Nous examinons aujourd'hui un budget de 2,85 milliards d'euros répartis entre les trois programmes permanents de la mission « Action extérieure de l'État ». Mais disposons-nous de tous les éléments pour répondre à une question simple : au plan diplomatique, la France, combien de divisions ? Aussi étrange que cela puisse paraître, nous ne le savons pas complètement. Nous savons bien qu'il y a 163 ambassades de France, ce nombre faisant de notre réseau diplomatique le troisième au monde, juste derrière la Chine et les États-Unis. Mais dans chaque poste diplomatique, quels sont les moyens et les effectifs des différents services de l'État ? À cette question, même un ambassadeur peut avoir du mal à répondre, car tout le personnel placé sous son autorité ne figure pas dans le budget de la mission, à l'exemple des conseillers économiques et sociaux ou des attachés de sécurité, qui relèvent d'autres ministères. Et c'est plus encore le cas des réseaux des opérateurs de l'État.
Pour que le quai d'Orsay adapte notre outil diplomatique aux nouveaux besoins tout en participant à la modernisation de l'action publique, le budget 2019 procède d'une démarche à la fois quantitative et qualitative. C'est un budget en expansion, car les principaux postes pilotes augmentent alors que des diminutions proviennent toutes d'économies de constatation ou de mesures de périmètre. Mais cette expansion doit nous doter des véritables outils qualitatifs de transformation. C'est tout l'objet de la démarche de modernisation Action publique 2022 qui engage une réforme structurelle, attendue de longue date, en confiant au quai d'Orsay le pilotage de l'ensemble des réseaux de l'État à l'étranger. L'ambassadeur pourra désormais constituer lui-même son équipe en fixant les compétences nécessaires au regard du plan d'action de l'ambassade, avec pour seule contrainte l'enveloppe de masse salariale du poste diplomatique. Le chef de poste pourra enfin répondre à la question : dans cette ambassade, dans ce pays, la France, combien de divisions ? Il devra surtout répondre à la question essentielle : dans cette partie du monde, quelles missions la France doit-elle accomplir ?
Je l'avais indiqué dans le cadre de mes travaux de contrôle et d'évaluation : cette unité budgétaire et cette unité de commandement garantissent la cohérence des actions de la maison France, donc la qualité de notre diplomatie. Elles représentent aussi un levier de redéploiement efficace des moyens de l'État à travers le monde, selon nos priorités thématiques et géographiques – je pense tout particulièrement au défi de notre relation à l'Afrique. La France se dote enfin des moyens d'un pilotage en fonction de choix stratégiques. Dès 2019, le ministère récupère la gestion de l'ensemble des fonctions support qui étaient rattachées à d'autres programmes, soit 383 emplois et les dépenses de fonctionnement associées. Il doit en résulter des économies de gestion – qui seront progressives car il faut harmoniser les règles d'emploi et les rémunérations.
Les transferts budgétaires proprement dits ne concernent pas les postes de catégorie A ; cependant d'ici janvier 2019, un contrat de gestion sera conclu avec l'ensemble des ministères concernés. Dans ce cadre, le quai d'Orsay va piloter la réduction de 10 %, d'ici 2022, de la masse salariale des réseaux : c'est le principal aiguillon de la réforme. Loin de représenter une réforme rabot, la recherche d'économies doit devenir un levier pour réinventer et améliorer le service. En particulier, il ne s'agira pas d'opérer des baisses automatiques dans chaque poste diplomatique, mais de répartir l'effort sur la base d'une vision plus juste des moyens en présence et de nos priorités. Je relève néanmoins que le quai d'Orsay devra appliquer, sur ses propres effectifs, un schéma d'emploi en baisse de 1 %, ce qui représente 130 équivalents temps plein. Monsieur le ministre, cet effort important de votre part me paraît constituer une sorte d'avance sur celui qui devra être fourni par l'ensemble des réseaux de l'État d'ici 2022, et je considère que la trajectoire d'emplois pourra être revue en fonction des résultats de la réforme essentielle qui vous est confiée.
Ce budget engage ainsi une réforme porteuse de sens : celui de démentir l'impression d'un ministère en voie de paupérisation qui s'était insinuée dans les esprits lors de la précédente législature. C'est pourquoi il assume pleinement l'ensemble des dépenses nécessaires pour que la France continue de tenir son rang. Le réseau consulaire se modernise pour réussir le consulat numérique, indispensable pour que la plus grande mairie de France soit au service d'un nombre toujours plus important de nos compatriotes établis à l'étranger.
Dans un contexte de compétition internationale pour l'influence culturelle, nous soutenons les instituts français et les alliances françaises : leurs dotations augmentent alors qu'elles avaient diminué de 11 % entre 2012 et 2017. Et, vous le rappeliez, monsieur le ministre, notre réseau d'enseignement français, unique au monde, continue de se développer, scolarisant 350 000 élèves dans 500 établissements, très majoritairement privés, avec un effort jamais démenti pour financer l'aide à la scolarité des boursiers français. En 2019 et tout au long de la conduite de la réforme, le soutien de la représentation nationale devra permettre au quai d'Orsay de mobiliser, autour des grands défis internationaux que connaît notre pays, non seulement le personnel diplomatique mais, plus largement, les stratégies de nos territoires et l'engagement de nos concitoyens.