Intervention de Catherine de Kersauson

Réunion du mardi 13 novembre 2018 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Catherine de Kersauson, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes :

M. Simian a posé une question sur le suivi des engagements, à laquelle j'ai répondu précédemment, notamment au sujet des collectivités territoriales.

J'en arrive aux questions posées par Mme Rabault sur la privatisation de l'aéroport de Toulouse. Le pacte d'actionnaires est une situation particulière, puisque l'acquéreur n'a pas la majorité ; il a signé avec l'État un pacte d'actionnaires aux termes duquel l'État doit voter comme l'acquéreur. Il s'agit d'une situation que nous qualifions dans le rapport d'« ambiguë » et « instable ». Dans les faits, néanmoins, l'APE a joué un rôle important d'intermédiaire pour convaincre Casil Europe de renoncer à une partie de ses prétentions en matière de dividendes, en menaçant de ne pas le soutenir dans le cas contraire. Casil Europe voulait obtenir l'essentiel du résultat et l'APE a fini par le convaincre de renoncer à ses prétentions. L'acquéreur ne cache d'ailleurs pas sa déception quant aux limites du contrôle qu'il est en mesure d'exercer. Cette situation nous paraît donc à la fois inconfortable pour l'État et pour l'acquéreur comme pour les autres actionnaires, et elle n'est pas souhaitable. Il est à noter que l'État n'a pas reproduit cette situation de cession en deux temps pour les deux autres aéroports.

Vous avez interrogé, madame Rabault, sur le changement des écritures comptables. Le rapport y fait référence s'agissant des durées d'amortissement, lesquelles influent fortement sur le niveau du résultat net. En effet, les durées d'amortissement ont été réévaluées en 2017 sur la base des travaux d'un cabinet d'audit et acceptées par le commissaire aux comptes de la société. Elles sont désormais comparables à celles pratiquées dans les autres aéroports étudiés. Nous avons constaté cette modification.

La seconde évolution sur le calcul du résultat procède d'une demande de l'actionnaire qui a souhaité l'établissement des comptes de la société selon les normes International Financial Reporting Standards (IFRS) en 2017 pour faciliter la consolidation de ces comptes avec ceux du groupe, le référentiel IFRS étant le seul qui soit utilisé par les groupes internationaux pour leurs comptes consolidés. Les comptes établis dans un autre référentiel doivent être mis en correspondance pour permettre cette opération. Or les normes IFRS conduisaient à majorer fortement le résultat de l'aéroport en 2017. Les actionnaires locaux s'y sont opposés car ils y ont vu un moyen de majorer artificiellement les dividendes. Un compromis a été trouvé qui prévoit un montant distribuable de la totalité du résultat aux normes françaises, soit 13,8 millions d'euros, alors qu'il aurait été de plus de 20 millions d'euros en appliquant les normes IFRS.

L'APE a considéré que le pacte d'actionnaires était couvert par le secret des affaires. La Cour a néanmoins eu accès à ce pacte ainsi qu'aux travaux préparatoires. Les principales dispositions qui portent sur la gouvernance et les modalités d'évolution du capital figuraient dans le cahier des charges et sont, à ce titre, publiques. Le projet de pacte a été communiqué aux actionnaires locaux qui n'ont pas émis d'avis négatif à son encontre.

À M. Saint-Martin, je répondrai que la privatisation n'a pas eu d'impact sur les pouvoirs de régulation dont dispose l'État sur aucun des trois aéroports. Le pouvoir de régulation résulte à la fois des pouvoirs de l'État en matière de sécurité et de CRE. La DGAC peut intervenir dans l'hypothèse où l'aéroport ne prévoit pas les investissements indispensables aux infrastructures. Nous n'avons pas constaté que le processus de privatisation ait privé l'État des pouvoirs nécessaires à la préservation de ses intérêts stratégiques dans le domaine aéroportuaire.

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