Intervention de Marie-France Bellin

Réunion du mercredi 14 novembre 2018 à 9h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Marie-France Bellin :

Je vais commencer par répondre aux questions portant sur la radioprotection médicale, qui fait partie des sujets qui me sont les plus familiers. Si l'IRSN suit les 393 000 travailleurs du nucléaire, il effectue également de nombreuses expertises pour les hôpitaux et les médecins, consistant par exemple à évaluer les doses reçues lors de l'irradiation accidentelle de femmes enceintes dont la grossesse n'était pas connue, ou au cours d'examens particulièrement irradiants. Dans le domaine de la radioprotection médicale, l'IRSN effectue des expertises et fait des recherches – portant notamment sur le devenir des enfants ayant subi de nombreux examens radiologiques durant leur enfance pour le traitement de cancers.

Par ailleurs, l'Institut contribue à faire évoluer la réglementation. Ainsi, un décret publié en juin 2017 modifie sensiblement le dispositif de radioprotection médicale en l'élargissant, en diminuant certains seuils d'exposition – concernant par exemple le cristallin – et en valorisant le rôle des radiophysiciens qui s'occupent de la radioprotection des patients et des personnes radiocompétentes qui assurent désormais la protection des travailleurs, mais aussi celle du public dans les hôpitaux. L'IRSN joue un rôle moteur dans cette évolution allant dans le sens d'une meilleure radioprotection.

Pour ce qui est des tutelles, le fait que l'IRSN dépende de cinq ministères ne me paraît pas constituer un frein à la gouvernance, et j'estime qu'il est justifié que l'institut puisse échanger avec ces cinq ministères pouvant, à juste titre, avoir besoin de l'expertise de l'IRSN sur des sujets multiples et complexes.

Vous m'avez interrogée sur les rapports entre l'ASN, qui est une autorité de décision, et l'IRSN, qui est un EPIC d'expertise et de recherche. Il me semble important de maintenir une organisation où l'expertise est vraiment indépendante de la prise de décision, afin que la seconde ne subisse pas le poids de la première. L'expertise doit être le fruit du travail consensuel et collaboratif d'experts d'horizons multiples, qui apportent leur point de vue mais qui laissent à d'autres le soin de la décision : si l'expertise était réalisée par le décideur, il serait plus facile d'imaginer que celui-ci a orienté l'expertise. Cette dualité existe non seulement dans le domaine du nucléaire, mais aussi dans celui de la santé, avec les agences sanitaires, et j'estime pour ma part que la séparation entre l'expertise et la prise de décision est vertueuse et permet sûrement d'éviter des crises. L'IRSN couvre actuellement des champs très larges et appuie techniquement d'autres autorités que l'ASN, notamment les ministères de la santé ou de la défense. Il a, par ailleurs, une mission propre de surveillance de l'environnement sur le plan de la radioactivité, avec le système de balises Téléray.

L'IRSN a été très largement sollicité pour évaluer les conséquences de l'accident de Fukushima et s'est montré très réactif dès le début de cet événement, notamment lorsqu'a été annoncée la fusion du coeur. Il a ensuite effectué une expertise et proposé des mesures de modification du parc nucléaire français – certaines sont d'ores et déjà mises en place, d'autres sont en cours de réalisation.

L'institut participe également aux travaux de la Commission nationale du débat public dans le cadre du futur débat sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR).

Il me semble que l'IRSN a déjà engagé des recherches dans le domaine du réchauffement climatique, notamment pour anticiper les aléas climatiques susceptibles de porter atteinte aux installations nucléaires – en particulier celles qui sont proches des zones côtières ou situées dans des zones d'activité sismique.

Le bilan du contrat d'objectifs et de performance relevant clairement de la compétence du directeur général de l'IRSN, chargé des fonctions exécutives, je lui transmettrai votre question, et je ne doute pas qu'il ait à coeur d'y répondre.

En ce qui concerne Cigéo, l'IRSN a rendu un rapport ayant conclu à une maturité technique suffisante, tout en signalant qu'il convenait de faire preuve d'une vigilance particulière sur le risque incendie, s'agissant de certaines catégories de déchets comme les déchets enrobés de bitume.

L'IRSN n'a en aucune manière son mot à dire sur la question d'une éventuelle sortie du nucléaire : quel que soit le mix énergétique, l'institut continuera à assurer l'expertise et la sûreté des installations existantes, et sera également amené à formuler des avis relatifs aux options de démantèlement – la radioprotection médicale continuera également à être assurée. Je précise qu'une éventuelle réduction du parc nucléaire ne se traduirait pas par une réduction des missions de l'IRSN. Bien au contraire, l'institut aurait à intégrer à connaître de nouveaux sujets extrêmement complexes, en particulier celui du démantèlement.

Pour ce qui est de la contestation éventuelle des expertises, l'IRSN est une structure très ouverte, qui travaille en tenant compte de toutes les expertises publiques, éventuellement non institutionnelles, dans une optique pluridisciplinaire. Il est très attaché au fait de disposer de toutes les informations et de toutes les compétences possibles.

Pour justifier son excellence, continuer à développer une recherche dynamique et rester attractif, l'IRSN a évidemment besoin de moyens qu'il convient de préserver.

La question de la transparence, et l'application de ce principe en matière de secret défense, sont des sujets importants. L'IRSN est à l'écoute du Parlement, et je pense pour ma part qu'il est nécessaire de définir des formats appropriés pour échanger sur certains sujets, car tout ne peut pas être rendu public. Sur ce point, je rappelle que l'institut s'est doté d'une commission d'éthique et de déontologie.

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