Intervention de Arnaud Viala

Réunion du mercredi 4 octobre 2017 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Viala, rapporteur :

Chers collègues, je tiens tout d'abord à vous remercier de m'accueillir temporairement dans cette commission des affaires économiques. Je remercie tout particulièrement mon collègue Éric Straumann, membre de votre commission, qui a accepté de permuter de commission pendant l'examen du présent texte.

En premier lieu, je souhaite vous éclairer sur la genèse de ce travail. Fils et frère d'agriculteurs du sud de l'Aveyron, d'une zone qui produit notamment du Roquefort, je suis élu d'un département qui, comme bien d'autres territoires français, vit essentiellement grâce à l'agriculture et à son économie induite. Toute autre forme d'activité et de présence humaine serait lourdement compromise si on laissait péricliter ou disparaître l'activité agricole.

Je tiens à insister sur le fait que ce travail a commencé pour moi le jour où je suis arrivé sur les bancs du Palais-Bourbon, le 13 septembre 2015, à la faveur d'une élection partielle. Après deux années de réflexion, de concertation avec les acteurs locaux du secteur agricole de ma région et les responsables nationaux, j'ai déposé ce texte en mars 2017 – le « bleu » du premier dépôt en témoigne. La session parlementaire touchant alors à sa fin pour cause d'élections présidentielles et législatives, le texte n'a pas pu être examiné sous la XIVe législature.

Au lendemain des scrutins de juin dernier, le texte a de nouveau fait l'objet d'un travail d'enrichissement à la faveur de déplacements effectués au Parlement européen et à la Commission européenne, qui ont donné lieu à des échanges de points de vue avec des collègues eurodéputés de tendances diverses, concernés par le devenir de l'agriculture française.

Quelque cinquante collègues députés ont alors manifesté leur souhait d'être cosignataires de cette proposition ; ils ont participé depuis la fin du mois de juin aux travaux d'enrichissement du texte, ce dont je les remercie. La proposition de loi a finalement été déposée une nouvelle fois le 13 août dernier, afin de pouvoir être inscrite à l'agenda de ce début de mois d'octobre. C'est dire à quel point elle résulte d'un véritable travail de fond, conduit sur le long terme, et n'a rien d'un texte de circonstance.

En deuxième lieu, j'aimerais vous parler de la façon dont ce travail a été conduit.

Sur la base de ma proposition initiale, le groupe de travail a fait des suggestions d'enrichissement, correspondant souvent aux réalités vécues dans chacun des territoires de notre pays, aux productions et aux agricultures, souvent aussi différentes que complémentaires. Avec l'aide précieuse de nos administrateurs, que je remercie, le texte et le rapport ont pu être amendés et complétés pour atteindre leur forme actuelle. Ils sont assortis de la cinquantaine de propositions d'amendements que les députés ont bien voulu rédiger depuis le milieu de la semaine dernière.

Ce travail s'est fait en toute transparence vis-à-vis des membres de votre commission, Monsieur le Président, auxquels j'ai souhaité adresser personnellement un message pour appeler leur attention sur ce texte, en amont de l'ouverture de la procédure de dépôt des amendements. Il s'est également fait en toute transparence vis-à-vis de M. le ministre de l'agriculture, auquel nous avons communiqué nos travaux au fur et à mesure de leur avancement, et avec lequel j'ai pu échanger directement deux fois au cours des derniers jours. Nous nous sommes rencontrés le 15 septembre dernier, lors de son déplacement dans ma circonscription. Hier, nous avons eu un échange très positif ici même, au cours duquel il a pu mesurer à quel point ce texte n'a d'autre préoccupation que l'avenir du monde agricole et vise à apporter des réponses aux problématiques urgentes qui fragilisent nos paysans et nos campagnes.

Enfin, ce travail s'est ouvert largement sur l'extérieur, notamment au travers des très nombreuses auditions que nous avons conduites depuis une quinzaine de jours. Nous avons entendu des responsables nationaux, des syndicalistes de tous horizons, des représentants des filières, des structures intermédiaires, des professionnels du conseil et de la gestion, des juristes, des responsables européens, des représentants de l'industrie agroalimentaire et de la distribution. Ils ont tous souligné la pertinence des mesures proposées et nous ont quasi unanimement signifié leur soutien. Je les en remercie.

En troisième lieu, je voudrais insister sur la structuration de cette proposition de loi. Je ne m'étendrai pas sur les constats relatifs à la situation de l'agriculture française, qui sont largement développés dans le rapport que vous avez entre les mains et qui sont actuellement validés par les États généraux de l'alimentation ; je me contenterai de mettre ses quatre axes en exergue.

Le premier part d'un postulat tout à la fois simple et incontournable : l'agriculture est une activité économique à part entière. Ses fonctions agro-environnementale et vivrière, que nous ne contestons absolument pas, l'ont parfois par trop occulté. En tant que telle, elle doit permettre à ses acteurs de vivre décemment de leur travail, et la question centrale de la rémunération de l'acte de production conduit évidemment à modifier les rapports entre les trois maillons d'une chaîne qui va du producteur au consommateur, le client final, en passant par le transformateur et le distributeur. Notre proposition consiste à permettre que la formation du prix se fasse de l'amont à l'aval et non pas dans le sens inverse.

Le deuxième axe est celui de l'environnement concurrentiel de notre agriculture, qu'il soit local, national, européen ou mondial. Plusieurs mesures visent à restaurer la compétitivité de nos producteurs en favorisant l'écoulement local, en allégeant les normes et contraintes réglementaires qui créent une distorsion évidente de compétitivité et en encadrant les modalités des indispensables contrôles.

Le troisième axe vise à étendre nos propositions à la question centrale de l'aménagement du territoire national. Dans les zones rurales, point de salut sans agriculture. Les paysans sont les habitants et les acteurs captifs de nos campagnes puisque, par essence, leurs activités ne sont pas délocalisables. Ils doivent légitimement être placés au coeur d'une vision positive de l'aménagement du territoire où – on le sent bien – plusieurs faisceaux convergents permettent de nourrir l'espoir de conserver et d'encourager une répartition équitable de la population.

Le quatrième axe, enfin, a pour but de donner à notre agriculture des perspectives dans le temps, en proposant une série de mesures, soigneusement pensées, pour favoriser la transmission des exploitations agricoles. Sans ôter à notre agriculture les particularités qui en ont fait ce qu'elle est – son centrage sur la cellule familiale –, nous n'excluons pas la prise en compte de formes juridiques désormais très répandues et l'engagement de nombreux hors cadres familiaux. Il est urgent et capital d'apporter des solutions rapides à un double problème : la transmission d'outils d'exploitation devenus de plus en plus coûteux et lourds, et un patrimoine foncier, souvent familial, qui risque de devenir l'objet de spéculations.

Telles sont, résumées en quelques lignes, les ambitions de ce texte.

Je me suis permis de revenir aussi sur le processus de son élaboration pour en souligner l'approche, connectée aux réalités du terrain, et le parcours, étranger à toute dimension partisane.

Je vais à présent vous écouter. Nous aurons, je l'espère, un débat de fond sur les articles, qui nous permette de donner à nos agriculteurs les premières réponses aux attentes qu'ils expriment avec force, mais aussi, je le ressens, avec une dose de résignation.

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