Je suis heureuse de vous présenter le rapport demandé par votre commission au Premier président de la Cour des comptes.
Je suis accompagnée du contre-rapporteur, président de section, M. André Le Mer, et des trois rapporteurs, M. Jean-Michel Thornary, conseiller maître, M. Olivier Fonbaron, conseiller référendaire, et M. Jérôme Perdreau, auditeur.
Permettez-moi de rappeler brièvement la commande qui nous a été faite.
Vous avez demandé, monsieur le président, par lettre du 11 décembre 2017, au premier président de la Cour des comptes la réalisation d'une enquête sur le bilan de la privatisation des aéroports. Le 20 décembre 2017, le Premier président vous a indiqué que les résultats de cette enquête confiée à la deuxième chambre vous seraient remis en octobre 2018 ; enfin, lors d'une rencontre le 20 mars dernier, avec M. Mohamed Laqhila et les rapporteurs spéciaux de votre commission, Mme Anne-Laure Cattelot et M. Benoit Simian, nous avons convenu des axes d'investigation et des modalités de l'enquête, qui vous ont été précisés par courrier du 4 avril 2018 du Premier président.
Il a été entendu que la Cour examinerait les processus d'ouverture du capital ou de privatisation des sociétés aéroportuaires régionales Aéroport de Toulouse-Blagnac, Aéroports de la Côte d'Azur et Aéroports de Lyon, plus précisément la nature et l'atteinte des objectifs de l'État dans ces opérations. Ainsi, l'enquête devait-elle couvrir les phases de préparation de la décision, notamment s'agissant des relations de l'État avec les actionnaires publics locaux et des relations entre services de l'État concernés. Elle devait s'intéresser au processus de sélection des acquéreurs, y compris le rôle de la Commission des participations et transferts (CPT), ainsi qu'à la mise en oeuvre des nouvelles gouvernances et à l'exécution des engagements pris par les acquéreurs.
Une réunion d'étape s'est tenue entre l'équipe des rapporteurs de la Cour et les rapporteurs de votre commission le 12 septembre dernier. L'instruction a donné lieu à des échanges avec un large spectre d'interlocuteurs au sein de l'État, évidemment avec l'Agence des participations de l'État (APE) et la direction générale de l'aviation civile (DGAC), mais aussi avec la CPT, l'Autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI) et avec la direction générale du Trésor, qui gère la procédure d'autorisation des investissements étrangers en France.
Ont également été rencontrés le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) ainsi que la direction centrale de la police aux frontières. Les rapporteurs ont rencontré des associations représentant les différents acteurs du transport aérien, à savoir l'Union des aéroports français et la Fédération nationale de l'aviation marchande.
Une attention particulière a été portée aux acteurs locaux. Outre les équipes de direction des trois aéroports, les représentants des collectivités territoriales et les chambres de commerce et d'industrie ont été rencontrés lors de déplacements sur chacun des trois sites et un échange a également eu lieu avec Airbus à Toulouse.
Le projet de rapport délibéré par la deuxième chambre a fait l'objet d'une contradiction écrite avec l'APE, la DGAC, la CPT et, pour les aspects la concernant, la direction générale du Trésor. Des auditions ont ensuite été organisées en septembre avec le commissaire aux participations de l'État, le directeur général de l'aviation civile et le président de la CPT.
La communication qui vous a été remise intègre évidemment les remarques et précisions qu'ils ont formulées, aucune ne remettant en cause le sens général des observations de la Cour.
Le rapport a enfin été validé par le comité des rapports publics et du programme de la Cour.
J'ajouterai à ce préambule deux remarques de méthode. Tout d'abord, le peu de recul dont nous disposons limite les possibilités d'analyse comparative des effets des privatisations sur la gestion des aéroports. Nous ne constatons pas de rupture mais un bilan au bout de quelques années de gestion supplémentaires serait évidemment plus éclairant sur les mérites et inconvénients de la gestion par un actionnaire privé.
En matière d'activité, il est également difficile de tirer à ce stade des conclusions tranchées sur l'efficacité de la gestion des nouveaux actionnaires, et ce d'autant plus que l'ensemble des aéroports français profitent actuellement d'une croissance forte. Seule une analyse de plus long terme permettra d'isoler d'éventuels différentiels de performance entre aéroports à actionnariat privé et public.
Il me paraît ensuite important de bien garder à l'esprit les différences existant entre ces privatisations et d'autres procédures de privatisation, réalisées ou à l'étude.
