Tout à fait. L'inclusion numérique dans les médias, tout d'abord : j'ai reçu chaque dirigeant du secteur audiovisuel ainsi que les dirigeants des principales institutions culturelles, numériques et scientifiques françaises pour leur faire connaître mon point de vue personnel et mon ambition concernant la pédagogie des sciences, du numérique et des technologies. Ce domaine nouveau et surprenant était encore essentiel il y a une quinzaine ou une vingtaine d'années : la télévision diffusait des émissions très populaires grâce auxquelles j'ai moi-même découvert et appris le numérique. Peu à peu, ces émissions ont disparu au point qu'aujourd'hui, ni la télévision publique ni les chaînes privées ne diffusent de grande émission sur la pédagogie des sciences et des technologies. Certes, la Cité des sciences et de l'industrie produit son propre média pédagogique à destination des établissements, pour l'essentiel en offrant aux professeurs la possibilité de télécharger ses vidéos et ses contenus renouvelés tous les mois.
J'ai donc indiqué aux dirigeants de l'audiovisuel que cette question était selon moi essentielle. Le Gouvernement ne peut pas leur imposer quoi que ce soit, mais il est triste que ces émissions, qui donnaient la passion de l'industrie, des technologies et du numérique, aient disparu du service public de l'audiovisuel. Je pense en particulier à une émission diffusée par France 3 qui a autrefois habité mes matinées et qui a depuis complètement disparu. Or, en supprimant ces programmes, on tarit le vivier de personnes qui envisageront d'embrasser une carrière scientifique et qui deviendront nos ingénieurs. Les raisons qui expliquent la baisse du nombre de vocations mathématiques sont nombreuses, mais celle-ci en est une. Contrairement à toutes les autres formations, les formations mathématiques en France ne se heurtent pas un problème de financement mais à la faiblesse du nombre de candidats : dans certains masters de mathématiques, le nombre de candidats est égal au nombre de places, ce qui ne saurait être bénéfique au niveau général de la formation. Certains cursus ne suscitent pas assez de candidatures, ou de candidatures de qualité, parce que le nombre de personnes ayant un parcours préalable en mathématiques, depuis le collège et le lycée, est trop peu nombreux, et parce que la sensibilisation provenant de toutes parts fut insuffisante dès l'école maternelle et primaire. Certes, il existe des musées de sciences partout en France, pas seulement à Paris – même s'il se trouve que la capitale en compte de très beaux, en particulier un musée majeur dans le XIXe arrondissement… Il faut cependant multiplier les liens personnels entre les familles d'une part et le numérique et les sciences de l'autre si nous voulons développer nos capacités. En clair, madame Calvez, je réponds oui à votre question et j'ai partagé cette sensibilité avec les dirigeants de l'audiovisuel.
Vous m'avez posé une question particulièrement précise et détaillée, Madame Lang. Je vous répondrai sur les principes mais, s'agissant des détails, je vous propose de poursuivre la discussion ensemble avec le ministre de l'Éducation nationale. La question de l'open data relève de mon ministère. Sur ce sujet, la philosophie est la suivante : certaines données sont utiles à la transformation publique, laquelle commence par le diagnostic et par la prise de conscience sincère de la situation dans le territoire. Le cas que vous citez est à l'intersection de deux peurs : la peur de savoir et la peur d'abuser. Si c'est de la peur d'abuser qu'il s'agit, alors il faut instaurer des limitations, car on ne doit pas pouvoir abuser du traitement qui est fait des données, et il faut éviter que la publication des données ne se traduise par la discrimination, d'une manière ou d'une autre, de tel ou tel établissement. Le pire résultat serait en effet que l'on aboutisse à un classement des moins bons collèges de France, ce qui ne ferait qu'accélérer la discrimination. En même temps, l'indicateur est intéressant. Avec l'ouverture immédiate des données, tous les collèges de ma circonscription d'élection se retrouveraient en queue de classement, et tous nos efforts seraient anéantis. Il n'est donc pas possible d'ouvrir toutes les données du jour au lendemain. Les résultats extraordinaires qu'ont obtenus certains des collèges de ma circonscription depuis cinq ans n'apparaîtraient pas avec ces chiffres qui ne montrent pas la progression d'année en année, mais une simple photographie. S'il est important que ces données existent et soient connues, il l'est tout autant d'évaluer l'ensemble des externalités négatives liées à la prise de connaissance de ces informations si elles étaient partagées sans être construites et problématisées.
Cela étant, la dynamique qu'adopte le Gouvernement consiste à aller plus loin dans l'ouverture des données : nous voulons que toutes les données qui, en étant rendues publiques, permettent d'évaluer et d'analyser les situations, soient ouvertes le plus rapidement, tout en s'assurant que l'on ne créera pas d'externalités – qui, en tout état de cause, seront transitoires, car la publicité de ces données, si elles suscitent de la péréquation, ne posera plus aucun problème dans cinq ans.
Je partage donc votre point de vue. Nous avons cette discussion avec l'ensemble des ministres qui, grâce aux outils de numérisation mis en place au cours des dernières années, disposent d'un nombre croissant d'informations permettant l'analyse de la situation. Qu'en faire ? Il faut déjà doter nos administrations d'agents chargés d'analyser ces données – c'est un métier nouveau, non traditionnel – et de les traiter massivement, car ces nouveaux modes de collecte ne sauraient se traiter par le seul calcul de moyennes. Là encore, il faut permettre une analyse profonde des informations et créer les outils nécessaires à ces fins. En somme, j'ai pleinement conscience de la question que vous posez, madame Lang ; c'est l'un des enjeux des prochaines années. Nous devrons relever intelligemment le défi des nouveaux jeux de données.