Intervention de Antoine Durrleman

Réunion du mercredi 27 septembre 2017 à 17h00
Commission des affaires sociales

Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes :

J'aborderai d'abord la problématique du médicament et de son coût à l'hôpital. C'est une question importante. Nous l'avions traitée dans une communication au Parlement relative aux achats hospitaliers, dont les médicaments sont une composante majeure.

Dans ce rapport, nous proposons de revenir sur la politique d'achat sur marchés, qui met les établissements en position de faiblesse. Nous plaidons pour un cadre national de négociation qui soit animé par le comité économique des produits de santé. L'enquête de terrain que nous avons menée dans un certain nombre d'établissement montre les limites du dispositif d'achat actuel.

Le temps médical n'est pas le temps administratif. Qu'il s'agisse des établissements publics de santé ou de l'organisation des professionnels libéraux de santé, c'est un enjeu majeur. Mais les réponses ne sont pas les mêmes.

Pour les établissements de santé, les réponses sont très largement du domaine de l'organisation interne, en particulier d'une numérisation supplémentaire d'un certain nombre de fonctions. En 2016, nous avons examiné le plan Hôpital numérique, qui a permis d'apporter des progrès. Or ceux-ci, de notre point de vue, sont encore à compléter, à la fois sous l'angle des systèmes d'information médicaux et des systèmes d'information administratifs. Il nous a semblé que la manière dont le plan Hôpital numérique avait été engagé était novatrice.

En ce qui concerne les soins de ville, nous avons le sentiment que les négociations conventionnelles marchent à l'envers : l'on commence par des négociations profession par profession, comme il s'en déroule actuellement, au lieu de commencer par une négociation interprofessionnelle qui permette de définir des modes de rémunération, qui ne soient pas expérimentaux, pour les prises en charge de patients par différents professionnels de santé.

Il nous semble que c'est sur cette base qu'il faudrait commencer à construire pour ensuite décliner profession par profession. Actuellement, c'est l'inverse qui prévaut et cela nous paraît préjudiciable à la fois aux professionnels et aux patients.

Quant aux 135 groupements hospitaliers de territoire constitués depuis un an, nous ne les avons pas encore auscultés. Les GHT remettent actuellement leurs projets médicaux au ministère de la santé. La démarche paraît tout à fait prometteuse car elle repose sur la confiance faite aux acteurs de terrain et à leur capacité d'auto-organisation. En ce qui concerne la problématique des soins chirurgicaux, il me semble que c'est dans le cadre des GHT que les bonnes solutions sont à trouver. Elles supposent en réalité une gradation dans les prises en charge et une capacité à organiser des équipes selon différents modes, en termes de concentration mais aussi de mobilité. Nous examinerons dans les mois qui viennent la logistique et l'organisation concrète de ces groupements.

Plusieurs questions ont porté sur le dossier médical personnel et son coûteux échec. À l'été 2012, nous avons remis une communication portant sur ce sujet à la commission des finances de votre assemblée. Nous avons documenté près de 500 millions d'euros de dépenses n'ayant débouché sur rien. L'organisation de ce service a été reprise depuis le 1er janvier 2017 par la Caisse nationale d'assurance maladie. Neuf caisses primaires mettent en place un nouveau dispositif, apparemment avec plus de succès que ne l'avait fait l'Agence des systèmes d'information partagés de santé chargée du précédent projet. Nous allons examiner la façon dont fonctionne le dispositif dans les mois qui viennent. Ce que nous notons, c'est que les dossiers médicaux partagés se créent avant tout à travers le contact direct entre les assurés sociaux et les agents de la sécurité sociale qui les accueillent. D'autres sont créés par les professionnels de santé libéraux ; peu le sont par les hôpitaux. Or l'un des éléments essentiels du succès de ce dispositif sera la capacité à intégrer les données hospitalières.

