Intervention de Didier Guillaume

Réunion du mercredi 14 novembre 2018 à 16h30
Commission des affaires européennes

Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Effectivement, je ne l'ai pas, et personne au Gouvernement ne l'avait pas non plus tout à l'heure quand je suis entré dans cette salle. Seul M. Barnier a le texte, mais il ne veut pas le transmettre tant qu'il est encore en discussion avec les Britanniques mais il faudra bien qu'on sache à un moment donné où on en est.

Monsieur Chassaigne, vous évoquez à juste titre les chantiers français. L'agriculture française n'est plus strictement française : elle est française et européenne. Le budget de l'agriculture s'élève à 4,6 milliards auxquels s'ajoutent les aides directes qui représentent 3,7 milliards et le budget de la PAC qui est de 9 milliards.

Et si l'on prend l'ensemble des aides versées à l'agriculture, y compris l'aide des régions, on obtient un total de 23 milliards. C'est la raison pour laquelle les objectifs français doivent être intégrés dans les objectifs européens, et vice versa.

Parmi les chantiers que vous évoquez, permettez-moi de citer les quatre chantiers de mon ministère qui me paraissent évidents et que nous devons mettre en place : la transition économique, la transition sociale, la transition agroécologique et la transition sanitaire.

En ce qui concerne l'économie, il s'agit de faire en sorte que les prix payés aux agriculteurs remontent en valeur. C'est l'objectif de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, dite loi EGALIM – on verra ce que donneront les ordonnances. Comme je vous l'ai dit, c'est la même chose à l'échelle européenne : il faut maintenir les aides directes.

Quant au chantier social en France, on sait ce qu'il en est. Au niveau européen, il faudra bien, à un moment donné, que les règles soient les mêmes partout. Sinon, les arboriculteurs drômois seront toujours concurrencés par les Espagnols et les maraîchers alsaciens le seront toujours par les Allemands.

La transition agro-écologique, elle existe déjà en France. Au niveau européen, je pense que tous les pays la considèrent comme une priorité.

Enfin, la demande de la population européenne est forte et irréversible en ce qui concerne la sécurité sanitaire. Comme je l'ai dit lors des questions au Gouvernement, il en est de même de la demande française. C'est pourquoi l'agriculture française doit être en première ligne en ce qui concerne la sécurité sanitaire, de la traçabilité, et des contrôles. C'est déjà le cas. Si nous faisons monter en gamme au niveau européen, il y aura moins de distorsions de concurrence et il sera plus facile d'attaquer ceux qui font du dumping social.

Sur la chaîne de paiement, la France avait mis en place des mécanismes de règlement des aides européennes. Mais quand on discute avec les organisations professionnelles agricoles, il faut toujours rajouter quelque chose.

Au final, il faut une journée entière pour traiter un dossier PAC. Ce n'est plus possible, d'autant que la révision générale des politiques publiques (RGPP) est passée par là : il n'y aura pas d'augmentations d'effectifs, ni au ministère de l'agriculture, ni dans les autres ministères. Nous sommes coincés. L'ASP travaille avec une entreprise privée ; or c'est elle qui a le logiciel.

Hier matin, j'ai reçu M. Le Moing à qui j'ai dit que le Gouvernement considérait que la situation était inacceptable. Mais ce n'est pas le président-directeur-général de l'ASP qui est en cause – il a repris le dossier qui était dans un désordre inouï et il a fait un énorme travail. Mais quand je suis sur le terrain, je ne peux pas expliquer à un agriculteur qui n'a pas perçu ses MAEC 2016 que c'est normal. Je ne peux que reconnaître avec lui que cela ne va pas. Je ne fais pas dans la langue de bois. Il faut donc modifier les choses, mais ne me demandez pas comment pour l'heure, je ne sais pas quoi vous répondre.

Mes services vont y travailler.

J'en viens à la question de M. Chassaigne sur le PDRR. Nous sommes en négociations. Le Premier ministre a reçu M. Hervé Morin, le président de Régions de France, et Mme Jacqueline Gourault, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, l'a rencontré pour d'autres raisons. Pour ma part, j'ai eu un entretien téléphonique avec lui, je me rendrai devant la commission agricole de Régions de France la semaine prochaine, et j'irai à Bordeaux le 13 décembre où la position de la France sera annoncée assez clairement.

Je ne suis pas favorable à une recentralisation. En tout cas, ce n'est pas dans ce cadre-là que sera fait l'arbitrage, comme cela avait pu être envisagé, d'une recentralisation à l'échelle nationale. Les régions ont la compétence économique, et il est indispensable qu'elles puissent avoir une politique agricole régionale. Par contre, il ne peut pas y avoir trop de disparités entre les régions parce que c'est avec notre argent et nos orientations qu'elles la financent. La question est de savoir où l'on va, si elles conservent la compétence sur le bio, les MAEC, etc. et surtout comment payer les montants d'apurement qui commencent à être très élevés parce que les dossiers n'ont pas été correctement montés.

Il faudra dresser le bilan de ce qui se passe actuellement région par région en ce qui concerne la chaîne de paiement, car tout cela est un peu disparate. On me dit que 9 000 dispositifs ont été conçus par les régions, mais que la moitié seulement ont été utilisés.

Cela fera partie de la discussion que j'aurai et que le Gouvernement aura avec Régions de France.

Monsieur Bourlanges, j'ose à peine répondre à vos questions. C'est plutôt moi qui devrais vous en poser pour m'instruire encore davantage.

Pour ce qui est du calendrier, les négociations avancent à un rythme différent sur le cadre financier. Les prochaines échéances auront lieu au mois de décembre puis au mois de mai 2019 avec le sommet des chefs d'État. Personne ne voit comment les décisions pourraient être prises avant les élections européennes de l'année prochaine. Vous dites que l'actuel Parlement et la Commission européenne voudraient aboutir avant les élections. C'est un argument fort : si l'on connaît la composition actuelle de la Commission et du Parlement européen, qui sait ce qu'elle sera demain ? Comme les négociations ont été menées par M. Barnier et l'ensemble de la Commission, on peut penser qu'il serait bon de le faire maintenant. Mais je ne crois pas qu'on y parviendra, parce qu'on ne sera pas à même d'avoir une position française et des partenaires. En revanche, il faut engranger dès à présent un maximum de points. Globalement, il y a d'un côté ceux qui sont favorables à une baisse du budget – le Danemark, les Pays-Bas et la Suède –, et de l'autre les alliés traditionnels du sud de l'Europe et l'Allemagne qui sont pour le maintien du budget actuel. Le fait que l'Allemagne et la France soient en phase sur ce point est très important. Ce qui nous importe aujourd'hui, c'est la déclaration commune des deux ministres et les discussions entre la Chancelière allemande et le Président de la République.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.