Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mercredi 14 novembre 2018 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission gestion des finances publiques et des ressources humaines (état b)

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Je laisserai M. Dussopt compléter ma réponse, mais il y a plusieurs choses qui me gênent dans votre amendement, même si le débat est légitime.

Il est faux de dire – je sais que ce n'est pas ce que vous avez dit mais je voudrais profiter de cette occasion pour rectifier une erreur courante – que les grandes entreprises seraient celles qui seraient le moins contrôlées. C'est statistiquement faux : elles ont au contraire 40 % plus de probabilités de se faire contrôler qu'une PME. De même, les personnes les plus riches sont plus souvent contrôlées que celles qui le sont moins.

Deuxièmement, bien des contrôles ne donnent rien – à peu près 20 %, me dit le directeur général des finances publiques. On peut le regretter, non que le contrôle ne donne rien, mais qu'on ait beaucoup embêté une entreprise et occupé des ETP qui auraient pu contrôler des gens qui, eux, avaient des choses à se reprocher.

C'est la preuve que nous devons améliorer les modalités du contrôle fiscal, et d'abord en réduisant le nombre des vérifications générales et en augmentant celui des vérifications particulières, sur l'impôt sur les sociétés, les prix de transfert, la TVA. Aujourd'hui, 90 % des contrôles sont généraux. La société contrôlée ne sait pas pourquoi elle l'est et le contrôleur est peut-être moins affûté que lorsqu'il contrôle un point précis.

On pourrait d'ailleurs définir une politique des contrôles fiscaux, pourquoi pas dans le cadre d'un débat devant la représentation nationale. Le ministre des comptes publics ne peut pas dire qu'il faut faire tel ou tel contrôle, mais il peut s'appuyer sur les informations que la DGFIP ou Tracfin lui fournissent, ou sur des scandales dont la presse s'est fait l'écho, pour décider de lancer des contrôles fiscaux sur tel ou tel type d'entreprise et pour tel ou tel type de fraude. Ainsi, la fraude sur les certificats d'énergie nous a poussés à contrôler certaines entreprises pour lutter contre cette falsification qui a coûté quelques milliards d'euros aux contribuables.

Le troisième sujet est celui des moyens techniques à la disposition des vérificateurs fiscaux. Comment sélectionner les dossiers afin de rendre le contrôle plus efficace ? Cela suppose peut-être de renforcer le contrôle sur pièces via la systématisation des échanges automatiques de documents administratifs, d'établir une relation de confiance avec les contrôlés dans le cadre du droit à l'erreur – j'en parlerai sous peu avec les parlementaires à propos de la future ordonnance d'application de la loi pour un État au service d'une société de confiance.

Enfin, le croisement des données et l'intelligence artificielle doivent nous permettre deux choses très importantes : premièrement, toucher au but quasiment à chaque contrôle en ne contrôlant que ceux pour lesquels le risque de fraude est statistiquement établi ; deuxièmement, repérer au niveau de l'URSSAF ou de la DGFIP les entreprises qui risquent de connaître des difficultés et leur proposer un accompagnement.

En effet, si le fait de ne pas déclarer la TVA est la fraude la plus fréquente dans les entreprises, elle n'est pas forcément le fait de fraudeurs invétérés : il s'agit souvent, pour elles, de « se refaire » en trésorerie. C'est incontestablement une fraude, mais on pourrait la prévenir en détectant les difficultés de l'entreprise et par la mise en place d'un accompagnement en amont.

C'est donc la stratégie globale du contrôle fiscal qu'on doit changer. L'excellent projet de loi du Gouvernement, complété par votre assemblée et, me semble-t-il, voté à la quasi-unanimité de votre groupe, monsieur le député, et qui prévoit plus de moyens non seulement pour la justice, mais aussi pour la DGFIP, avec la création d'une nouvelle police fiscale, ainsi que le très important travail de Mme Cariou montrent que nous avons évidemment toujours l'intention de contrôler les plus grands fraudeurs et c'est exactement ce que nous faisons.

J'ai eu l'occasion de dire, ici et ailleurs, qu'à la suite des Panama papers et des Paradise papers, nous avons effectué des contrôles dont certains se sont déjà révélés extrêmement fructueux pour les comptes publics, et que nous continuons, puisque 90 % de ces contrôles sont en cours. Les 120 millions d'euros que nous avons déjà récupérés ne sont sans doute qu'une goutte dans l'océan de ce qui reviendra finalement aux comptes publics.

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