Dans le contexte d'examen par le Parlement du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE), notre rapport peut évidemment être lu à la lumière du projet de privatisation d'Aéroports de Paris (ADP). De nombreux rapprochements avec la situation d'ADP sont bien entendu possibles, mais il faut également garder à l'esprit les différences existant avec les aéroports régionaux, tant en ce qui concerne le volume d'activité que le régime juridique, le régime de propriété ou les procédures applicables.
Par ailleurs, ces privatisations sont les premières cessions d'envergure réalisées depuis la cession des participations de l'État dans les sociétés autoroutières. Ces procédures avaient fait l'objet de nombreuses critiques, notamment de la part de la Cour, mais le cadre de régulation du secteur aéroportuaire, en place lors des privatisations étudiées, est très différent de celui qui est applicable aux autoroutes.
J'en viens maintenant aux grandes lignes et aux conclusions du rapport.
Le contexte de privatisation de ces aéroports fait l'objet du premier chapitre.
Le contexte dans lequel ces cessions ont été préparées et se sont déroulées a été favorable à l'activité aéroportuaire. Celle-ci connaît un dynamisme fort depuis plusieurs décennies qui semble devoir se prolonger au moins jusqu'en 2030.
Dans ce contexte, les aéroports régionaux principaux sont des actifs particulièrement attractifs pour des investisseurs en infrastructures, confrontés à une rareté des actifs sûrs et rentables à long terme.
La loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports a ouvert la possibilité aux grands aéroports de province, restés de la compétence de l'État, de se transformer en sociétés aéroportuaires régionales. Ces sociétés aéroportuaires régionales sont des sociétés anonymes au capital réparti initialement entre l'État pour 60 %, la chambre de commerce et d'industrie pour 25 % et les collectivités territoriales pour 15 %.
Les trois aéroports concernés ont adopté ce statut en 2007 et 2008. Les sociétés aéroportuaires régionales exploitent les plateformes aéroportuaires dans le cadre de contrats de concession avec l'État qui reste propriétaire des terrains et des infrastructures. Ce rappel est important car il montre que la volonté de privatiser ces actifs n'est pas récente. Des évolutions statutaires entreprises dès 2005 permettaient la cession des participations de l'État dans les sociétés aéroportuaires régionales. Le sujet avait d'ailleurs été évoqué dans le cours des débats parlementaires et tranché dans le sens d'un capital initial public sans engagement pour la suite. D'ailleurs, deux tentatives infructueuses de privatisation ont eu lieu avant 2014.
Enfin, les cessions coïncident avec un mouvement général d'émancipation des aéroports régionaux. Les actionnaires locaux peuvent avoir des avis divergents sur l'opportunité de privatiser et le profil d'acquéreurs souhaitable, mais tous partagent l'idée que les aéroports régionaux, par le développement de leur stratégie de desserte, doivent être des outils au service du développement économique de leurs territoires. Ainsi, l'arrivée d'acteurs privés a pu être vue comme une occasion de s'émanciper du cadre national, parfois soupçonné de favoriser les intérêts des aéroports parisiens au détriment des aéroports de province.
Il est enfin important de rappeler que l'État s'est fixé des objectifs lors de ces cessions pour évaluer leur efficacité. Le principal objectif était d'ordre financier, sous réserve qu'il permette le développement du trafic aérien, qu'il renforce la connectivité des territoires et favorise leur activité économique et l'emploi.
La conciliation entre ces différents objectifs, parfois contradictoires, a évolué entre les différentes procédures de privatisation et a fait l'objet d'arbitrages parfois difficiles entre administrations.
Après la présentation du contexte, le chapitre II du rapport est consacré à la privatisation de l'aéroport de Toulouse, que la Cour qualifie d'inaboutie. Je ne retracerai pas dans le détail le déroulement des procédures, déroulement qui figure au rapport, mais je soulignerai quelques points saillants.
Comme vous le savez, l'opération a abouti à la vente, le 17 avril 2015, de 49,99 % du capital au consortium Symbiose, qui était constitué à 51 % d'une entreprise publique chinoise, Shandong Hi-Speed Group, et à 49 % d'un fonds d'investissement implanté à Hong Kong et domicilié dans les Îles Vierges britanniques, Friedmann Pacific Asset Management.
