« Une infocalypse » : voilà ce qui nous attend, selon Aviv Ovadia, un des experts les plus en pointe des phénomènes de désinformation. Ce chercheur démontre que les informations publiées sur les réseaux sociaux obéissent de moins en moins à des critères de crédibilité et de fiabilité, et de plus à plus à des algorithmes fondés sur la performance des partages et les taux de clics.
Dans une étude publiée en mars dernier, le MIT – Massachusetts Institute of Technology – a démontré qu'une fausse information a soixante-dix fois plus de risque d'être retweetée qu'une information vérifiée et qu'elle se répand six fois plus vite. Les nouvelles technologies et le développement de l'intelligence artificielle donneront une nouvelle dimension à ce phénomène. Il faut savoir que les manipulations d'images et de vidéos deviendront de plus en plus réalistes. Il est déjà techniquement possible de truquer une vidéo ou une photo dans ses moindres détails, ce qui en fait des armes d'influence très puissantes.
Dans ce contexte, avec le cycle des actualités qui ne cesse de s'accélérer, il deviendra extrêmement difficile pour les citoyens de démêler le faux du vrai, ce qui nous impose d'agir. Partout dans le monde, les signes d'ingérence dans les processus démocratiques se multiplient. Trois jours avant les récentes élections de mi-mandat aux États-Unis, Twitter a annoncé avoir supprimé de nombreux comptes automatiques, qui écrivaient des messages pour décourager les électeurs d'aller voter.
Avec cette loi, dès les prochaines élections européennes, les plateformes en ligne auront un devoir de transparence sur le financeur et sur le montant du financement des contenus sponsorisés. Les citoyens disposeront ainsi d'éléments pour évaluer leur fiabilité. Nous créons également une garantie supplémentaire pour les candidats et les partis politiques. Ils pourront saisir le juge des référés lorsqu'une fausse information, diffusée de manière délibérée, massive et artificielle, sera susceptible d'altérer le bon déroulement du scrutin.
Comme je l'ai dit précédemment, les algorithmes jouent un rôle important dans la promotion des affirmations trompeuses. C'est pourquoi les plateformes devront faire preuve de clarté sur leur fonctionnement, en publiant la part de contenus directs et indirects qu'elles référencent. Ce texte va plus loin, en imposant un devoir de coopération obligatoire aux plateformes numériques. Elles devront mettre en place des actions pour agir contre la diffusion de fausses informations susceptibles de troubler l'ordre public ou d'altérer la sincérité des scrutins. Elles désigneront un représentant légal sur le territoire chargé de ces questions et un dispositif de signalement sera rendu obligatoire.
Le texte invite tous les acteurs concernés à conclure des accords de type interprofessionnel, pour lutter contre la diffusion des fausses informations. La valorisation du travail des journalistes est également un de ses objectifs. Les campagnes de désinformation accentuent la mission indispensable qu'ils accomplissent pour le fonctionnement de notre démocratie. Le nombre de sites de fact checking a triplé ces quatre dernières années, ce qui témoigne d'une réelle prise en considération de ce phénomène de leur part, ainsi que de la part des associations de la société civile. C'est ainsi que, dernièrement, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, Reporters sans frontières a lancé la rédaction d'une déclaration sur l'information et la démocratie.
Enfin, parce que le meilleur moyen de lutter contre ce phénomène est d'éduquer, l'éducation nationale intégrera dans les programmes scolaires un apprentissage aux médias et à l'information, qui permettra aux élèves de développer leur esprit critique et leur donnera tous les moyens pour vérifier la fiabilité des contenus qu'ils rencontrent. Ce travail de pédagogie est déterminant pour former les citoyens éclairés de demain.
Les nouvelles technologies nous posent plusieurs défis sociaux : avec ce texte nous faisons un grand pas pour répondre à l'un d'entre eux.