Ma première question concerne les conséquences des élections en Allemagne. M. Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des finances, a été un membre éminent et très influent du Conseil « Ecofin » et de l'Eurogroupe, qui réunit les pays de la zone euro et se tient de manière habituelle la veille du Conseil « Ecofin ». Ces deux réunions vont se dérouler dans un contexte nouveau avec le départ de M. Schäuble, qui en était membre depuis 2009 et a eu pour interlocuteurs six ministres français différents. Chacun connaît la longévité allemande... Quel est votre sentiment sur ce départ et ses conséquences ? Il est question d'une coalition qui verrait un ministre libéral occuper le poste de ministre des finances, alors que les positions récentes du FDP en la matière ne correspondent pas tout à fait à celles de la CDU-CSU, ni à celles de M. Schäuble à titre personnel.
J'aimerais également savoir ce que vous pensez des recommandations qui ont été adressées par la Commission européenne à l'Allemagne, ainsi qu'à tous les pays connaissant des excédents, et qui invitent à renforcer la demande intérieure ?
La prochaine réunion du Conseil « Ecofin » aura lieu alors que les États membres doivent envoyer avant le 15 octobre leur projet budgétaire pour 2018 à la Commission européenne. Je pense que vous allez nous rassurer sur le fait que, comme l'année dernière, la Commission devrait juger « globalement conforme » aux règles européennes le projet de budget de la France. Pouvez-vous aussi nous rassurer sur la clôture de la procédure de déficit excessif, notamment sur le fait que la Commission devrait accepter de traiter comme une mesure exceptionnelle la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en allégements de cotisations ? On sait en effet que cette réforme va entraîner provisoirement un retour du déficit public à 3 % du PIB en 2019, avant que celui-ci ne repasse à 1,5 % en 2020, selon la trajectoire du projet de loi de programmation des finances publiques.
J'en viens au volet fiscal que vous déjà très largement abordé. Vous avez rappelé que le Président de la République a proposé dans son discours à la Sorbonne une taxation des géants du numérique sur la base du chiffre d'affaires réalisé dans chaque pays, ce qui aurait l'avantage d'être simple et lisible. L'annulation du redressement fiscal de Google en juillet, qui portait sur plus de 1,1 milliard d'euros, tous impôts confondus, et les révélations sur le montant dérisoire d'impôt sur les sociétés qui est payé par Airbnb, au regard de l'ampleur de son activité en France, ont suscité un émoi légitime. La question de la taxation des géants du numérique fait l'objet d'une attention particulière au niveau européen et dans le cadre l'OCDE, comme nous l'a confirmé M. Saint-Amans lors de son audition.
Sans trahir le secret fiscal, pourriez-vous nous donner les principaux chiffres des redressements récemment réalisés et ceux en cours, hors Google, sur ces multinationales qui se livrent à l'évitement fiscal ? Quels sont les moyens dont dispose vraiment la France en la matière ? Vous venez de nous indiquer que dix-neuf États membres soutiennent la proposition française, ce qui me paraît extrêmement important. Comment calibrer une nouvelle taxe pour éviter qu'elle ne frappe des petites start-up qui n'éludent pas l'impôt et faire en sorte de bien cibler les sociétés qui le font ? Le projet d'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS), qui est poussé par la Commission européenne et que les rapporteurs du Parlement européen souhaitent enrichir de dispositifs permettant une meilleure taxation des acteurs du numérique, vous paraît-il un véhicule approprié pour mieux imposer ces multinationales ? Plus généralement, quelle action la France mène-t-elle au niveau européen et international pour faire évoluer les règles et améliorer la justice fiscale ?