Même avis. Je me suis déjà exprimée sur ce sujet lors de la discussion générale. Soyons clairs : je ne méconnais pas la difficulté existante concernant les infractions commises par des adolescents. Cependant, il faudrait tout d'abord évaluer les chiffres objectifs pour savoir de quoi nous parlons. Sur le plan juridique, ensuite, l'ordonnance de 1945 prévoit en effet l'atténuation de la responsabilité des mineurs âgés de seize ans au moins. Alors que cette atténuation de responsabilité – je préfère cette formule à celle d'excuse de minorité – est obligatoire entre treize et seize ans, elle n'est, en l'état actuel du droit, que facultative entre seize et dix-huit ans. Cela étant, je ne suis pas sûre que l'inversion du principe que vous proposez – à savoir qu'un mineur de seize ans soit par défaut soumis aux mêmes peines qu'un majeur sauf décision contraire motivée – change quoi que ce soit : avec la « peur du bâton », vous ne proposez là qu'un acte symbolique. Je sais que cela peut avoir une incidence mais, dans la réalité, la justice des mineurs n'est pas laxiste lorsqu'elle prononce des sanctions : 900 mineurs sont actuellement en détention – ce n'est pas un nombre négligeable. Je ne crois donc pas que le travail sur la loi modifierait en l'espèce les données du problème, d'autant plus que le Conseil constitutionnel, dans une décision de 2002, a érigé le principe de l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge au rang de principe fondamental reconnue par les lois de la République.
En revanche, il me semble important d'améliorer la rapidité, la systématicité et l'opérationnalité de la réaction. C'est là que nous avons des gains à obtenir. Ce n'est pas que la justice soit incapable d'être réactive – à Créteil, par exemple, le jeune a été éloigné et placé sous contrôle judiciaire dès le lendemain de l'incident. C'est dire que la justice peut parfaitement être réactive. J'ignore cependant si elle l'est de manière systématique. Sans doute y a-t-il des marges de progrès en matière d'opérationnalité entre les forces de l'ordre et les services de justice – marges qui doivent d'ailleurs varier selon les territoires.
Cependant, je ne juge pas souhaitable d'inverser le principe de l'atténuation de responsabilité entre seize et dix-huit ans parce que je ne crois pas que la justice soit laxiste, même si nous devons progresser en matière de mise en oeuvre. En toute hypothèse, un mineur délinquant ne peut pas être vraiment considéré comme un adulte, car il est encore un individu en construction. Sans méconnaître la difficulté, voilà pourquoi j'estime que la réponse législative n'est pas forcément l'outil adéquat.