Intervention de Naïma Moutchou

Séance en hémicycle du mardi 20 novembre 2018 à 15h00
Lutte contre la manipulation de l'information — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNaïma Moutchou, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Nous examinons cet après-midi, en lecture définitive, les propositions de loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information. Je veux d'abord saluer celles et ceux qui ont participé aux débats riches, francs et directs que nous avons eus dans cet hémicycle, tandis que le Sénat a fait le choix pour moi incompréhensible du silence.

Il reste probablement, chez certains d'entre vous, des interrogations quant à l'utilité ou la nécessité pour le législateur d'intervenir en la matière. C'est pourtant notre devoir que d'agir face à ce qui, loin d'être un épiphénomène, constitue un défi majeur pour nos démocraties : le dévoiement du débat public et in fine des scrutins, par des entreprises malveillantes de désinformation.

Je ne chercherai pas, pour ce dernier acte, à convaincre celles et ceux qui préféreront de toute façon le confort de leur posture, mais je veux redire ma conviction : les fausses informations, comme le cyberharcèlement et les discours de haine, sont les sombres conséquences de ce que permet internet, à savoir une diffusion, tantôt à grande échelle, tantôt ciblée, de contenus et de propos aux effets dévastateurs, totalement contraires aux idéaux d'ouverture sur l'autre et de progrès moral qui animaient les créateurs du web.

Contre chacune de ces dérives liées à internet, il nous faut développer des outils de lutte adaptés. Une partie de la réponse – je dis bien une partie – passe par la loi. Ce que nous proposons, avec ces deux textes, c'est donc une loi de restauration de la confiance. Notre ambition est de défendre une information honnête et de qualité, dans l'intérêt bien sûr de nos concitoyens mais aussi de la presse, dans un contexte marqué par une défiance, malheureusement bien enracinée, envers les médias, la parole publique et les institutions.

Nous sommes désormais tous acteurs de l'information : chacun peut produire et faire circuler ce qu'il veut à tout moment. Mais il est important de rappeler ici cette évidence que toutes les informations ne se valent pas. Je le dis avec d'autant plus de gravité que les avancées technologiques rendront de plus en plus difficile de distinguer les vraies informations des fausses. L'intelligence artificielle peut d'ores et déjà truquer une vidéo en falsifiant des propos, en détournant un regard, en ajoutant des émotions : l'illusion est totale.

Les ingérences répétées ces dernières années prouvent que les démocraties occidentales ne sont pas immunes. Tout cela nous interdit d'attendre. Par ces textes, nous proposons donc un commencement de réponse à une menace qui risque de déstabiliser des scrutins électoraux décisifs. Nous savons déjà, par exemple, que les élections européennes seront le prochain grand théâtre de la manipulation.

Par ces textes, nous préparons l'avenir, car nous sommes conscients que ce problème ira grandissant, à mesure que les ennemis de la démocratie s'empareront des évolutions technologiques pour repousser les limites de la tromperie.

Ce travail pour mieux nous armer, nous l'avons fait avec recul et prudence, afin de préserver l'équilibre entre le droit de tout électeur à une information loyale et transparente, d'une part, et la liberté d'expression d'autre part. Cet équilibre fondamental sous-tend chacune des dispositions de ces propositions de loi, y compris le référé judiciaire tant diabolisé.

J'en appelle, chers collègues, à notre responsabilité collective : ne pas voter ces textes, c'est faire le choix du relativisme ou de l'aveuglement face à un fléau durable et réel. Ce ne serait rien moins qu'un aveu de faiblesse ou de complicité envers ceux qui veulent affaiblir et tuer la démocratie. C'est pourquoi je vous invite à voter ces deux textes.

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