Intervention de Bruno Studer

Séance en hémicycle du mardi 20 novembre 2018 à 15h00
Lutte contre la manipulation de l'information — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Studer, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Nous examinons aujourd'hui en lecture définitive les deux propositions de loi relatives à la manipulation de l'information. Je ne m'appesantirai pas sur le détail des dispositions qui y figurent, car nous les avons déjà commentées et amendées à de nombreuses reprises.

Toutefois je tiens à souligner le chemin parcouru depuis le dépôt de ces deux textes. Certains nous ont reproché, notamment en nouvelle lecture, l'absence d'étude d'impact. Mais nous avons sollicité et obtenu un avis juridique du Conseil d'État : de quelle autre étude était-il besoin ? Cet avis nous a conduits à procéder à des modifications. Nous avons par ailleurs écouté la société civile, dont nous avons rencontré des représentants à de nombreuses reprises : des modifications en ont également découlé.

Au total, je crois que nous avons là un dispositif équilibré, précis, qui préserve les libertés, notamment la liberté d'expression, tout en permettant d'agir plus efficacement contre la diffusion des fausses informations.

Je rappelle que nous avons décidé de travailler à partir de la notion juridique de « fausses informations » et de non à partir de la notion de « fausses nouvelles », qui existe en droit français depuis 1881. En effet une nouvelle, même fausse, doit avoir un caractère inédit. Or il est extrêmement difficile, sur internet, d'établir le caractère inédit de telle ou telle information, comme nous avons pu le constater ensemble.

Nous souhaitons dans le même temps nous attaquer à la diffusion de ces fausses informations. Nous ne sommes évidemment pas les seuls en Europe à nous attaquer à la désinformation, à la manipulation de l'information : c'est aussi le cas outre-Manche, par exemple, et d'autres pays encore ont choisi d'agir au niveau législatif. Mais nous sommes probablement parmi les premiers à mettre sur pied un dispositif législatif cohérent.

Nous devrons, à l'avenir, évaluer l'efficacité des dispositions que nous allons adopter aujourd'hui : c'est aussi notre rôle de parlementaires. Les élections européennes qui approchent fourniront l'occasion, je le crains, d'une première application – je pense notamment aux dispositifs visant plus particulièrement les périodes électorales, comme le référé. Il nous appartiendra d'en faire le bilan et d'en tirer les éventuelles conséquences. Mais j'ai confiance dans l'applicabilité de ces dispositions et surtout dans leur pertinence, par exemple en ce qui concerne l'établissement d'un registre public recensant les opérations de promotion d'informations.

Nous devrons également, mes chers collègues, contrôler l'action du Gouvernement sur d'autres volets – je pense en particulier aux dispositions relatives à l'éducation aux médias et à l'information, dont l'efficacité dépendra largement de la façon dont le ministère de l'éducation nationale les mettra en oeuvre. Je vous remercie d'ores et déjà, monsieur le ministre de la culture, pour vos engagements sur ce point. Quoi qu'il en soit, nous avons posé les termes du problème en montrant combien il est nécessaire de renforcer la place de ces enseignements, à charge désormais pour l'exécutif de donner toute sa mesure à ce qui sera, dans les années à venir, un enseignement incontournable pour faire de nos jeunes des citoyens accomplis.

J'en viens enfin à une évolution qui me paraît majeure, et qui n'a peut-être pas été perçue comme telle jusqu'à présent : je veux parler de la régulation des plateformes. Les dispositions de la proposition de loi ordinaire à ce sujet peuvent sembler trop peu contraignantes, apparaître comme du droit mou. Pourtant, non seulement ces articles sont pleinement normatifs, mais surtout ils marquent un changement de paradigme à l'égard des plateformes : ils posent la première pierre de l'édifice de régulation à venir.

Nous l'avons vu cette année, la confiance ne suffit pas : les enjeux financiers liés à la réputation des GAFA ne constituent pas une corde de rappel suffisamment puissante pour faire évoluer spontanément leur modèle économique et les pousser à l'autorégulation. C'est pourquoi il nous a fallu intervenir, dans le cadre juridique extrêmement contraint défini par la directive e-commerce.

Là encore, nous ne sommes pas naïfs : nous savons que la loi ne suffira pas. Nous suivrons avec attention les débats qui auront lieu entre les plateformes et le Conseil supérieur de l'audiovisuel, et emploierons nos pouvoirs de contrôle si la situation n'évolue pas assez vite ou dans une direction insatisfaisante. Mais j'ai bon espoir que la nouvelle mission que nous confions au CSA marquera le début d'un dialogue intense et fructueux ; et si ce n'est pas le cas, alors nous élèverons d'un cran le niveau des exigences législatives pour mettre ces acteurs face à leurs responsabilités.

Bien sûr, d'autres questions, comme les contenus haineux ou la protection du droit d'auteur, appellent encore une évolution de notre législation ; notre majorité parlementaire a d'ailleurs formulé un certain nombre de propositions ambitieuses dans ces domaines. Nous nous attacherons à les faire valoir, notamment dans le cadre du projet de loi sur la régulation audiovisuelle – que vous nous soumettrez bientôt, j'espère, monsieur le ministre.

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