Monsieur le rapporteur général, je profite de votre question pour souligner à quel point Wolfgang Schäuble a été un partenaire solide et fiable pour la France. C'est de plus un ami personnel de longue date. Nous avons eu des divergences sur un certain nombre de sujets et des discussions difficiles, comme sur la Grèce, mais nous sommes toujours parvenus à trouver un compromis ensemble. Je crois que c'est ce qui compte le plus, au-delà de l'amitié personnelle : que chacun ait le sens des responsabilités et mesure que, lorsqu'on est ministre des finances allemand ou français, on doit trouver un accord et un compromis avec son homologue. Je ne sais pas qui sera ministre des finances dans quelques mois en Allemagne : cela dépendra des négociations de coalition qui relèvent de la Chancelière, et je la félicite au passage pour sa réélection. La seule chose que je sais, c'est que, quel que soit le prochain ministre allemand, je travaillerai bien avec lui, car ce sera le ministre des finances allemand.
S'agissant du solde structurel, notre trajectoire budgétaire consiste à réaliser 2,1 % de déficit par rapport au PIB en 2018, puis 0,8 % en 2022, avec 0,1 point d'ajustement structurel en 2018. Certains affirment que ce n'est pas suffisant. Ce que je peux vous dire de nos discussions avec la Commission européenne, c'est qu'elle comprend parfaitement que cet effort structurel, combiné aux transformations économiques du pays, en matière de droit du travail, d'assurance chômage et de retraites, peut garantir à la France – je reste prudent – une sortie de la procédure de déficit public excessif dans les mois qui viennent. Avec le Président de la République et le Premier ministre, cela demeure notre objectif : la France ne peut pas rester sous cette procédure qui fait d'elle la lanterne rouge de toute l'Europe. Nous estimons que les choix structurels faits sont suffisants pour envisager de manière confiante une sortie de cette procédure.
En ce qui concerne le CICE, je vous confirme que le passage à un allégement de charges, que l'on appelle techniquement un « one-off », sera considéré comme une mesure exceptionnelle par la Commission européenne.
Le chiffre d'affaires mondial de Google s'élève à environ 86 milliards de dollars. Nous estimons que l'on peut fixer un plancher à partir duquel s'appliquera la taxation du numérique. Nous sommes très vigilants à ne pas mettre en place un dispositif qui pourrait toucher les jeunes start-up et tous les entrepreneurs du numérique qui réalisent des chiffres d'affaires bien inférieurs. Il existe un chiffre symbolique d'un milliard d'euros : pourquoi ne pas le retenir comme seuil de déclenchement de la nouvelle fiscalité du numérique ? C'est une hypothèse sur laquelle nous pouvons travailler pour éviter que les petites entreprises du secteur ne soient affectées.
En ce qui concerne le prélèvement sur recettes et la réallocation des dépenses après le Brexit, la position de la France est très claire. Il n'y a pas d'étape suivante envisagée pour le prélèvement sur recettes tant que le Royaume-Uni n'a pas réglé son problème d'ardoise financière vis-à-vis de l'Union européenne. Toutes les discussions que nous avons avec le Royaume-Uni amènent ce pays à nous dire qu'il faut envisager une période de transition et commencer à discuter de la voie de sortie et des nouveaux accords avec l'Europe. Nous estimons, ce qui fait d'ailleurs que la question ne sera pas abordée au prochain Conseil européen, que tant que nous n'avons pas un accord avec le Royaume-Uni sur le règlement financier, nous ne pouvons pas envisager les étapes suivantes. Sinon, ce serait trop facile : on va oublier la question du règlement financier, c'est-à-dire ce que doit le Royaume-Uni à l'Europe, et alors j'ai bien peur que l'on ne revoie plus jamais la couleur de notre argent. Il n'y a donc pas de modification envisagée pour le prélèvement sur recettes.
Pour ce qui est de la taxe sur les transactions financières (TTF), il faut distinguer la question de la taxe intraday, sur laquelle vous connaissez la position du Gouvernement : nous considérons que cette taxe fait perdre à la place financière de Paris toute son attractivité. C'est pourquoi nous souhaitons la supprimer. Nous serions le seul pays européen à avoir une taxe de ce type. La TTF est différente, puisque deux États européens l'ont mise en place : le Royaume-Uni et la France. Comme le Président de la République l'a rappelé l'autre jour à la Sorbonne, nous sommes prêts à dire aux autres pays européens qu'il faut adopter cette taxe. Cela ne changera rien à notre propre dispositif fiscal, mais cela donnera à l'Europe une nouvelle base fiscale et de nouvelles recettes, sur la base d'une harmonisation : ce qui est adopté par le Royaume-Uni et la France devrait l'être aussi par l'ensemble des États européens. C'est ce qu'a proposé le Président de la République.
Même si le détachement de salariés ne relève pas de mon champ de compétences, je confirme que nous voulons progresser sur la révision de la directive. Vous connaissez très bien la situation, notamment dans le secteur du transport : nous sommes confrontés aux mêmes défis dans nos départements respectifs, qui sont proches. Il faut impérativement progresser sur ce sujet.
Pour ce qui est de l'articulation entre le plan Juncker et le grand plan d'investissement, nous veillons à ce qu'il n'y ait pas de recoupements ni de doublons entre les projets. Nous nous appuyons notamment sur l'expertise de la Banque européenne d'investissement pour le vérifier.
Nous n'avons pas encore adopté de position sur le budget européen pour 2018. Le cadre financier actuel couvre la période 2014-2018 : nous en sommes aux discussions préalables, et les grandes orientations n'ont pas encore été fixées.
Votre question sur les conventions démocratiques est tellement large et passionnante, monsieur Le Gendre, que je vous propose plutôt d'en parler autour d'un verre. Sinon, cela risquerait de prolonger beaucoup cette discussion !