En premier lieu, l'innovation est incontournable pour que la France se différencie des autres destinations dans la concurrence touristique internationale. Cette innovation ne se résume pas au numérique, loin de là : elle concerne des services, des usages, des conditions de travail. De belles avancées en matière d'accompagnement public ont été réalisées, notamment autour de l'incubateur Welcome City Lab à Paris et de ses équivalents en région.
Pourtant, la difficulté majeure que les entreprises relèvent est celle de l'accès aux financements. À ce sujet, nous serons vigilants sur deux points. Le premier tient à la suppression de la subvention de l'État aux garanties de Bpifrance. C'est particulièrement inquiétant, car ces garanties sont le premier moyen d'action de Bpifrance pour soutenir les entreprises, notamment dans le secteur du tourisme. Cette subvention, qui s'élevait à 40 millions d'euros l'an dernier, a été restaurée par amendement à un montant symbolique de 10 000 euros : nous ne pouvons pas nous en satisfaire, monsieur le ministre. Le deuxième est lié aux lacunes du marché du crédit s'agissant du financement de la phase de maturation : il manque toujours un chaînon pour que les start-up deviennent des entreprises pérennes. À cause de ce manque, nous ne pouvons pas structurer un réseau d'entreprises de taille suffisante.
En deuxième lieu, le numérique représente indéniablement une opportunité pour les professionnels comme pour les consommateurs. Il est déjà bien implanté dans le secteur du tourisme. Toutefois, son développement rapide n'est pas entièrement maîtrisé : malgré un encadrement croissant, je note certaines lacunes. Tout d'abord, il est urgent de renforcer le contrôle des avis en ligne : il n'est plus possible de laisser des avis fallacieux circuler de manière anonyme, alors qu'ils peuvent ruiner la réputation d'une entreprise, voire d'un territoire tout entier. Ensuite, il faut davantage encadrer l'économie collaborative dans le domaine de la restauration, car c'est un phénomène qui se développe en créant une distorsion de concurrence.
J'ajoute que l'État a une double responsabilité, d'abord en matière de formation des professionnels à cette question qu'ils maîtrisent parfois mal, ensuite en matière de réduction des zones blanches, qui pénalisent aujourd'hui énormément l'attractivité touristique et l'adaptation de certains territoires à la demande des clients. Il y va de l'égalité entre les territoires.
Enfin, la troisième voie à explorer est celle de la diversification. La France doit valoriser la grande diversité des territoires et des patrimoines qu'elle possède. Elle a commencé à le faire avec succès, comme on le voit avec le tourisme de mémoire, le tourisme sportif et le tourisme gastronomique – entre autres. Les bienfaits de cette diversification de l'offre sont nombreux : il s'agit de mettre en valeur des territoires ruraux et des productions locales, de lisser les revenus touristiques d'une région sur l'année, et de maintenir des emplois non délocalisables.
Pour tirer pleinement profit de ces atouts, la France doit créer les conditions de cette diversification. Il faut, pour cela, renforcer le tourisme des Français en France, alors que ceux-ci partent de plus en plus à l'étranger. Il est regrettable, de ce point de vue, que la mission d'Atout France ne concerne que les seuls touristes étrangers. Toutefois, la réunion des offices de tourisme, comités régionaux du tourisme et comités départementaux du tourisme en une seule fédération pourrait conduire à créer un pendant à Atout France qui serait tourné vers la promotion du tourisme vis-à-vis des Français.
Les pouvoirs publics doivent accompagner ce mouvement. C'est pourquoi je souhaite qu'en plus de l'objectif de 100 millions de visiteurs étrangers, fixé par le Conseil interministériel du tourisme, nous nous donnions des objectifs chiffrés relatifs aux départs en vacances des Français et à l'augmentation de leurs nuitées en France.
En conclusion, monsieur le ministre, pour atteindre l'objectif de 100 millions de visiteurs internationaux, et pour y adjoindre un objectif chiffré de visiteurs français, les professionnels comme les pouvoirs publics doivent impérativement et constamment innover. Il s'agit de proposer une offre diversifiée et de prendre en compte le virage numérique pour asseoir durablement notre position de première destination touristique mondiale. Nous devons pour cela nous donner des moyens à la hauteur de ces ambitions.