Dans cette discussion budgétaire fourre-tout, j'évoquerai trois missions – dont la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » – , lesquelles pâtissent de l'obsession austéritaire qui désorganise profondément le coeur des services de l'État. J'aimerais toutefois, au préalable, revenir sur quelques formules employées en commission par mes collègues de la majorité. Elles me semblent brillamment illustrer, en effet, cette « novlangue » qui nuit à l'intelligibilité de nos débats.
Ainsi, la suppression de milliers d'emplois dans les finances publiques, dont nous entretenait M. Saint-Martin, s'intègre, je cite, dans un « schéma d'emplois ». Ne s'agit-il pas plutôt d'un « schéma de licenciements » ? Autre perle de « novlangue » qui devrait marquer les annales parlementaires : la priorité de votre majorité est, je cite encore, de « donner de l'air à l'investissement informatique disruptif, audacieux et risqué ». Malgré des études de lettres et un goût pour l'analyse des textes, je dois avouer ne rien comprendre à cette enfilade de termes. Ils traduisent sans doute cette « pensée complexe » qui, décidément, m'échappe.
En revanche, j'ai parfaitement saisi le propos introductif de Mme Motin en commission, qui annonçait : « Parmi les grands chantiers du quinquennat, il en est un qui nous tient tous à coeur : la maîtrise de la dépense publique et son efficience. » Eh bien non ! La « maîtrise de la dépense publique » – entendez sa baisse – ne nous tient pas particulièrement à coeur, à nous, députés de la France insoumise. Et nous sommes des millions, dans ce pays, à penser qu'il faut cesser de « moderniser l'action publique », c'est-à-dire de supprimer des postes dans des services publics déjà laminés, cesser d'opérer des « choix structurants » qui, j'en suis sûre, ne manqueront pas d'être « disruptifs ».
Disruptif ! Qu'est-ce qui est disruptif, par exemple ? La performance, qui doit désormais être davantage intégrée aux rémunérations des agents ? Le culte de l'individualisme ? La casse des droits collectifs ? La mise en compétition des agents entre eux ? Je regrette, on ne dirige pas un pays comme une entreprise.
Pensez-vous, d'ailleurs, que nous serons « performants », comme vous dites, pour lutter contre la fraude fiscale si l'on saigne le service public fiscal ? L'année dernière, vous avez supprimé 1 600 équivalents temps plein ; cette fois, c'est une baisse de 1 862 postes qui est annoncée. Pensez-vous qu'ainsi, nous serons « performants » pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, comme vous le souhaitez, lesquelles font face au maquis fiscal et administratif ? Ces baisses dans le service des impôts des entreprises, en effet, toucheront directement les PME, avec 833 postes supprimés, lesquels s'ajoutent aux 636 postes de moins en 2018. Ce sont autant d'agents en moins pour accompagner les TPE dans leurs démarches et leurs calculs fiscaux.
Ces baisses auront aussi un impact pour l'appui dont bénéficient les collectivités territoriales, avec, en ce domaine, 464 emplois en moins. Rappelons que Bercy supporte largement la politique d'austérité des précédents gouvernements : depuis 2002, cette administration a d'ores et déjà perdu le tiers de ses effectifs. C'est le coeur même des fonctions régaliennes de l'État qui est ainsi mis à mal.
J'en viens à la mission « Crédits non répartis ». Permettez-moi, mes chers collègues, d'insister sur son programme 552, particulièrement révélateur de votre politique court-termiste.
Il s'agit du programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles ». Personne n'ignore les récentes conclusions du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat – GIEC – , qui sonnent l'alarme sur les conséquences dramatiques du réchauffement climatique en cours. Et personne ne met plus en doute la multiplication des événements climatiques qui résulte de ce réchauffement. Si ces événements sont imprévisibles en détail, nous n'en devons pas moins nous y préparer mieux. Or les 124 millions d'euros alloués au programme sont clairement insuffisants : les seuls moyens d'urgence déployés face à l'ouragan Irma représentaient près de 163 millions d'euros et plus de 3 000 agents et bénévoles avaient été requis sur le terrain.