En matière de concurrence, je suis tout à fait sensible à votre argument sur les règles relatives à l'espace pertinent, qui ont un caractère profondément arbitraire. J'écoutais l'autre jour M. Verhofstadt qui se demandait ce que signifie « l'espace pertinent » du Nord de l'Europe. J'aimerais néanmoins vous interroger sur la manière de remettre en cause la situation actuelle, car vous avez été ambigu dans votre expression : est-ce le principe d'une régulation par la Commission européenne que vous soulevez, ce qui pose le problème du traité ? Si ce n'est pas la compétence de la Commission que vous mettez en cause, mais sa doctrine, comment envisagez-vous juridiquement et politiquement de la faire évoluer ? La Commission fixe sa doctrine et agit sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne. Même si c'est absolument nécessaire, il n'est pas évident de faire évoluer cette doctrine : il faudrait une décision politique ou une modification du traité. La voie étant étroite, je voudrais savoir comment vous comptez avancer.
S'agissant de la fiscalité du numérique, deux problèmes très différents se posent. L'un est de droit et l'autre concerne la doctrine fiscale. Sur le plan du droit, si l'on prend des décisions à l'unanimité en matière fiscale, c'est qu'en réalité les États membres restent compétents. Je comprends votre méfiance à l'égard des coopérations structurées, mais on pourrait envisager d'agir unilatéralement à plusieurs, de manière à définir une doctrine qui serait la même, bien que reposant sur un ensemble de décisions nationales.
Mais cela pose le second problème, un problème de droit : celui de la doctrine fiscale. Que s'agit-il de frapper avec cet impôt ? Vous dites : « le chiffre d'affaires », car vous n'avez aucun autre moyen d'appréhender la matière. Mais s'agit-il du chiffre d'affaires au niveau européen, du chiffre d'affaires réalisé dans les États parties à une éventuelle coopération renforcée ou pratiquant la même politique que notre pays, ou du chiffre d'affaires en France ?
La question n'est pas facile à trancher. Mais, la matière n'étant pas communautarisée, il me semble qu'il y a des marges de manoeuvre nationales.