Intervention de Hubert Julien-Laferrière

Séance en hémicycle du mercredi 14 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Action extérieure de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHubert Julien-Laferrière, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

Depuis le début de la législature, l'aide publique au développement suscite des débats passionnés. C'est même un paradoxe que le sujet donne lieu à tant de critiques, alors même que nous traçons une trajectoire très ambitieuse, aussi bien sur le plan quantitatif – parvenir en 2022 à consacrer à cette aide 0,55 % du PIB – que qualitatif – l'augmentation de l'aide au développement devant évidemment aboutir à des résultats sur le terrain. Je préfère toutefois voir le bon côté des choses et considérer que ces débats sont, pour la représentation nationale, le signe d'un niveau d'exigence particulièrement élevé.

Cet attachement à concrétiser l'ambition affichée dès le début du quinquennat par le Président de la République suppose que notre aide soit à la hauteur de la place singulière que la France doit occuper dans le monde, dans une période elle aussi singulière où la première puissance mondiale veut remettre en cause la solidarité entre les nations.

Depuis notre discussion budgétaire de l'an dernier, un comité interministériel de la coopération internationale et du développement – CICID – s'est réuni. Il a précisé, et c'est heureux, les objectifs quantitatifs – nous savons désormais quel pourcentage de la richesse nationale doit être consacré chaque année à l'aide publique au développement jusqu'en 2022 – , mais aussi les objectifs qualitatifs – vous les avez rappelés, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial Le Fur – , à savoir la priorité aux dons, au bilatéral et à certains secteurs géographiques, en particulier les pays les plus pauvres du Sahel, et la priorité aux secteurs sociaux.

Comme il est d'usage que le rapporteur pour avis choisisse un sujet particulier, je voudrais appeler votre attention, monsieur le ministre, chers collègues, sur une priorité qui n'est pas sectorielle, mais géographique : l'enjeu urbain dans le monde en développement.

Il y a ainsi des villes qui gagnent 200 000, 300 000 habitants chaque année – jusqu'à 500 000 habitants s'agissant de Lagos ! C'est évidemment un défi essentiel qui interroge notre aide publique au développement. Non seulement il faut parvenir à gérer l'afflux de nouveaux habitants, mais il faut relever le défi de la ville à construire : quelle planification urbaine adopter pour éviter un étalement à l'infini qui prend sur les territoires agricoles, tue la biodiversité et génère plus de déplacements et donc plus d'émissions de CO2 ? À côté des priorités sectorielles, faisons donc attention à ne pas oublier cette priorité géographique et territoriale.

Quoi qu'il en soit, on retrouve les priorités du CICID dans le budget 2019. Ce dernier prévoit ainsi 1,5 milliard d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement – parce qu'il faut, en effet, lancer les projets avant de dépenser. Il traduit également la priorité donnée aux dons-projets, conformément à l'engagement que vous avez pris, monsieur le ministre, dès l'année dernière. Je note aussi les 130 millions supplémentaires en crédits de paiement et les 270 millions au titre de la budgétisation d'une partie de la taxe sur les transactions financières, auparavant affectée à l'Agence française du développement, pour augmenter les crédits alloués aux ONG dans le cadre de l'action humanitaire, à la facilité Minka pour atténuer les fragilités au Sahel, et à l'aide alimentaire programmée.

Il est vrai qu'il faut commencer par les autorisations d'engagement, mais il me semble que si nous n'avions pas fait l'économie d'une augmentation plus substantielle en crédits de paiement, je suis sûr, monsieur le ministre, que vous auriez trouvé comment très bien les employer, y compris dans le multilatéral – je pense au Partenariat mondial pour l'éducation, au Fonds mondial contre le SIDA, au Fonds vert pour le climat ou encore à l'Alliance Sahel, dispositifs dans lesquelles la France est très engagée.

Un dernier mot pour revenir sur la trajectoire. Je rappelle que les crédits de la mission « Aide publique au développement » s'élèvent à 3,1 milliards d'euros, mais l'objectif des 0,55 % du PIB englobe l'ensemble de la politique transversale, soit trois fois plus : 10 milliards d'euros. Cela veut dire que la commission des affaires étrangères attachera une attention particulière à ce que l'augmentation concerne le champ de la mission APD, à savoir le pilotable auquel j'ajouterais les financements innovants. Que les étudiants chinois ne sentent pas blessés, mais si on augmente fortement les financements qui leur sont destinés, notre APD en sera augmentée d'autant, …

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