Ce procès nous ramènerait donc inlassablement vers la question qui nous anime aujourd'hui : oserons-nous, alors que tout pourrait nous incliner au contraire, faire le pari de l'avenir et relancer la construction européenne ? Oserons-nous bâtir, au-delà des concepts anciens de souveraineté nationale, un concept nouveau de souveraineté européenne qui permette, sans renier nos nations et leurs identités, de retrouver ce qui fait le sel de la souveraineté, c'est-à-dire notre capacité à prendre notre destin en main et à influencer les affaires du monde ?
Oserons-nous construire une véritable police européenne aux frontières pour reprendre le contrôle des flux migratoires qui convergent vers l'Europe ? Oserons-nous bâtir une véritable police fédérale capable de traquer les terroristes et les criminels qui se jouent des frontières en les poursuivant, à travers des enquêtes uniques, sur tout le territoire de l'Union ? Oserons-nous construire une vraie défense européenne, au-delà des simples regroupements industriels, pour pouvoir projeter demain plus de 100 000 hommes vers des théâtres d'opérations extérieures si les intérêts stratégiques de l'Europe étaient menacés ?
Oserons-nous harmoniser nos systèmes fiscaux et sociaux pour combattre le dumping ? Oserons-nous créer les outils régulateurs des flux financiers internationaux pour veiller à ce que les capitaux irriguent bien l'économie réelle au bénéfice du développement durable et de l'emploi ? Oserons-nous lancer une véritable politique de recherche sur les énergies de demain ? Oserons-nous nous affranchir de l'unanimité pour avancer sur ces sujets autour d'un noyau dur d'États – la zone euro ou un espace plus restreint – partageant la même vision de l'avenir ?
Et surtout, oserons-nous le faire à temps, avant que les peuples, à la fois déçus par l'incapacité de l'Europe à se réformer et enfermés dans l'illusion mortelle d'une paix à jamais acquise, ne finissent, maille après maille, par déconstruire l'oeuvre de nos prédécesseurs ?
Oui, mesdames et messieurs, le débat ouvert, avec un courage inégalé depuis plus de vingt-cinq ans, par le Président Emmanuel Macron, nécessitera, pour y répondre, un acte de foi. Un acte identique à ceux que firent les pères fondateurs de l'Europe au cours des soixante-dix dernières années. Un acte dont les conséquences détermineront en grande partie l'Europe que nous léguerons à nos enfants. Un acte dont nous serons comptables devant l'histoire et devant les hommes.