Comme vous le savez, depuis sa création en 2006, le compte d'affection spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » constitue le levier budgétaire principal de la politique immobilière de l'État dans sa dimension interministérielle. Le projet de loi de finances pour 2019 propose de lui affecter la somme de 581,70 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 483 millions d'euros en crédits de paiement. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, les crédits demandés reculent de 25,42 % en autorisations d'engagement et de 16,97 % en crédits de paiement. Ce mouvement, nettement plus accentué qu'en 2017 et 2018, correspond à la réduction des crédits affectés aux opérations structurantes et de cession. Cela étant, la baisse des crédits affecte l'ensemble des postes de dépenses. Seule l'action « Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état » enregistre une progression.
Au chapitre des recettes, 410 millions d'euros sont attendus. Ces ressources prévisionnelles comprennent 320 millions d'euros au titre des cessions immobilières, et 90 millions d'euros au titre des redevances domaniales. Par rapport aux prévisions de l'exercice en cours, ces montants représentent un recul des ressources du compte d'affectation spéciale de 29,52 %, conséquence directe de la chute attendue du produit des cessions, qui recule de 34,92 %. Ce produit devrait ainsi accuser un déficit de 73 millions d'euros en 2019, alors que la programmation en cours repose sur le retour à l'équilibre, après le résultat négatif constaté en 2017.
Si ces chiffres ne mettent pas en cause la pertinence de la programmation budgétaire pour 2019, ils doivent nous alerter. Certes, le compte d'affectation spéciale dispose encore d'une trésorerie de 812,4 millions d'euros, et le montant des crédits demandés ne paraît pas incohérent avec l'évolution des besoins de la politique immobilière de l'État, ni avec le rythme des dépenses. Cependant ces chiffres rendent encore plus évidente la fragilité intrinsèque d'un modèle qui assoit depuis plusieurs exercices le financement de l'entretien du patrimoine sur la cession de ses actifs, comme le disait M. le ministre. Les premiers résultats de l'exécution de l'année 2018 confirment cette tendance : le produit tiré des ventes va poursuivre son érosion. Même si toute prévision est par nature aléatoire, nous ne pourrons pas longtemps nous accommoder d'un équilibre financier aussi précaire. Je vous le dis : l'heure des choix approche.
D'un point de vue stratégique, la politique immobilière de l'État s'affermit, comme en témoigne la communication présentée au cours du Conseil des ministres du 20 janvier 2016, et sa traduction sur tout le territoire aujourd'hui. Ainsi, l'élaboration des schémas directeurs régionaux touche à sa fin, et le travail accompli par les préfets de région devrait aboutir à une stratégie patrimoniale qui permettra de distinguer les actifs ayant vocation à demeurer dans le patrimoine de l'État de ceux ayant vocation à en sortir.
D'un point de vue financier, les progrès de la renégociation des baux rendent crédible le maintien d'un objectif d'économies substantielles. Enfin, les évolutions de la maquette budgétaire favorisent aujourd'hui la mutualisation des crédits.
La suppression des loyers budgétaires acte un allégement supplémentaire des procédures. Cela étant, la juste valorisation des actifs immobiliers au bilan de l'État demeure un enjeu fondamental : nous continuerons à avoir besoin d'indicateurs pertinents. Nous devrons aussi réfléchir à un mécanisme d'intéressement susceptible d'inciter les occupants à préserver les actifs dont ils ont l'usage.
Pour l'avenir, il importe de consolider les acquis de la politique immobilière de l'État et de garantir la viabilité de son financement. De mon point de vue, ce projet de loi de finances contribue à ces objectifs : d'abord parce qu'il accorde la priorité aux actions de gros entretien et de réhabilitation, ensuite parce qu'il dégage des moyens en faveur des cités administratives dans le cadre du financement inscrit au programme 348. Je vous appellerai tout à l'heure à voter en faveur de son adoption.
J'ai déposé deux amendements visant à inciter le Gouvernement à répondre à deux exigences. Je crois que nous pouvons ainsi faire oeuvre utile.
La première est la préservation des recettes du compte d'affectation spéciale. Un meilleur encadrement du recours à la décote, prenant en considération les réserves foncières dont peuvent disposer les collectivités, établissements ou opérateurs, y contribuerait.
La seconde exigence a trait aux modalités de valorisation du patrimoine public. Vous l'aurez compris : je ne crois pas que la cession soit l'alpha et l'oméga pour atteindre cet objectif. Au contraire, elle me semble plutôt induire une forme d'appauvrissement. La direction de l'immobilier de l'État dit mener depuis plusieurs mois une réflexion sur des modèles alternatifs de valorisation du patrimoine. Sans mésestimer l'ampleur de la tâche, je propose que les pouvoirs publics mettent en commun leur expérience dans ce domaine par le moyen d'un rapport gouvernemental. La réalisation de ce rapport serait confiée à l'une des instances administratives spécialisées dans ces questions. Il pourrait notamment faire l'objet d'une expertise du Conseil immobilier de l'État. Ce rapport permettrait d'évaluer les dispositifs envisageables en l'état du droit.