Intervention de Bruno Joncour

Réunion du mardi 6 novembre 2018 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Joncour, rapporteur :

Madame la Présidente, mes chers collègues,

Il me revient de soumettre à votre examen le Projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale sur les normes de formation du personnel des navires de pêche, de délivrance des brevets et de veille, dite « convention STCW-F ».

Cette convention a été adoptée à Londres, le 7 juillet 1995, sous l'égide de l'Organisation maritime internationale (OMI). Elle est entrée en vigueur le 29 septembre 2012 pour les vingt-six pays qui l'ont ratifiée.

Elle trouve son origine dans une convention analogue concernant la navigation de commerce, la convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, dite « STCW », adoptée sous l'égide de l'Organisation maritime internationale, qui a mis en place, pour la première fois, des normes communes de formation des personnels des navires de commerce et de plaisance, mais en laissant de côté le secteur de la pêche. C'est à l'occasion de la conférence de révision de 1995 de la convention STCW que l'OMI a décidé de mettre en place une convention similaire pour les navires de pêche. Sur son invitation, une conférence internationale s'est donc tenue du 26 juin au 7 juillet 1995 à Londres, réunissant 74 États et aboutissant à l'adoption de la convention STCW-F (pour « Fishing »), ainsi que de neuf résolutions annexées.

La convention vise trois objectifs principaux :

- Améliorer le niveau de sécurité maritime et la protection de l'environnement marin, en augmentant le niveau de qualification des marins, dans un secteur où l'on déplore environ 24 000 morts par an au niveau mondial ;

- décloisonner le marché de l'emploi maritime en harmonisant les formations, à la fois entre le secteur de la pêche et ceux du commerce et de la plaisance, et entre les différents pays signataires ;

- réduire la concurrence avec les pavillons moins exigeants en matière de normes sociales.

À cette fin, la convention STCW-F spécifie les exigences minimales obligatoires à la formation, aux qualifications et à la délivrance des brevets de capitaine, d'officier et d'officier mécanicien et des certificats d'opérateurs des radiocommunications.

Ces spécifications se déclinent en plusieurs types de brevets, destinés aux capitaines, officiers de quart et personnels des navires de pêche et se différencient selon le type de navire et son éloignement des côtes. D'une durée de cinq ans, ils ne sont délivrés que si les conditions requises et détaillées par la convention en matière de service, d'âge, d'aptitude physique, de formation, de qualifications et d'examens sont remplies.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la convention STCW, qui concerne le secteur du commerce et de la plaisance, la France a également anticipé la mise en oeuvre de cette convention avec une réforme globale de la formation professionnelle dans le secteur maritime qui s'est concrétisée par le décret n° 2015-723 du 24 juin 2015 relatif à la délivrance des titres de formation professionnelle maritime et aux conditions d'exercice des fonctions à bord des navires armés de commerce, à la plaisance, à la pêche et aux cultures marines. Le décret et les arrêtés qui le complètent sont d'application obligatoire depuis le 1er septembre 2016. Ce décret laisse cependant de côté les dispositions relatives à la reconnaissance des brevets entre parties, car ces dispositions relèvent de la compétence exclusive de l'Union européenne. Cette dernière a invité les États membres à adhérer à la convention STCW-F, ce qui devrait en retour favoriser l'adoption d'une directive spécifique permettant sa mise en oeuvre au niveau européen.

Dans le cadre de cette réforme, la France a mis en place des règles de formation dont le niveau d'exigence va souvent au-delà de ce que prévoit la convention.

Le nouveau cadre réglementaire prévoit également une revalidation des titres tous les cinq ans et un renforcement des conditions d'octroi des dérogations. Des dispositions ont été mises en place pour « transformer » les anciens titres en nouveaux titres à la pêche avec un suivi obligatoire de formation médicale et une formation à la sécurité ainsi qu'aux premiers secours.

Le choix fait par la France a été celui d'une mise en oeuvre progressive de la réforme, rendue nécessaire par les besoins nombreux en formation que les organismes et établissements actuels ne sont pas en mesure d'absorber immédiatement.

La convention STCW-F concerne l'ensemble des 18 340 marins travaillant dans le domaine de la pêche. Parmi eux, 9 920 marins devront simplement demander la transformation de leur titre de formation professionnelle, tandis que 8 117 marins devront suivre une formation. L'ensemble de ces formations représente un coût de 6,19 millions d'euros, qui sera échelonné jusqu'en 2020.

Mais tout cela est déjà en cours. L'entrée en vigueur de cette convention impliquera pour sa part peu de changements car la France a déjà anticipé la plupart des obligations juridiques et pratiques découlant de son adoption.

L'adoption de cette convention, qui correspond à l'engagement n° 44a du Grenelle de la mer, mettra la France en meilleure position pour exiger des autres États parties l'application de ces nouvelles normes de formation dont l'utilité est peu discutable du point de vue de la sécurité ainsi que sur le plan social.

Le Sénat a approuvé ce texte le 22 mars 2018, et je vous recommande par conséquent de l'approuver également, il s'agit d'un rapport portant sur une convention qui contient, vous l'aurez noté, un aspect essentiellement administratif, technique et réglementaire. Au-delà, et dans l'esprit de cette convention, ce sont des dispositions utiles, voire nécessaires, sur les plans humain et environnemental, dans le secteur économique de la pêche, qui constitue un atout précieux pour notre pays. Nous avons souvent, ici même, souligné l'intérêt majeur que représente la dimension maritime de notre pays, en insistant et en déplorant souvent que nous n'ayons pas conscience de la vocation de la France, en termes de responsabilité stratégique internationale, en termes de ressources à valoriser, de perspectives à dessiner. En ce qui concerne la pêche, il reste beaucoup à faire pour qu'elle soit à la fois perçue et considérée à sa juste place, à sa noble place. Celles et ceux d'entre nous qui sont issus des territoires où existe une façade maritime et où la pêche constitue une activité économique majeure, savent combien il est essentiel que cette richesse soit protégée, organisée, mieux structurée, et permette de gagner en lisibilité et en perspectives. L'une des premières prises en compte concerne celles et ceux qui en constituent la ressource humaine, celles et ceux dont c'est la profession, parfois dans des territoires à l'histoire tragique, où la pêche est une vocation. La connaissance de ce milieu par ceux qui protègent, qui consolident, qui réglementent, qui adaptent, est utile et juste, y compris dans le cas du droit international et de l'harmonisation des normes.

Cette convention, qui est aujourd'hui soumise à votre examen, est une contribution positive à cette perspective de définition plus élaborée d'une stratégie cohérente en matière de pêche. Je vous remercie.

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