Intervention de Didier Migaud

Réunion du mercredi 27 septembre 2017 à 17h00
Commission des affaires sociales

Didier Migaud, premier président de la Cour des Comptes :

Merci pour ces nombreuses questions. Cela nous fait grand plaisir que la représentation nationale porte une si scrupuleuse attention à nos travaux.

Nous n'avons pas dit que le projet de loi de financement de la sécurité sociale était globalement insincère. De même, la Cour des comptes n'a pas dit non plus que la loi de finances pour 2017 avait été insincère. C'est d'ailleurs au Conseil constitutionnel que cette mission revient, le cas échéant.

Cela dit, nous avons observé que le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale présentent des biais de construction et des impasses qui peuvent effectivement affecter la sincérité de ces deux lois. Nous avons par exemple constaté qu'au niveau de l'ONDAM, il y avait des biais de construction. Notre rapport est très clair sur ces biais.

Il y a aussi un certain nombre de transferts sur lesquels le Parlement n'a pas été informé. Nous regrettons cette absence de transparence. Nous souhaitons que cela puisse être corrigé par le Gouvernement et que le Parlement puisse être exigeant en la matière.

Le retour à l'équilibre des comptes sociaux nous apparaît vraiment comme une priorité. Les dépenses dont il s'agit sont des dépenses courantes, des dépenses de fonctionnement, pour leur plus grande part. Il est donc anormal de les financer par l'emprunt. Car un étalement dans le temps de leur financement conduit à y associer les générations futures. Nous sommes sûrement le seul pays, dans le groupe des pays avec lesquels soutenir la comparaison, à accepter des déficits sociaux sur une période aussi longue et aussi continue. Ce n'est pas normal. Comme votre rapporteur général le faisait observer, les dépenses augmentent d'ailleurs dans le même temps. Il n'est donc pas possible de parler de rigueur.

Lorsque nous proposons le retour à l'équilibre, nous ne le faisons donc pas par dogmatisme. Tous nos travaux montrent qu'il y a des marges d'efficacité et d'efficience. Ainsi en est-il des médicaments. Pourquoi utilisons-nous beaucoup moins de génériques que d'autres pays ? Le niveau de prescription dans notre pays est-il normal ? Les transports sanitaires, objet d'un travail de la Cour ces dernières années, sont également un domaine où les moyens d'économie sont importants.

Il est donc possible de réaliser des économies sans remettre en cause la qualité des soins et l'accès à eux. Nous ne pourrons conduire de réforme de la sécurité sociale, ou plus exactement conforter le système qui existe aujourd'hui, sans avoir en tête cette conviction forte.

Nous formulons des propositions, tout comme vous. Il est ainsi concevable que le comité d'alerte puisse intervenir à des seuils plus bas, pour que vous puissiez être plus souvent alertés et pour que les choses soient plus transparentes. Nous devrons travailler ensemble. Il est essentiel que nous puissions vous apporter des travaux utiles pour votre réflexion.

Mais une plus grande responsabilisation des acteurs peut aussi porter des fruits. Des travaux récents de la Cour ont établi la comparaison entre la situation en France et en Allemagne, pour montrer d'un côté une certaine déresponsabilisation et de l'autre un esprit de responsabilité, tant chez les assurés que chez les prescripteurs. Or cet esprit de responsabilité n'était pas du côté français… Cela explique des comportements différents relativement au niveau des prescriptions comme au recours aux médicaments génériques. Comme ces derniers sont peu utilisés, nous compensons auprès des pharmaciens qui font en sorte qu'ils soient davantage utilisés. Dans beaucoup d'autres pays, on ne fait pas ça.

Une plus grande responsabilisation des acteurs permettrait donc que nos comptes sociaux se portent mieux.

S'agissant de l'accès aux soins, nous avons récemment reçu une demande de votre comité d'évaluation et de contrôle (CEC), qui voudrait que nous travaillions sur le sujet. Nous sommes prêts à le faire. Nous devrons rendre notre travail d'ici à la fin 2018.

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