Monsieur le ministre d'État, vous souhaitiez faire de ce projet de loi l'un des axes forts de votre plan climat et, pour le reste du monde, un exemple du modèle qu'il faut abandonner. Nous saluons l'intention du Gouvernement de mettre fin à l'exploration et à l'exploitation des gisements pétroliers. C'est un premier pas indispensable, bien que ce texte, que vous qualifiez vous-même de symbolique, ne porte que sur 1 % de notre consommation totale.
Il n'a cependant pas fallu longtemps aux parlementaires et aux observateurs attentifs pour constater que ce projet de loi est à l'image du sous-sol français qu'il entend préserver : truffé de trous et de vides.
La France insoumise, si elle ne renie pas la force des symboles, est aussi dans l'action concrète et immédiate. Nous nous sommes donc appliqués, avec sérieux, à boucher les trous de cette loi pour qu'elle améliore rapidement et définitivement notre qualité de vie. J'en veux pour preuve que plusieurs de nos amendements, acceptés en commission, ont musclé le projet de loi sur plusieurs registres, en imposant pour cadre général de ce texte la lutte contre le réchauffement climatique, et donc le respect des engagements internationaux de la France, en levant le doute sur l'exploitation du gaz de mine, en élargissant le périmètre de cette loi à tous les hydrocarbures, quelle que soit la technique utilisée, afin d'effacer la frontière floue entre hydrocarbures conventionnels et non conventionnels, et en renforçant la portée contraignante du texte avec une date d'échéance précise pour l'arrêt d'exploitation au 1er janvier 2040.
À notre grand regret cependant, alors que nous pelletions à mains nues en commission pour boucher les fameux trous de ce projet de loi, les lobbyistes utilisaient des pelles mécaniques dans les couloirs pour maintenir le droit de suite, point crucial et essentiel du code minier.
Pour que votre loi soit pleinement achevée, il aurait donc fallu s'attaquer au code minier et au droit de suite. Ces règles d'un autre temps ont été édictées pour – et, en partie, par – l'industrie minière, à son seul profit. C'est le sens des amendements que nous avons proposés et pour lesquels nous n'avons trouvé aucun signe d'ouverture de la part du Gouvernement ni de la majorité. Vous décidez ainsi que les intérêts économiques de grands groupes continueront à primer sur l'intérêt général humain et écologique, via la sacro-sainte liberté d'entreprendre, érigée en dogme. C'est d'ailleurs là le véritable fil rouge de cette loi.
Le résultat est un texte paradoxal et contradictoire, qui prétend arrêter l'exploitation de tous types d'hydrocarbures en 2040, mais dont les non-dits permettent de prolonger des concessions bien au-delà de cette date – jusqu'en 2054. Or l'urgence écologique et climatique est bien là, comme nous l'a malheureusement rappelé l'actualité de ces dernières semaines. Elle ne se satisfera pas de demi-mesures.
Ce texte, monsieur le ministre d'État, arrive devant l'Assemblée nationale à un moment qui est finalement fort propice pour éclairer les incohérences – et même pour révéler le double discours – du gouvernement de M. Macron sur l'écologie et le climat.
Pour l'incohérence, l'accord économique et commercial global – CETA – , cheval de Troie du défunt traité de libre-échange transatlantique dit TAFTA, est entré en application depuis le 21 septembre. Ainsi, nous actons notre résignation à consommer massivement des hydrocarbures dont l'extraction et la production ne respectent aucune norme environnementale.
Nous attendrons également vos explications lors de l'examen du projet de loi de finances et vous soumettrons l'équation suivante : comment exécuter un budget apparemment en hausse de 3,9 % avec la suppression de 1 324 équivalents temps plein de fonctionnaires au sein de votre ministère ?
Mais le plus grave est le double discours du Gouvernement. En fin de semaine dernière, un média a révélé que, pendant que nous discutons de ce projet de loi, la France fait des pieds et des mains pour revenir sur les objectifs fixés par l'Union européenne en matière de climat, qui prévoient 27 % d'énergies renouvelables à l'horizon 2030.
Les méthodes habituelles y sont à l'oeuvre : suppression des suivis réguliers et contraignants pour atteindre l'objectif, refus de créer un fonds de solidarité pour que les pays européens les plus fragiles puissent réaliser cette transition – tout cela au mépris des accords de Paris et sans même que vous-même ou votre cabinet soyez consultés. Les beaux discours télévisés sur le climat ou l'Europe ne sont donc qu'un rideau de fumée.
Monsieur le ministre d'État, vous paraissez être un ministre de la transition écologique bien solitaire au milieu d'un gouvernement qui ne se préoccupe guère des questions du climat et de l'écologie – je vous ai interpellé à ce propos la semaine dernière dans l'hémicycle.
Pour notre part, le fond de ce texte, qui ne va pas au bout de sa logique, nous laisse sur notre faim mais, surtout, le contexte dans lequel il est examiné – avec le CETA et les accords climat – nous rend perplexes quant à la réelle volonté du Gouvernement. Pour ces raisons nous nous abstiendrons lors du vote.