S'agissant de la lutte contre les déserts médicaux, nous constatons qu'il existe beaucoup d'initiatives intéressantes mais qu'elles n'agrègent qu'une partie des professions de santé. Ainsi, les maisons de santé pluriprofesionnelles intègrent très peu de médecins spécialistes. Nous touchons ici la limite des dispositifs incitatifs, notamment à caractère financier. Ils sont coûteux mais ont peu de résultats. C'est la raison pour laquelle nous suggérons d'utiliser le levier du conventionnement sélectif.

J'en viens aux problématiques particulières de prise en charge et d'organisation du système de soins dans les territoires ultra-marins, sujet que nous avons déjà analysé en 2014 à travers un rapport public intitulé La santé dans les outre-mer, une responsabilité de la République. Des réponses spécifiques doivent être apportées pour que nos concitoyens d'outre-mer soient soignés dans les mêmes conditions qu'en métropole.

Pour les hôtels hospitaliers, une disposition législative a été prise et un décret a été publié. Si vous me passez l'expression, l'administration est tous freins serrés pour les développer. Dans notre rapport, nous l'appelons à surmonter ses réticences et à aller de l'avant.

En matière de versement de retraites à l'étranger, nous préconisons par priorité de développer les échanges de données d'état-civil comme cela se passe à l'intérieur de notre pays. L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) communique les certificats de décès, ce qui permet d'interrompre le versement des pensions. Ce que nous avons constaté, c'est qu'un certain nombre de nos voisins ont pu développer des échanges numériques de données d'état civil de manière beaucoup plus importante et beaucoup plus active que nous. Notre rapport a déjà eu pour effet de susciter un rapprochement entre la direction de la sécurité sociale et le ministère de la santé et leurs homologues en Algérie pour aller en ce sens.

Le bilan que nous sommes en train d'établir du développement d'initiatives innovantes par les agences régionales de santé est mitigé. En réalité, beaucoup des crédits des fonds d'intervention régionaux sont fléchés par les directions d'administration centrale. La part libre laissée à la main des ARS n'est que de 5 %. Il s'agit d'une bonne idée mais dont l'impact est tout à fait limité.

S'agissant du développement de la télémédecine, nous avons examiné la situation de très près et il ne nous apparaît pas à ce stade que le débit internet soit un obstacle dirimant. Il se peut que dans les années qui viennent, les choses changent, mais les plans Haut débit et Très haut débit devraient lever bien des difficultés. Ce qui est en cause, c'est bien davantage le repérage du médecin qui engage l'acte de télémédecine et du praticien qui accueille la consultation à distance. Il reste une cartographie à établir.

Bien entendu, il ne s'agit pas de priver le patient de la présence d'un médecin. Il s'agit simplement de renforcer sa capacité de diagnostic en lui permettant de recueillir un avis d'expert au bon moment sans que le patient ait à se déplacer jusqu'à un grand centre hospitalier. Nous voyons bien quels avantages cela représente, en particulier pour la prise en charge des personnes en situation de handicap.

En matière de politique familiale, la Cour des comptes se contente de se prononcer sur la pertinence des choix des pouvoirs publics compte tenu des objectifs qu'ils se sont fixés. Elle n'examine pas proprio motu le bien-fondé des réformes qui sont intervenues. En l'occurrence, s'agissant de la réforme des allocations familiales, nous ne faisons que constater qu'elle constitue une rupture dans la politique familiale née du Conseil national de la Résistance.

Enfin, il nous semble important d'encourager l'articulation entre le budget de la branche famille et le budget de l'État. En matière de politique familiale, la transversalité et l'approche d'ensemble ne sont pas aisées. Or certains financements ont été récemment supportés par le budget de l'État, en particulier tout ce qui se rapporte aux aides au logement. La branche famille est financée de plus en plus par des impôts et des taxes affectées que l'État transfère depuis son budget et non par des cotisations professionnelles patronales. C'est dans ce contexte-là que nous posons cette question mais en la laissant sans réponse.

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