Le prix offert par Symbiose était largement supérieur à celui proposé par le candidat qui venait en second, et le projet industriel proposé, élaboré avec l'appui de professionnels du secteur aéroportuaire, ne paraissait pas inférieur à celui des autres candidats. Toutefois, ce résultat non attendu par les acteurs du dossier a mis en lumière les défauts de la procédure avec plus d'acuité que ne l'aurait fait la sélection d'un gestionnaire français ou européen d'aéroports.
L'acquéreur retenu a immédiatement suscité des inquiétudes en raison de son absence d'expérience en matière de gestion aéroportuaire et de son manque de transparence financière. L'APE ayant choisi de ne pas exiger d'expérience en matière de gestion aéroportuaire, les critères de recevabilité des candidats étaient limités à leur capacité financière.
Les liens de l'acquéreur avec la puissance publique chinoise étaient également de nature à susciter des interrogations. De ce point de vue, l'association insuffisante et trop tardive des autres administrations de l'État, notamment la DGAC, n'a pas permis d'anticiper les difficultés ou les interrogations qu'un tel candidat était susceptible de susciter.
Le choix d'une opération de cession en deux temps, destinée à satisfaire des objectifs contradictoires, s'est également révélé malencontreux. Dans un premier temps, l'État a cédé 49,99 % du capital à l'acquéreur, cession accompagnée de la conclusion d'un pacte d'actionnaires avec celui-ci, pacte destiné à lui permettre d'exercer le contrôle opérationnel de la société.
Dans un second temps, l'État se réservait d'exercer une option de vente à l'acquéreur des 10,01 % du capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac qu'il détient encore, l'acquéreur s'engageant à les acheter à un prix défini à l'avance. Cette option était exerçable trois ans après la première session pendant une durée de six mois renouvelable une fois, soit à compter du 18 avril 2018 et jusqu'au 17 avril 2019.
L'État a indiqué, en février 2018, qu'il n'avait pas l'intention d'exercer cette option de vente. La privatisation demeure donc inaboutie et la société Aéroport Toulouse-Blagnac reste dans une situation ambiguë et instable. Son capital est majoritairement public, mais le contrôle appartient à l'actionnaire privé par l'effet du pacte d'actionnaires qu'il a conclu avec l'État. Cette situation place l'APE dans une situation délicate et l'a obligée à plusieurs reprises à jouer un rôle de conciliateur entre l'actionnaire principal et les actionnaires locaux, notamment sur la question de la distribution des dividendes et la nomination des dirigeants.
Les difficultés de la gouvernance de la société sont paradoxales, car les résultats d'exploitation de l'aéroport sont satisfaisants et il n'y a pas de vraies divergences sur la stratégie de l'aéroport.
Au chapitre III du rapport, nous montrons que le processus a été amélioré pour les privatisations des aéroports de Lyon et de Nice, les leçons des imperfections du processus de privatisation de l'aéroport de Toulouse ayant été tirées.
L'article 191 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, qui a autorisé la privatisation des sociétés aéroportuaires régionales de Lyon et de Nice, a ajouté aux dispositions de droit commun régissant les privatisations des exigences spécifiques à la privatisation des sociétés aéroportuaires dans trois domaines.
Premièrement, les privatisations des sociétés exploitant une infrastructure de transport aéroportuaire dans le cadre d'une concession accordée par l'État doivent désormais être autorisées par la loi.
Deuxièmement, le cahier des charges de l'appel d'offres est approuvé par le ministre chargé de l'aviation civile et est renforcé. Il précise les obligations de l'acquéreur relatives à la préservation des intérêts essentiels de la nation en matière de transport aérien, ainsi que de ceux du territoire concerné en matière d'attractivité et de développement économique et touristique. Il précise également les obligations de l'acquéreur, afin de garantir le développement de l'aérodrome, en concertation avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles il est installé ainsi qu'avec les collectivités territoriales actionnaires.
Troisièmement, les candidats au rachat des parts de l'État dans une société exploitant une infrastructure de transport aéroportuaire doivent disposer d'une expérience en tant que gestionnaires d'aéroports ou d'actionnaires d'une société gestionnaire d'aéroports de taille comparable.
Au-delà même de ces exigences, les cahiers des charges des privatisations des aéroports de Lyon et de Nice ont fortement évolué par rapport à celui de la privatisation de l'aéroport de Toulouse. Les critères de recevabilité des candidats sont plus exigeants, les exigences de transparence financière ont été renforcées, le contenu des offres a été enrichi, la procédure a été ajustée et implique davantage les actionnaires locaux. Un engagement contractuel des candidats sur les modalités de respect des objectifs posés par la loi du 6 août 2015 a enfin été mis en place.
