Intervention de François Toujas

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 16h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

François Toujas, président de l'Établissement français du sang :

Pour ce qui est de votre dernière question, je vous dirai que, n'étant ni chercheur ni devin, je me dois de faire preuve de la plus grande prudence et de me contenter des éléments d'information dont je dispose pour vous répondre. Pour ma part, je ne crois pas que les hématies puissent être produites artificiellement et en quantité massive, donc que le don du sang puisse être remplacé par d'autres techniques, dans les vingt ans qui viennent.

C'est ce qui justifie que je continue à m'efforcer de faire passer le message selon lequel la collecte de sang reste l'un des éléments essentiels permettant d'assurer la santé de nos concitoyens, pas seulement pour faire face aux accidents et aux attentats : nous ne devons pas oublier que plus de 45 % des transfusions sanguines vont à des malades atteints d'un cancer. Très franchement, le moment à partir duquel nous pourrons peut-être nous passer du don de sang se situe pour moi à un horizon si lointain que je ne le vois même pas… En revanche, à une échéance relativement proche, les progrès de la technique vont certainement aboutir à la mise au point de réactifs permettant d'améliorer le geste transfusionnel.

Quant aux futures campagnes de communication, elles sont au coeur de notre réflexion. Nous nous efforçons régulièrement de « déringardiser » l'image des collectes de sang, et devons continuer à le faire en développant une sorte de « marketing social ». Il existe des donneurs qui présentent un intérêt particulier en raison de leur groupe sanguin, et que nous devons être capables de faire participer davantage à nos collectes. Je précise que ce n'est pas lié à la rareté de tel ou tel groupe : il y a régulièrement des tensions sur l'approvisionnement de sang du groupe O+, qui est pourtant le plus commun en France. De ce fait, parallèlement aux grandes campagnes nationales, nous devons développer des outils de communication modernes, reposant notamment sur les réseaux sociaux et les techniques de marketing, afin de nous permettre de mieux cibler certaines campagnes.

L'EFS a également entrepris de recourir aux sciences sociales liées à l'animation des territoires, partant du principe que l'une des clés du succès des collectes réside dans la compréhension de la façon dont les personnes se déplacent au sein des territoires. De ce point de vue, la situation actuelle n'est plus celle d'il y a vingt ans, ce qui justifie que nous adaptions l'outil de collecte en conséquence – notamment grâce à la géolocalisation. Par ailleurs, nous devons nous employer à faire comprendre, notamment aux jeunes générations, que non seulement le don du sang est nécessaire, mais qu'il constitue une expérience intéressante, que tout un chacun devrait faire au moins une fois dans sa vie – j'en profite pour remercier les donneurs réguliers.

J'en viens à la première question que vous m'avez posée – à laquelle il est le plus difficile de répondre. En effet, on voit mal comment aller vers l'autosuffisance au sein d'un marché ouvert. Si la notion d'autosuffisance s'applique au monopole des produits sanguins labiles, pour lesquels la collecte en France est organisée selon un modèle non lucratif, les choses sont plus compliquées pour les médicaments dérivés du sang et la collecte de plasma.

En matière d'éthique, nous ne devons pas nous contenter de vérifier qu'elle s'applique aux donneurs : l'éthique, cela consiste aussi à faire en sorte que les malades puissent disposer en quantité suffisante des produits qui leur sont nécessaires…

À mon sens, l'EFS doit prendre sa part dans l'effort de consolidation de la filière française de médicaments dérivés du sang, en se posant deux questions. Premièrement, sommes-nous capables d'augmenter notre effort de collecte à mesure que les besoins du LFB s'accroissent ? La réponse est oui si l'on considère que nous sommes passés de 600 000 litres de plasma livrés au LFB en 2012 à 900 000 litres cette année, mais il faut s'interroger sur le prix auquel nous cédons notre plasma au LFB, à savoir un prix très bas par rapport à celui pratiqué à l'échelle internationale.

Deuxièmement, l'EFS doit-il prendre en compte les aspects relatifs à l'équilibre économique ? À cette question, mes collègues du budget répondront sans hésiter par l'affirmative, tandis que Mme Buzyn rappellera qu'il faut aussi soigner… En fait, la question doit être posée en termes de filière et, pour ma part, je suis extrêmement réservé à l'égard de toutes les pratiques pouvant conduire à une dérive vers la marchandisation du corps humain.

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