La mission « Action extérieure de l'État » revêt une importance capitale pour un député des Français établis à l'étranger. Elle pose en effet une question fondamentale : que voulons-nous que la France incarne aux yeux du monde ? C'est ce que l'on appelle le rayonnement de notre pays. À cet égard, pardonnez-moi de vous le dire d'emblée, monsieur le ministre, mais le projet de loi de finances n'est à mes yeux pas à la hauteur de l'ambition internationale du Président de la République.
En effet, les crédits de paiement de cette mission atteindront, en 2019, 2,87 milliards d'euros, ce qui représente, si on ne tient pas compte du programme temporaire lié à la présidence du G7, une baisse de 140 millions d'euros, soit 4,7 %.
Le ministère des affaires étrangères devra en outre appliquer un schéma d'emplois en baisse de 1 %, soit 130 équivalents temps plein de moins. Alors qu'il ne représente que 0,7 % de l'ensemble des emplois de l'État, il va ainsi participer à hauteur de 8 % à leur réduction.
Le projet de loi prévoit, en outre, que le quai d'Orsay assumera une réduction de 10 % de la masse salariale des réseaux de l'État à l'étranger, soit une économie de 110 millions d'euros en quatre ans, dont 78 millions d'euros au titre de la mission « Action extérieure de l'État ».
Permettez-moi de me faire le relais de l'inquiétude qui s'exprime dans les rangs de notre diplomatie, que j'ai la chance de côtoyer tous les jours sur le terrain.
La situation est en effet extrêmement inquiétante, et il conviendrait plutôt de redonner des moyens, et donc des marges de manoeuvre, aux services consulaires. Certes, notre diplomatie se singularise par son excellence et par un engagement très fort en faveur de l'intérêt général. Mais elle fait également face à une croissance continue des demandes, de la part de nos compatriotes comme de celle des ressortissants de pays tiers. Le nombre d'actes administratifs augmente sans cesse, tandis que la demande de visas connaît une croissance à deux chiffres. Ainsi, le consulat de Casablanca, que je connais bien, a connu une hausse de 33 % des demandes entre 2015 à 2017, puis de 27 % entre mai 2017 et mai 2018.
En Algérie aussi, la demande a explosé, et en tant que député de la circonscription, je suis confronté au mécontentement de mes amis Algériens et Algériennes qui se rendent régulièrement en France depuis des années : désormais, à dossiers équivalents, on leur refuse la possibilité de passer quelques jours dans notre beau pays. De même, les représentants du Forum des chefs entreprises m'ont fait part de leur incompréhension – pour ne pas dire plus – devant le traitement réservé aux chefs d'entreprises algériens. Vous conviendrez, monsieur le ministre, qu'une telle situation n'est pas normale.
Par ailleurs, et comme le note le projet annuel de performances, le délai de délivrance des passeports a augmenté pour atteindre 11,7 jours en 2017, sachant que 230 000 passeports ont été délivrés cette année-là. Le délai de délivrance des visas de court séjour atteint quant à lui 4,3 jours.
Plutôt que de passer le rabot sur les crédits, il paraît donc souhaitable d'allouer dès maintenant des moyens supplémentaires à cette mission.
Rappelons que les activités consulaires sont sources de recettes, qu'elles soient directes – dans le cas de la délivrance de passeports ou de visas – ou indirectes, dans la mesure où les bénéficiaires de ces titres consomment et investissent ensuite sur le sol français.
À ce propos, monsieur le ministre, connaissons-nous la valeur réelle de ce que rapporte à la France la délivrance des visas de tourisme aux personnes qui ne proviennent pas l'Union européenne ?
Quoi qu'il en soit, les activités consulaires sont incontestablement favorables à l'économie de notre pays, ce qui justifierait de consolider, et même de renforcer les moyens de nos services consulaires. La délivrance de ces documents est rentable : profitons-en donc !
Cette envie de France à travers le monde s'exprime aussi à l'égard de notre système d'enseignement à l'étranger. Or pour 2019, la subvention pour charges de service public de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, est stabilisée à 384 millions d'euros, c'est-à-dire à un niveau identique à celui de 2018. Cela n'est sans doute pas suffisant, d'autant plus que le Président de la République a émis le souhait de voir doubler, à l'horizon de 2030, le nombre d'élèves scolarisés dans ce réseau d'excellence. Des moyens financiers supplémentaires sont donc nécessaires afin de maintenir la qualité de l'enseignement dispensé dans les établissements du réseau.
Je salue à cet égard le travail que ma collègue Samantha Cazebonne effectue sur le sujet. À Tunis, où je l'accompagnais il y a quelques jours, nous avons pu à nouveau constater une véritable envie de France, et une envie d'apprendre en français.
Un constat, qui a priori fait l'unanimité, s'impose, monsieur le ministre : l'AEFE est un réseau d'enseignement fragilisé. Il doit être repensé de façon à répondre aux nouveaux besoins des familles et à demeurer compétitif, mais cette évolution ne doit pas avoir lieu au détriment du pouvoir d'achat des familles françaises.