Intervention de Alexis Corbière

Séance en hémicycle du mardi 20 novembre 2018 à 15h00
Lutte contre la manipulation de l'information — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Il est évident que mon propos s'inscrira dans la continuité des interventions de mes collègues Michel Larive et Jean-Luc Mélenchon. Nous sommes d'accord avec vous pour dire qu'il s'agit d'un sujet d'importance : c'est indiscutable. Tous ceux qui siègent sur ces bancs savent bien que la principale arène du débat politique est l'arène médiatique. Ils savent qu'elle est le miroir souvent déformant d'une réalité politique.

Il fut un temps où l'adhésion politique passait essentiellement par des tracts et des affiches. C'est parfois encore un peu le cas, mais aujourd'hui, c'est à travers le prisme des médias que des idées progressent, que des idées sont étouffées, que des idées sont parfois déformées.

Il y a bien là un enjeu. Votre texte ne résout pas le problème majeur auquel nous sommes confrontés. Naïf est celui qui croit voir dans les médias un miroir neutre, un média au sens propre qui ne serait qu'un moyen de faire transiter l'information sans la colorer. Or, l'appartenance même de ces médias à certains grands groupes suffit à battre en brèche cette idée. Pourquoi ces textes ne traitent-ils pas de la précarité du statut des journalistes, du mode de fabrication de l'information aujourd'hui, du rythme très particulier imposé par certaines chaînes de l'information, qui déforme le débat politique ? Là est le coeur du problème, la source de l'altération de la sincérité de certains scrutins aujourd'hui.

M. Larive a raison : pourquoi ne pas se poser la question de l'opportunité des sondages en période électorale, de leur utilisation par les médias, de la sincérité de leur formulation, de leur financement, de leur détournement pour influencer le vote de l'électeur ?

L'électeur est transformé en stratège, qui ne vote plus selon ses convictions mais pour bloquer tel ou tel candidat car un sondage lui aura fait croire que, s'il vote pour untel, le risque est que tel autre ne parvienne au second tour ou ne soit élu. Le mode de réalisation des sondages, financés par certains grands groupes de médias, est l'une des raisons principales de l'absence de sincérité de certains scrutins. Vous n'en dites pas un mot alors que le fond du problème est là.

Vous avez beaucoup évolué sur la définition de la fausse information. Je n'y reviendrai pas mais elle est très floue. Vous voulez, à présent, vous en prendre aux imputations inexactes ou trompeuses, de nature à altérer la sincérité d'un scrutin mais qu'est-ce que la sincérité d'un scrutin, si ce n'est que les électeurs votent selon leurs convictions ? Or, justement, la tournure des sondages fait que tel n'est pas toujours le cas.

J'avancerai par ailleurs un autre argument, qui plaira peut-être à nos collègues de droite. Vous instaurez, par ce texte, une procédure en référé qui obligera un juge, déjà dans une situation précaire, comme nous avons eu l'occasion de le dénoncer lors des débats sur le projet de loi de programmation et de réforme de la justice, à prendre une décision en quarante-huit heures !

Lors de la campagne pour la dernière élection présidentielle, l'un de nos adversaires, M. Fillon, a été victime d'une campagne de presse qui l'a considérablement affaibli et l'a sans aucun doute éliminé d'un second tour potentiel. Dix-huit mois plus tard, oui, je dis bien dix-huit mois plus tard, aucune décision n'a encore été rendue et nous ne savons toujours pas si les faits qui lui étaient reprochés sont avérés ! Et vous voudriez qu'en quarante-huit heures, un juge décide si les informations divulguées d'une manière répétée et systématique au cours d'une campagne de presse, sur les réseaux sociaux et dans l'ensemble des médias, sont sincères ou non ? Comment pourrait-il faire ? Quelle décision pourrait-il prendre ?

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