Je viens vous parler du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », qui regroupe les crédits relatifs à la diplomatie et aux contributions aux organisations internationales, et du programme 151 « Français de l'étranger et affaires consulaires » – je précise, puisque M. Pauget vient de nous parler de tourisme, que ce programme concerne tous les Français à l'étranger, qu'ils soient résidents ou de passage.
Tandis que nous étudions les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », nos diplomates, nos services consulaires font face, partout dans le monde, à de multiples défis. Je voudrais d'abord les saluer, les remercier, au nom de la représentation nationale, pour leur travail, pour leur engagement, pour leur immense impact, dans tous les coins et recoins de notre planète, au service d'un simple mot, qui nous fait tous vibrer : France.
Ces nombreux défis sont le changement climatique – bien sûr – , la lutte contre le terrorisme, la remise en cause du libre-échange, l'immigration. Ces questions, prépondérantes pour notre diplomatie, sont cruciales pour notre avenir.
Je pense aussi à la croissance continue de nos communautés à l'étranger, qui représente un enjeu majeur d'adaptation pour notre administration. Pour compliquer encore la donne, le système multilatéral hérité du siècle passé est aujourd'hui sérieusement remis en cause par certaines puissances qui se replient sur un nationalisme inquiétant, lequel fascine jusque dans cet hémicycle.
Dans ce brouillard, la France a une responsabilité : elle doit faire entendre sa voix au service de la paix, de la prospérité et du bien commun. C'est dans ce contexte que notre outil diplomatique, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, doit répondre à une question existentielle : comment faire mieux avec moins ?
La situation de l'action extérieure de l'État est devenue tellement aiguë que l'on pourrait la résumer par la petite annonce suivante : « Urgent. Élève sérieux recherche solutions innovantes pour relever un défi majeur pour son avenir. Pronostic vital engagé. » Vous aurez reconnu, dans ces derniers mots, la marque d'une ancienne médecin !
Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères est-il un élève sérieux ? Absolument, car il a déjà pris sa part à l'effort de réduction des dépenses publiques. Je rappelle que ses effectifs ont diminué de 30 % en dix ans.
Des solutions innovantes sont-elles possibles ? Certainement, car un certain nombre de procédures ont été dématérialisées de façon intelligente, et que des gisements de productivité peuvent encore être exploités, notamment grâce à la révolution numérique.
Un défi majeur ? Certainement, puisque les changements mondiaux nécessitent de s'adapter pour rester diplomatiquement « compétitif ».
Enfin, le pronostic vital est-il engagé ? Il l'est sans aucun doute : le ministère de l'Europe et des affaires étrangères étant à l'os sur le plan budgétaire, une nouvelle réduction de ses moyens serait préjudiciable à l'exercice de ses missions actuelles. Attention : je ne remets aucunement en cause la nécessité de réformer l'État et de réduire la dépense publique, c'est bien évidemment un impératif pour écarter cette épée de Damoclès que forment ensemble dette et déficit pour les générations futures.
Le message que je veux adresser aujourd'hui, c'est que le temps est venu de réfléchir à un nouveau modèle diplomatique. À cet effet, il est nécessaire de revoir le périmètre des missions et de les adapter à des moyens dont il faut être conscient qu'ils seront durablement contraints.
Pour faire mieux avec moins, ce nouveau modèle diplomatique devra tout à la fois permettre de rationaliser les coûts, d'amplifier les réformes amorcées pour la modernisation de l'action diplomatique et des services consulaires, et – M. le Premier ministre l'a rappelé en août dernier – de préserver l'universalité du réseau.
Pour faire mieux avec moins, ce nouveau modèle diplomatique devra être projeté à partir d'un diagnostic précis de l'existant, ce qui implique – je l'avais déjà indiqué l'année dernière – que l'architecture de la loi de finances soit clarifiée et stabilisée, que le ministère refonde sa démarche de performance et se dote d'indicateurs fondamentaux suffisamment clairs.
Pour faire mieux avec moins, ce nouveau modèle diplomatique devra briser certains tabous : par exemple, pourquoi ne pas déléguer à des acteurs privés des programmes économiques, éducatifs et culturels de notre action extérieure ? Pourquoi ne pas pourvoir certains postes avec des contrats de droit local – je sais que nous le faisons déjà, mais timidement, d'autres grands pays le font de façon bien plus large ?
Enfin, pour faire mieux avec moins, ce nouveau modèle diplomatique devra finalement viser non pas le simple changement, mais l'adaptation permanente, à l'instar des nouveaux formats de présence diplomatique adaptés que sont les « bureaux de France », déjà expérimentés dans plusieurs pays.
Dans mon rapport, j'ai formulé de nombreuses autres recommandations destinées à faire mieux avec moins.
Dès lors, monsieur le ministre, je vous demande avec force – oserai-je dire : « je vous enjoins ? – de mettre en oeuvre ces recommandations au plus tôt et je fais le voeu de pouvoir publier, l'année prochaine, la petite annonce suivante : « Élève modèle ayant réussi sa transformation et sa remise en forme propose solutions innovantes à tout service public en difficulté. Résultats garantis si motivé. »