Intervention de Jean-Louis Mandel

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 10h30
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Jean-Louis Mandel, professeur honoraire au Collège de France :

Merci pour ces questions d'importance.

On dit que le dépistage préconceptionnel ne serait pas possible dans la population française, faute de généticiens. Je suggère, à l'instar de M. Alain Fischer, d'utiliser des nouveaux moyens d'information telles que des vidéos sur Youtube pour livrer des informations compréhensibles. L'offre systématique du ministère de la santé israélien est retenue par plus de 90 % des couples qui envisagent une procréation. Je ne vois pas en quoi cela poserait un problème particulier en France, à condition de bien l'organiser.

Je suis contre une liste restrictive des gènes dans la mesure où la génétique évolue et que l'on découvre encore, notamment dans le domaine de la déficience intellectuelle, de nouveaux gènes de maladies récessives responsables de handicaps lourds. Aucune liste restrictive n'a été dressée, et à juste titre, pour le diagnostic prénatal. Il faut discuter avec les parents. Le diagnostic prénatal est plus drastique que le diagnostic préconceptionnel, qui donne le temps de discuter.

Par exemple, le dépistage préconceptionnel de l'hémophilie est l'un des cinq les plus fréquemment réalisés en France. Même si ses conséquences restent lourdes, la maladie se traite bien. Je me suis interrogé sur les raisons de la demande de dépistage. Il y en a deux principales. D'une part, la naissance d'un enfant hémophile est un facteur de danger pour lui-même. Si l'on sait par avance qu'il sera hémophile, cela permet, dès les premières heures, d'être prêt à faire face à toute éventualité. La demande d'un diagnostic prénatal est donc formulée par des familles qui comptent déjà un enfant hémophile afin de mieux préparer médicalement la naissance. D'autre part, des familles considèrent que le traitement est excessivement lourd. Il existe des disparités régionales du traitement des hémophiles. Le traitement préventif s'impose. Pensons à l'enfant hémophile qui doit subir une opération ou doit se rendre chez le dentiste, ou encore à celui qui fait du foot, se cogne, commence à saigner. Les genoux des hémophiles sont un problème. L'hémophilie reste une maladie très lourde. Aussi les couples qui ont déjà un enfant hémophile préfèrent souvent ne pas en avoir un second car l'angoisse d'un accident est trop forte.

Comme je vous l'ai indiqué, j'ai conversé avec le responsable du programme israélien de dépistage. Il m'a rapporté que dans un village druze, pour des raisons d'effets fondateurs, sévit une xanthomatose, maladie grave. Avec un recul de dix ans, on constate que la prise en charge précoce a permis que les enfants soient en bonne santé. Les habitants de ce village utilisent le dépistage préconceptionnel, et non un diagnostic prénatal incitent à une interruption de grossesse, afin que le traitement soit entrepris très tôt. Pour traiter la phénylcétonurie, le traitement doit également être entrepris très tôt.

Plutôt qu'une liste que l'on souhaitera modifier au bout de six mois, je pense préférable de mettre en place un système de contrôle. On demanderait ainsi aux laboratoires qui proposeraient ce type de tests la liste des maladies recherchées et on verrait si certaines ne sont pas justifiées. C'est ce que font les comités de diagnostic prénatal, qui jugent au cas par cas.

J'en viens au dépistage néonatal. Pour les déficiences immunitaires, le programme israélien procède par dépistages systématiques. D'autres pays commencent à adopter cette procédure. C'est ce que font les États-Unis pour les maladies métaboliques qui ont une possibilité de traitement, telle que la phénylcétonurie. Sur ce plan, la France a pris beaucoup de retard. Nous sommes probablement l'un des seuls pays disposant d'un système de santé évolué à ne dépister que cinq maladies. Il est vrai qu'il faut passer à des technologies plus lourdes, qui demandent une concentration des moyens : un seul laboratoire pour une très grande région et non pas un laboratoire par CHU. Par protectionnisme, chacun voudrait posséder son spectromètre de masse, mais c'est impossible.

Dans l'État de New York, sous la pression des familles concernées, un dépistage a été autorisé pour une maladie métabolique, la maladie de Krabbe, pour laquelle les traitements ne sont pas au point. Il est donc nécessaire d'étudier au cas par cas au regard des traitements disponibles.

S'agissant des moustiques transmetteurs de maladies, je ne suis pas un spécialiste ; je sais qu'une équipe travaille sur ce sujet à Strasbourg. L'idée a été formulée de modifier le génome des anophèles, qui transmettent, entre autres, le paludisme et le zyka, afin de relâcher dans la nature des individus mutés. Au lieu de faire une fixation sur le fait qu'il s'agit d'un organisme génétiquement modifié, il convient de mesurer les dangers réels. Les techniques de CRISPR-Cas 9 étant extrêmement ciblées, le risque d'atteindre des populations non ciblées, les abeilles par exemple, me semble infime. Cela dit, je ne suis pas spécialiste. Le paludisme tue des millions d'enfants de par le monde et touche les adultes sous une forme grave. Il convient d'ouvrir le débat pour déterminer les avantages et être pragmatique, un terme que je préfère à celui parfois avancé d'« utilitariste ».

Quels sont les dangers, non fantasmés, tirés de la biologie ? Je ne dis pas qu'il faille agir immédiatement. En France, il est très difficile d'engager ce type de recherches, le secteur des organismes génétiquement modifiés est très sensible. Face à un problème de santé mondial, il est un peu dommage que les choses soient prises en main aux États-Unis et que les équipes françaises rencontrent des difficultés à se faire financer, car on leur oppose le fait que ces recherches ne seront jamais autorisées.

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