Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du vendredi 9 novembre 2018 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

Cet amendement vise à créer le parquet national antiterroriste (PNAT). Cette mesure avait été dès l'origine prévue dans le projet de loi soumis à l'avis du Conseil d'État, mais celui-ci a émis des observations qui m'ont incitée à supprimer la mesure en question dans le texte qui vous a été présenté pour vous en proposer aujourd'hui une version plus aboutie.

Ce parquet national sera dirigé par un procureur de la République antiterroriste et positionné près le tribunal de grande instance de Paris. En réalité, il se substituera au parquet de Paris, jusqu'alors compétent en matière de terrorisme, pour le traitement des infractions terroristes, des crimes contre l'humanité, des crimes et délits de guerre, des crimes de torture et de disparitions forcées commises par les autorités étatiques, des infractions relatives à la prolifération d'armes de destruction massive et des infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation en temps de paix.

Son objectif est double. Premièrement, il nous permettra de disposer d'une véritable force de frappe judiciaire antiterroriste pour répondre à des menaces qui restent à un niveau très élevé et prennent des formes nouvelles, de plus en plus endogènes. Parce qu'il sera déchargé du parquet de Paris – le plus important de France –, ce ministère public aura toute disponibilité pour se consacrer pleinement à ce contentieux très spécifique.

Deuxièmement, il s'agit d'offrir au procureur une visibilité institutionnelle sur le plan national et international. Je précise que mon propos ne vise nullement à remettre en cause la remarquable action conduite jusqu'à présent par le procureur de Paris chargé de l'antiterrorisme.

En outre, la création du parquet national antiterroriste permettra au procureur de la République de Paris de recentrer son activité sur les contentieux lourds et nombreux qui relèvent de son champ de compétences : je pense en particulier à la criminalité et à la délinquance organisées – compétence que nous renforcerons par amendement –, mais aussi aux accidents collectifs, aux affaires de santé publique et aux autres questions concernant Paris.

Si je vous propose aujourd'hui cet amendement, c'est parce que le Gouvernement a pris en compte les observations formulées par le Conseil d'État, qui nous a demandé de veiller à ce que le procureur antiterroriste dispose des moyens concrets d'exercer ses fonctions et de faire face à des accidents majeurs. C'est ce que nous proposons en prévoyant la création d'une réserve opérationnelle de magistrats du parquet de Paris, à laquelle le procureur national antiterroriste pourra recourir en cas de crise ou d'événement majeur pour adapter les effectifs aux variations de l'activité terroriste. Cette réserve fera l'objet d'une liste gérée par le procureur de Paris.

Le PNAT sera également doté d'un mécanisme procédural innovant lui permettant de requérir de tout procureur de la République la réalisation d'actes d'enquête qu'il déterminera afin de répondre efficacement à l'ampleur des investigations nécessaires en cas d'attentat.

Enfin, ce nouveau parquet ne sera pas isolé au sein de l'institution judiciaire : il pourra compter sur des relais territoriaux. Bien que situé à Paris, il va de soi que le PNAT ne se limitera pas au ressort de la capitale. Les tribunaux de grande instance – dont le ressort est particulièrement exposé à la menace terroriste – comprendront donc des magistrats du ministère public délégués à la lutte contre le terrorisme. Le PNAT se trouvera donc au centre d'un réseau qui maillera le territoire. Ces magistrats seront associés à la coordination administrative de veille, de prévention et de détection du terrorisme. Ils seront ainsi mieux informés dans leur ressort et pourront mieux alerter le PNAT sur les parcours de radicalisation violente et les liens éventuels entre la petite délinquance et le terrorisme.

En somme, la création du parquet national antiterroriste parachève notre organisation de lutte contre le terrorisme, qui demeure l'une des priorités du ministère de la justice.

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