De fait, les opérations de privatisation des aéroports de Nice et de Lyon n'ont pas conduit à la répétition des difficultés qui avaient été constatées dans l'opération toulousaine. La concertation avec les acteurs locaux a été bien menée, malgré une incompréhension en fin de procédure – il y est fait référence à la page 66 du rapport.
Le choix des acquéreurs a finalement satisfait les acteurs locaux tant à Nice qu'à Lyon. À Lyon, c'est un consortium, constitué de Vinci Airports pour 51 % des parts, de la Caisse des dépôts et consignations pour 24,5 % et de Predica pour 24,5 %, qui a acquis, le 3 novembre 2016, la participation de 60 % détenue par l'État pour un montant de 535 millions d'euros, soit 21,2 fois son bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements (EBITDA).
À Nice, le même jour, le consortium Azzurra, composé du groupe italien Atlantia pour 65,01 %, d'Aeroporti di Roma pour 10 % et d'EDF Invest pour 24,99 %, a acquis les parts de l'État dans la société aéroportuaire régionale Aéroports de la Côte d'Azur pour un montant de 1,222 milliard d'euros, soit 22,1 fois son EBITDA. Dans les deux cas, il s'agit du candidat qui avait offert le prix le plus élevé. L'écart entre la meilleure offre et la suivante étant de 1,9 % à Lyon et de 1,5 % à Nice.
Le chapitre IV, enfin, présente les conclusions et les recommandations de la Cour. Le rapport retrace ici les éléments de bilan des procédures de cession et propose des améliorations possibles compte tenu des réserves méthodologiques que j'ai rappelées en introduction. Les messages de la Cour tiennent en cinq points et donnent lieu à sept recommandations récapitulées à la page 13 du rapport.
Premier message, les objectifs financiers de l'État ont été dépassés. Les trois aéroports ont été valorisés à des niveaux qui n'avaient pas été anticipés, les candidats à l'acquisition ayant proposé des prix élevés au regard de privatisations comparables. L'attractivité de ces plateformes et les perspectives de croissance de leurs résultats expliquent qu'un nombre suffisant de candidats, nationaux ou non, s'y soient intéressés. Toutefois, comme nous l'expliquons dans le rapport, il n'est pas possible d'établir précisément le bilan financier de l'opération pour l'État à ce stade, en l'absence de visibilité de l'évolution de l'activité des aéroports et de leur profitabilité d'ici au terme des concessions.
La Cour relève certaines incertitudes qui ont pu subsister dans les cahiers des charges, en particulier sur l'évolution future des cadres de régulation de ces aéroports, mais elles n'ont pas produit d'effets visibles sur les niveaux de valorisation, la plupart des candidats ayant fait le choix d'assumer ces risques en construisant leurs offres sur la base des hypothèses les plus favorables. Il conviendra à l'avenir de clarifier autant que possible les règles et principes prévalant dans l'élaboration du cadre de régulation futur afin d'offrir une réelle visibilité aux candidats, sans pour autant lier l'État régulateur dans ses décisions futures. Tel est l'objet de la recommandation numéro 1.
Notre deuxième message, c'est que les procédures peuvent encore être renforcées. Celles mises en oeuvre à Nice et Lyon tiennent compte des insuffisances révélées par la procédure toulousaine et apparaissent plus robustes. La Cour relève toutefois plusieurs points pouvant encore donner lieu à des améliorations. J'en citerai trois.
D'abord, en matière de sélection des offres. Si le prix a vocation à demeurer un critère essentiel, il est souhaitable de renforcer encore la prise en compte des autres intérêts à préserver dans ces opérations, qui ont été précisés par la loi du 6 août 2015 et qui englobent les intérêts du transport aérien et ceux des territoires concernés en matière d'attractivité économique et touristique. Cela peut notamment se traduire par des prescriptions plus explicites et engageantes dans le cahier des charges, de manière à rendre les projets industriels des candidats comparables à un horizon raisonnable. Les engagements souscrits par les candidats doivent être formalisés et leur non-respect assorti de sanctions. Telle est notre recommandation numéro 2.
