Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du vendredi 16 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Après l'article 58

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

J'avoue bien volontiers, madame Pires Beaune, que je ne suis pas un spécialiste du sujet, comme vous l'êtes. Toutefois, comme vous – ainsi que M. le rapporteur général – m'invitez à préciser la position du Gouvernement sur le sujet, je me permettrai de le faire, non sans maintenir un avis défavorable.

Par le biais de votre amendement, vous proposez d'exonérer d'impôt sur le revenu les rentes et indemnités versées aux victimes du valproate de sodium, qui est le principe actif de la Dépakine, et de ses dérivés. Vous proposez par ailleurs de rendre ces mêmes rentes et indemnités déductibles de l'actif successoral.

Nous n'y sommes pas favorables, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, si des régimes fiscaux dérogatoires ont jadis été créés pour les victimes de l'amiante ou celles des essais nucléaires français, ils doivent demeurer exceptionnels. La logique d'extension de ces dispositifs sous-tendant l'amendement amènerait à accepter une généralisation de ce type d'exonération.

Ensuite, il n'est ni souhaitable ni justifiable, au regard du principe de progressivité de l'impôt, de déroger au droit commun. En effet, l'exonération d'impôt sur le revenu des indemnités accorderait aux contribuables concernés un avantage croissant.

En outre, les indemnités versées aux victimes du valproate de sodium et de ses dérivés bénéficient d'ores et déjà en partie d'un régime fiscal favorable. Seules les indemnités versées au titre du préjudice patrimonial sont soumises à l'impôt sur le revenu. En effet, elles sont par nature destinées à réparer la perte d'un revenu imposable. En revanche, les indemnités versées au titre du préjudice moral, accordées sur décision de justice, sont exonérées d'impôt sur le revenu à concurrence d'un million d'euros. L'exonération est totale s'il s'agit d'indemnités attribuées hors de toute décision de justice, notamment par le fonds d'indemnisation des victimes.

S'agissant de l'exonération des droits de mutation à titre gratuit, l'amendement est satisfait. Conformément au droit en vigueur, les sommes alloués à titre indemnitaire à un défunt en réparation d'un dommage corporel causé par un accident ou une maladie sont d'ores et déjà déductibles de son actif successoral.

En outre, les sommes allouées aux ayants droits de la victime en réparation du préjudice moral et économique subi en raison du dommage corporel causé à celle-ci sont déductibles de l'actif successoral de leur propre succession. Dès lors, les victimes directes de spécialités à base de valproate de sodium et de ses dérivés ayant contracté une pathologie bénéficient d'ores et déjà de la mesure proposée.

Seules les rentes et indemnités versées aux victimes indirectes n'entrent pas dans le champ d'application du dispositif. Il ne semble pas opportun de les y inclure. Enfin, la mesure proposée n'est assortie d'aucune étude d'impact. Il est donc impossible d'en évaluer la nécessité et les enjeux.

Au bénéfice de ces explications, il me semble que vous pourriez utilement retirer votre amendement, madame Pires Beaune, et peut-être demander à M. le président de la commission des finances et à Mme la présidente de la commission des affaires sociales de faire procéder à l'évaluation de ses conséquences. S'agissant des victimes indirectes de la Dépakine, le Gouvernement se tient à votre disposition si vous maintenez votre requête.

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