Intervention de Antoine Durrleman

Réunion du mercredi 27 septembre 2017 à 17h00
Commission des affaires sociales

Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes :

Deux mots d'abord sur la dette sociale. Dans les années qui viennent, il y a un risque de retournement des taux d'intérêt qu'il faut savoir anticiper. Les enjeux sont importants, nous le répétons depuis plusieurs années. Nous avons été écoutés partiellement par les autorités publiques : des transferts de dettes de court terme de l'ACOSS vers la CADES sont intervenus régulièrement. Il reste cependant des montants importants, qui sont exposés au risque de retournement des taux. Actuellement, les conditions de financement sont exceptionnellement favorables mais nous savons que cela ne durera pas. Le mouvement d'augmentation des taux d'intérêt perceptible aux États-Unis aura à un moment ou à un autre des répercussions en Europe. C'est la raison pour laquelle, comme en 2011 et en 2012, nous appelons à un transfert progressif de la dette à la CADES afin qu'elle soit amortie dans des conditions sécurisées.

Pour la transformation du projet de loi de financement de la sécurité sociale en projet de loi de financement de la protection sociale, nous sommes restés dans le cadre de ce que nous appelons en comptabilité publique les « ASSO », les administrations de sécurité sociale, financées par prélèvements obligatoires. Il est vrai que, dans cette logique, nous pourrions intégrer ce qui est devenu un deuxième étage quasiment généralisé de protection maladie complémentaire, à savoir les mutuelles, les sociétés d'assurance et les institutions de prévoyance. Nous avons l'an dernier mis en lumière le fait qu'il y a eu un déport de plus en plus considérable de l'assurance maladie obligatoire vers les assurances maladie complémentaires et avons appelé à une réarticulation de ces deux modes de protection des assurés sociaux. Nous avons ainsi dessiné plusieurs scénarii possibles que nous avons illustrés en étudiant la manière dont le financement des soins bucco-dentaires pourrait se répartir.

Notre autre proposition en matière de loi de financement consiste à établir une distinction entre une loi de résultats de la sécurité sociale, ou de la protection sociale, et une loi de financement pour l'année à venir.

Actuellement, la loi de financement est à la fois une loi de règlement au sens du budget de l'État et une loi de finances initiale. Il nous semble qu'un calendrier différent, qui verrait l'examen par le Parlement d'une loi de résultats avant l'été, et, à l'automne, l'examen d'une loi de financement pour l'année qui vient serait sans doute tout à fait utile pour examiner l'efficacité des politiques de protection sociale, en particulier la sécurité sociale.

Au sujet de la question du virage ambulatoire, nous avons le même doute hyperbolique que celui que vous avez exprimé. Il y a sans doute des mouvements, mais nous constatons qu'ils ont de la peine à être documentés ; dans un certain nombre de cas, l'activité se transfère dans des conditions que nous mesurons mal. Il faut que nous revenions sur ce point.

En matière de chirurgie ambulatoire, nous avons noté que le nombre de lits en chirurgie conventionnelle diminuait, mais de façon très lente. Les dernières études de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) montrent qu'il existe toujours aujourd'hui une surcapacité chirurgicale. Celle-ci se traduit par une dispersion des activités dans un très grand nombre de services, certains connaissant une activité faible et peu spécialisée, exercée dans des conditions de constitution des équipes qui nous semble problématique.

Si le recours à l'intérim est considérable, c'est qu'un certain nombre d'établissements ne parviennent à recruter ni des chirurgiens, ni des anesthésistes réanimateurs, ni parfois des infirmières spécialisées de bloc opératoire. Cette situation induit parfois des difficultés dans la qualité de la prise en charge des patients.

C'est pourquoi nous appelons à tenir compte de cette situation démographique ainsi que de l'évolution des techniques chirurgicales, qui rendent indispensables des équipes beaucoup plus complètes et plus lourdes que ce n'est le cas aujourd'hui. Cela appelle aussi une répartition différente au sein des groupements hospitaliers de territoire.

De son côté, l'activité hospitalière augmente. En revanche, nous peinons à distinguer la part de l'activité liée à l'évolution des pathologies et au vieillissement de la population, qui se traduit par des maladies à la fois chroniques impliquant des épisodes ponctuels d'hospitalisation qui se multiplient, et constitue à nos yeux une activité de bon aloi, de celle qui n'est pas de bon aloi.

Nous constatons, par exemple, que le retrait de la médecine libérale de la permanence des soins – qui vaut pour la médecine généraliste comme pour celle de spécialité – se traduit par un report considérable sur les urgences hospitalières, qui constituent dès lors un mode d'entrée dans l'hôpital discutable à certains égards.

Dans un rapport précédent, nous avons analysé les difficultés de la permanence des soins, le report sur l'hôpital, et cherché à chiffrer le coût considérable de ces passages évitables, qui auraient pu être pris en charge par une médecine libérale mieux organisée.

S'agissant de la politique familiale, comme vous, nous constatons une dispersion des prestations, même si leur nombre s'est réduit au fil du temps. Nous n'avons pas documenté le principe d'une prestation familiale unique. Une réflexion est sans doute nécessaire sur notre politique familiale ainsi que sur l'universalité. Ce sont là des choix qui, bien évidemment, dépassent largement la Cour. Cela montre en tout cas qu'il faut aller plus loin dans l'analyse sur les orientations et le ciblage de notre politique.

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