Ensuite, la Cour s'est interrogée sur le rôle des conseils financiers ou juridiques dont l'APE s'entoure pour préparer les privatisations, puis pour analyser les offres, et sur leurs modalités d'intervention. L'APE ne s'entoure pas de conseils de spécialistes de l'activité aéroportuaire. Or, dans la mesure où la loi demande à prendre en compte la qualité des projets industriels et leur impact sur les territoires, la comparaison de ces projets industriels et leur cohérence avec les offres financières sont une nécessité qui appelle une expertise spécifique existant au moins pour partie à la DGAC, d'où notre recommandation numéro 4.
Enfin, la question des conflits d'intérêts entre conseils de l'APE et candidats doit être anticipée et traitée avec la plus grande fermeté pour assurer l'équité de la procédure et limiter les risques contentieux ou au moins d'image. Les contrats liant l'APE à ses conseils doivent notamment lui permettre de réagir sans délais, en renforçant les exigences de déclaration par les conseils des situations à risque et en saisissant systématiquement la CPT de telles situations et des mesures prises en conséquence. Tel est l'objet de notre recommandation numéro 3.
Le troisième message concerne la procédure d'autorisation des investissements étrangers, qui doit être adaptée. Deux privatisations sur trois ont abouti à la sélection d'un acquéreur étranger. Cela témoigne de l'ouverture réelle de ces procédures, qui favorise une concurrence importante.
De telles opérations sont soumises au régime de droit commun défini par le décret du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable. Or ce décret destiné à des projets de cession établis entre acteurs privés ne paraît pas adapté aux cessions des participations de l'État. En effet, la demande d'autorisation est adressée au ministre de l'économie en fin de processus, une fois que l'acquéreur pressenti a été désigné publiquement par ce même ministre. Ce dispositif doit donc être adapté à la situation particulière des cessions de participations publiques pour intervenir plus en amont, antérieurement au choix de l'acquéreur par le ministre, par exemple, au niveau de la recevabilité des candidatures.
Des marges de négociation de l'État avec les candidats seraient ainsi mieux préservées et des difficultés liées à un acheteur étranger pourraient être identifiées plus tôt. Plusieurs modalités sont possibles. Il reviendra à la direction générale du Trésor et à l'APE de déterminer lesquelles sont les plus pertinentes. Telle est notre recommandation numéro 5.
Le quatrième message est que l'État doit conserver un niveau d'information suffisant pour que ses leviers instruments de contrôle demeurent effectifs.
La Cour s'est également interrogée sur les effets d'un changement d'actionnariat sur les moyens de contrôle et leviers dont dispose l'État. Ces moyens et leviers ne changent pas. Tout d'abord, il convient de rappeler que c'est l'État qui assure lui-même avec ses agents la navigation aérienne, le contrôle aux frontières et les contrôles douaniers. En outre, dans les domaines où l'État n'intervient pas directement, il dispose de larges pouvoirs lui permettant d'encadrer l'activité des aéroports et de prescrire les investissements qu'il juge nécessaires. L'évolution tarifaire est soumise à la validation d'une instance indépendante, l'ASI, qui peut imposer des baisses de redevances si les profits des exploitants dépassent durablement le coût moyen pondéré de leur capital. Toutefois, ces moyens de contrôle ne pourront être utilisés efficacement que si les services compétents de l'État disposent d'une information suffisante sur la gestion et les orientations stratégiques des aéroports. La présence, sans voix délibérative, d'un représentant de la DGAC dans les instances de gouvernance est ainsi souhaitable, et fait l'objet de notre recommandation numéro 6. Des acteurs locaux qui ont, à l'heure actuelle, un pouvoir de blocage sur les décisions importantes auraient également intérêt à se coordonner afin de garantir leur capacité à peser sur les orientations des aéroports et à défendre les intérêts de leur territoire.
Notre cinquième et dernier message est que les engagements des acquéreurs doivent faire l'objet d'un suivi efficace. Les difficultés rencontrées à Toulouse et les tensions entre actionnaires locaux et l'acquéreur tiennent en particulier à des malentendus et à des incompréhensions initiales sur la portée des engagements de ce dernier. Une plus grande formalisation des engagements et des sanctions associées à leur non-respect constitue une partie de la réponse. Mais, pour être crédible, elle doit s'accompagner d'un suivi efficace. Or, les instances de suivi prévues dans les cahiers des charges à Nice et Lyon n'ont pas encore été installées. Elles doivent être mises en place sans délai. Pour jouer leur rôle, ces comités pourraient être placés sous l'autorité du préfet de département. Telle est la recommandation numéro 7 de notre rapport.