Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 10h30
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, président :

Je vous remercie très vivement de vos informations, qui nous sont très utiles.

Je veux dire à quel point j'ai apprécié vos développements et votre introduction, où vous mettez en exergue un problème de notre société contemporaine, à savoir la nécessité de dénoncer plus efficacement la confusion qui règne entre la connaissance scientifique et la morale. Les croyances sont légitimes, mais ne doivent pas être confondues avec la science. Autoriser ou interdire au nom d'une conviction ne se situe pas sur le même plan que le faire au nom d'une preuve scientifique. Vous avez donc raison de dénoncer le fait, car une telle attitude est regrettable à tous niveaux. Notre réflexion doit séparer ces deux aspects, l'un et l'autre ayant sa place, mais il nous revient d'indiquer ce qui relève de la science et ce qui relève de telle ou telle option éthique, par exemple.

Mes interrogations sont de différentes natures.

Les premières portent sur le dépistage préconceptionnel. Vous avez pris connaissance du rapport du CCNE, qui propose des avancées significatives en ce domaine. C'est, en définitive, la possibilité pour tous ceux qui le souhaitent de recourir au dépistage, et pas uniquement dans des cas ciblés de familles qui ont un cas connu d'une pathologie déterminée. Cela a suscité chez certains, mais non chez moi, des inquiétudes fortes sur le plan philosophique et sur le plan pratique, car il était indiqué que la France ne comptait pas un nombre de généticiens médicaux suffisant pour faire face à un éventuel afflux de demandes de couples envisageant d'avoir des enfants et qui sollicitent des avis.

Comment répondre à ces inquiétudes ? Comment bénéficier des annonces du CCNE pour prévenir certaines maladies graves ? Comment établir la liste des maladies sévères à traitement limité, qui, de façon certaine, apparaîtront chez des personnes ayant une prédisposition ou une augmentation de prévalence avant le milieu de la vie et avec un pronostic effroyable ?

Monsieur Mandel, vous avez écrit un article rapportant qu'à l'instar d'un Français sur vingt-cinq, vous êtes porteur d'une mutation prédisposant à la mucoviscidose sans que cela ait eu de conséquences, d'autant qu'il aurait fallu que votre épouse soit atteinte de la même mutation pour que vos enfants soient, dans un cas sur quatre, porteurs de cette maladie. Vous avez d'ailleurs vérifié la chose et il s'est avéré que votre fille n'était pas porteuse du gène. Nous comprenons l'intérêt de cette démarche prospective. Si votre fille avait été porteuse du même gène muté que vous, vous auriez suggéré que son mari soit l'objet d'une investigation.

Pour résumer, est-il possible d'établir une liste ? Par qui ? Comment ? Selon quelles conditions pratiques ? Et comment rassurer les personnes inquiètes ?

Ma seconde question porte sur le diagnostic néonatal des naissances « tout-venant ». À ce jour, le diagnostic porte sur cinq maladies. Il est prévu d'ajouter les déficits immunitaires sévères, comme l'ont fait d'autres pays qui assurent une prise en charge de ces maladies dès la naissance. Les greffes de cellules souches assurent aux enfants 95 % de probabilité de guérison alors qu'un diagnostic tardif, lorsque les enfants sont infectés, fait chuter les chances de guérison.

Outre ces cinq maladies et les déficits immunitaires, voyez-vous d'autres affections qui seraient associées à une incidence à prendre en charge dès la naissance et qui mériteraient de faire l'objet d'un diagnostic néonatal ?

Ma dernière observation porte sur l'un de vos écrits. Vous y notez que, grâce à la technique du CRISPR-Cas 9, il serait envisageable de lutter contre les moustiques qui transmettent diverses maladies, du paludisme au chikungunya, en modifiant le génome des moustiques. Pourriez-vous nous fournir quelques informations pour envisager une prévention forte de maladies de grande fréquence sous certaines latitudes ?

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