Intervention de Jean-Louis Mandel

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 10h30
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Jean-Louis Mandel, professeur honoraire au Collège de France :

S'agissant des tests génétiques, un de mes étudiants post-doctorants a trouvé par 23andMe que six membres de sa famille au cinquième degré vivaient aux États-Unis. S'agissant des tests génétiques concernant les maladies, je pense que la procédure doit être encadrée pour s'assurer de la fiabilité des résultats.

Les laboratoires qui réalisent ces tests aux États-Unis sont accrédités Clinical Laboratory Improvement Amendments (CLIA) Certified. Cela garantit la bonne qualité technique. Nous pourrions demander aux laboratoires qui solliciteraient une autorisation de nous soumettre la liste qu'ils proposent. Si des éléments n'avaient pas de sens, présentaient un danger ou si le laboratoire faisait de la publicité abusive, nous pourrions refuser. Quel que soit le domaine, une entreprise qui fait de la publicité abusive et ment peut être punie par la loi. Il faut libéraliser tout en organisant un contrôle pour éviter toute dérive. Par exemple, il faudrait interdire à M. Laurent Alexandre de dire des bêtises et de raconter que l'on pourrait avoir des QI de 140 grâce à la génétique !

J'en viens aux listes restrictives. Je ne serais pas opposé au fait d'écrire que telle ou telle maladie relativement fréquente ne justifie pas le recours aux tests. Je pense, par exemple, à l'hémochromatose. Dans le cadre d'un dépistage préconceptionnel, il n'y a pas de raison de faire un dépistage de l'hémochromatose dans la mesure où la maladie, en général, se déclare tardivement, au plus tôt vers 40 ou 50 ans, voire plus tardivement encore. En revanche, il serait très intéressant de proposer le dépistage systématique des personnes à risque, susceptibles de développer une hémochromatose des adultes, car on constate très souvent que le diagnostic tombe trop tardivement alors que l'on peut intervenir médicalement, ne serait-ce qu'en déconseillant fortement l'absorption d'alcool.

On pourrait par conséquent décider d'écarter certains gènes.

À l'heure actuelle, des maladies graves sont découvertes tous les mois. Imaginez que l'on dise à une famille dont l'enfant est atteint d'une maladie effroyable qu'il n'a pas eu de chance parce que sa maladie n'avait pas encore été ajoutée à la liste comme ce fut le cas à l'occasion de la nouvelle révision de la loi de bioéthique six ans plus tard… Je préfère de beaucoup que la liste des gènes qui doivent être testés passe devant une commission et que cette commission ne mette pas deux ans avant de décider s'il est ou non justifié d'intégrer tel ou tel gène à la liste.

La déficience intellectuelle touche 1 % à 1,5 % de la population des enfants et jeunes adultes. Environ 50 % à 60 % ont des causes génétiques, que l'on appelle « monogéniques ». Plus de mille gènes sont impliqués. Ce handicap pose-t-il des problèmes du point de vue de l'insertion sociale des personnes atteintes ? En France, depuis vingt ou vingt-cinq ans, il est procédé au dépistage de la trisomie 21. Il existe des formes de déficience intellectuelle plus sévères que la trisomie 21, qui s'accompagnent de comportements terribles et d'épilepsie.

La difficulté réside dans les limites. Par exemple, des maladies sont associées à des formes de déficience mentale légère, borderline. La définition de la déficience légère est un QI entre 50 et 70. La normalité intervient au-delà de 70. Ce sont le plus souvent – il peut y avoir des exceptions – des gènes qui sont responsables des déficiences mentales légères. Après explication, il appartient aux parents de décider s'ils se sentent prêts à accompagner cet enfant. Le problème est également d'ordre sociétal. Dans une société où il faudra changer de travail plusieurs fois au cours de la vie professionnelle, des personnes affectées de déficits dits légers auront de grandes difficultés à de telles adaptations, et il est probable qu'elles seront exclues du système scolaire, notamment en France. Les familles qui ont un enfant atteint d'un déficit mental léger et qui habitent le nord de la France envoient leur enfant à l'école en Belgique. Elle est plus ouverte pour prendre en charge des enfants un peu moins performants. La société doit pouvoir garantir aux parents que, même si leurs enfants connaissent des difficultés scolaires, ils bénéficieront de la présence d'auxiliaires de vie scolaire, d'une prise en charge et de lieux de vie adaptés.

Voilà plus de vingt ans que le dépistage de la trisomie 21 est réalisé en France. À l'heure actuelle, les naissances d'enfants trisomiques représentent 20 % des naissances qui auraient eu lieu si le dépistage n'existait pas, car celui-ci est techniquement incomplet. Or, la difficulté pour les parents d'enfants adultes trisomiques est de savoir quel lieu de vie trouver pour leur enfant de trente ans : d'une part, parce que c'est une bonne chose que les enfants partent du domicile familial ; d'autre part, parce que les parents vieillissent. Si nous voulons qu'un vrai choix soit possible, il faut offrir des alternatives aux parents et pouvoir définir la prise en charge du handicap, assurer à l'enfant une possibilité de scolarisation, un métier, des lieux de vie.

Parfois, on entend dire que mettre en place des tests génétiques aboutirait au mythe de l'enfant parfait. Je ne pense pas que les couples veulent un enfant parfait : ils veulent un enfant qui n'ait pas d'énormes problèmes. Lorsque la maladie est bien prise en charge par un traitement adéquat, les gens ne demandent pas une interruption de grossesse, en tout cas beaucoup moins souvent.

Une maladie grave est un handicap moteur, tel celui que provoque une myopathie, l'enfant se retrouvant en chaise roulante à dix ans avec un risque élevé de mortalité à l'âge de vingt ans. Une maladie grave est un handicap intellectuel sévère, souvent compliqué de troubles du comportement, tels que l'épilepsie. La situation se complique parfois de surdité congénitale. Selon les formes, des surdités congénitales sont appareillables, d'autres ne le sont pas. On peut sans doute décider, à l'instar du diagnostic prénatal, que ce soit débattu au cas par cas en fonction du gène. Le syndrome d'Usher allie surdité et cécité. Permettre un diagnostic prénatal pour des handicaps très lourds doit être proposé.

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