années 1950, quand la génétique et la médecine étaient beaucoup moins évoluées qu'aujourd'hui et où l'on avait beaucoup moins de connaissances.

L'hermaphrodisme est le plus souvent d'origine génétique et fait partie des maladies rares. Seul un test génétique permet de l'identifier, et il ne faut pas le confondre avec d'autres pathologies. Les personnes qui naissent, par exemple, avec un syndrome de Klinefelter, qu'on appelle aussi « 47, XXY », peuvent être traitées sans que leurs organes génitaux soient modifiés ; il suffit en effet d'un peu de testostérone pour « booster » leurs testicules. C'est le cas aussi de celles qui naissent avec un hypospadias, et à qui il suffit de mettre une canule dans l'urètre pour qu'elle rejoigne le milieu de la verge, ou avec une hyperplasie congénitale des surrénales, qui concerne le rein et pas le sexe. Les personnes hermaphrodites, par contre, ont des organes génitaux qui ne se développent pas.

Mais, malheureusement, beaucoup de gens font des confusions et procèdent à des amalgames entre toutes ces situations, ce qui porte préjudice aux personnes hermaphrodites.

Nous sommes en ce moment assimilés aux défenseurs de l'approche du « genre », qui n'ont rien à voir avec nous et qui mènent un combat complètement différent du nôtre, celui de la discrimination. Nous, nous ne sommes pas discriminés, nous n'avons pas de coming-out à faire : on ne va pas dire à son employeur qu'on est hermaphrodite, on travaille et on se tait.

Actuellement, je m'occupe, à Marseille, du cas d'un enfant né avec une aphallia, c'est-à-dire né avec des testicules mais sans verge. C'est un cas rare, mais ça arrive. L'équipe de Marseille a procédé de manière précipitée à une ablation des testicules, en ne tenant compte que de l'accord du père et en passant outre l'avis de la mère, sur la base d'une étude de cas publiée dans une revue norvégienne. Aujourd'hui, cet enfant est atteint d'autres pathologies car il est très rare, dans les cas d'hermaphrodisme, qu'il n'y ait qu'une seule mutation – je suis moi-même concernée par trois mutations génétiques. Dans un premier temps, on a diagnostiqué à ce petit garçon une trisomie 21, alors qu'il est, en fin de compte, atteint du syndrome de Kabuki, ce qui n'est pas du tout pareil. Nous l'avons reçu pour l'accompagner dans la définition de son syndrome avec le service d'embryologie de l'hôpital Trousseau, qui a effectué un prélèvement sanguin pour recueillir son ADN moléculaire et l'envoyer à Montpellier. Tout ce qui avait été fait en amont pour traiter la trisomie 21 suite à l'erreur de diagnostic s'est révélé inapproprié. Cet enfant a donc perdu huit ans de sa vie. Il a aujourd'hui quatorze ans, il a subi une opération chirurgicale pour devenir petite fille avant même d'avoir atteint l'âge de raison et il souffre de déficience mentale. 25 % des personnes atteintes du syndrome de Kabuki décèdent avant l'âge de 25 ans, ce qui est un taux très élevé. Par ailleurs, la mère de l'enfant se trouve dans une situation précaire et la caisse d'allocations familiales, qui avait accordé des allocations sur la base d'une trisomie, lui réclame aujourd'hui 6 000 euros d'indu, alors qu'elle n'a pas le sou.

Les erreurs médicales sont encore nombreuses. Malgré un suivi au cas par cas et malgré l'évolution des connaissances scientifiques et l'existence de centres de référence composés de spécialistes – généticiens, embryologues, cliniciens, psychologues –, nous sommes toujours diagnostiqués tardivement. En ce qui concerne, je n'ai appris que très tardivement de quoi je souffrais. J'avais un micro-pénis qui n'avait alors jamais évolué. À l'âge de trente-deux ans, j'ai connu un important problème de santé et c'est à cette occasion que le diagnostic final a été posé. Pour moi, c'est fini, je suis à la retraite – car les hermaphrodites travaillent, ils n'ont pas de problème de retraite. Moi, j'ai travaillé toute ma vie, même si j'ai exercé différents métiers.

L'association vient exclusivement en aide aux personnes qui sont nées hermaphrodites. Nous ne traitons pas des malformations congénitales, des maladies chromosomiques, ni des dysfonctionnements glandulaires.

L'« intersexe » est une notion qui nous semble imprécise, car elle représente seize mutations possibles. Moi, par exemple, je suis née avec un « 47, XYY en mosaïque », j'ai un déficit en 17-cétostéroïde réductase, j'ai un déficit du facteur V Leiden et je suis anémique en permanence.

Nous ne voulons pas être laissés entre les mains de personnes qui cherchent à faire de l'audimat à tout-va – il y en a beaucoup en France – et qui n'ont malheureusement jamais poussé la porte d'un centre d'embryologie. Lorsque des élus ou des étudiants viennent nous voir, ils ressortent en ayant compris que le milieu LGBT raconte des choses qui sont fausses – mais tout le monde a le droit de parler, bien sûr. Quant à nous, chaque association d'hermaphrodites travaille avec son centre d'embryologie attitré.

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