Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du lundi 26 novembre 2018 à 16h05
Projet de loi de finances rectificative pour 2018 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Ensuite, nous avons eu moins de vingt-quatre heures entre l'examen du texte en commission des finances et la date limite de dépôt des amendements pour la séance publique du lundi 12 novembre.

Le travail du parlementaire, c'est de pouvoir discuter sérieusement du fond et d'améliorer les textes sur lesquels il travaille. L'examen des articles non rattachés à une mission budgétaire dans le cadre du PLF a montré que nous n'étions pas inutiles en la matière – et vous l'avez vous-même reconnu, monsieur le ministre – , car nous avons soulevé de très nombreux problèmes que le Gouvernement et ses services n'avaient pas identifiés. Je rappellerai d'ailleurs que notre collègue Laurent Saint-Martin qui, à ma connaissance, appartient à la majorité, avait proposé en juillet, lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle, de fixer dans la Constitution un délai de quarante jours entre le dépôt d'un projet de loi et son examen. Nous en sommes loin, très loin !

J'ajoute que ce n'est pas vous que nous avons auditionné en commission, monsieur le ministre de l'action et des comptes publics – alors que le budget fait incontestablement partie de votre portefeuille – , mais votre secrétaire d'État, qui n'était pourtant pas l'auteur du texte. Il s'agit là d'une attitude irrespectueuse envers le Parlement, et donc envers nos concitoyens, que nous représentons.

Monsieur le ministre, je me permets de vous rappeler que le droit d'amendement est consacré par l'article 44, alinéa 1er de notre constitution. Or les délais plus que restreints qui nous ont été imposés pour le dépôt des amendements en commission, puis en séance publique, n'ont pas permis au Parlement d'exercer ce droit fondamental qui, je le répète, a valeur constitutionnelle. En agissant de cette façon, vous contournez la Constitution et, d'une certaine façon, vous exprimez un certain mépris à l'égard de la représentation nationale. Notre groupe est prêt à saisir le Conseil constitutionnel, avec les autres groupes qui le souhaiteront, pour qu'il se prononce sur la constitutionnalité de tels délais.

Sur le fonds, ce projet de loi de finances rectificative présente au moins trois problèmes sérieux.

Le premier, c'est qu'il annule près de 330 millions d'euros sur les crédits d'équipement de la défense pour financer les opérations militaires extérieures de la France – OPEX – à hauteur de 402 millions d'euros, contrairement à ce qui avait été inscrit dans l'article 4 de la loi de programmation militaire, laquelle prévoyait d'assurer ce financement par un redéploiement de crédits interministériels. Ce faisant, monsieur le ministre, vous diminuez la capacité de notre armée à réaliser des achats d'équipements. Ce n'est pas moi qui le dis, mais votre étude d'impact – on nous a dit que cela ne décalerait aucune commande, mais ce n'est pas ce qui est écrit dans l'étude d'impact. Votre décision entraînera aussi une diminution des dépenses d'investissements, alors que la politique de la France exige qu'ils soient augmentés – et il s'est trouvé une immense majorité à l'Assemblée nationale pour approuver cette orientation.

Vous revenez donc sur les engagements du Président de la République, qui avait promis un budget en hausse constante, puisque ces sommes représentent 20 à 25 % de la hausse qui était prévue ; vous revenez aussi sur les engagements pris devant le Parlement dans le cadre de la loi de programmation militaire, puisque la prise en charge intégrale par le budget de la défense des charges des OPEX ne devait pas intervenir avant 2020. Le risque est grand que ce précédent soit de nouveau utilisé en 2019, puisque tout le monde sait que ce que nous avons inscrit dans la loi de finances pour 2019 est insuffisant pour faire face à ces dépenses.

Le deuxième problème est de nature politique et concerne le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique ». Vous réaffectez 600 millions d'euros au budget général de l'État dans un contexte d'augmentation des prix du carburant. Tous vos arguments techniques ne pèsent rien : pour paraphraser une formule célèbre, vous avez techniquement raison, mais politiquement tort. Vous avez tort, puisque ce que vous reprochent ceux qui ont soulevé le problème de l'augmentation socialement insupportable du prix de l'énergie, c'est de n'affecter qu'une petite part de cette hausse de fiscalité à la transition énergétique. Cette part est tout à fait minoritaire, puisqu'en deux ans, vous avez alourdi la fiscalité d'à peu près 8 milliards, alors que le budget de l'écologie n'a augmenté que d'un milliard d'euros.

Au groupe Libertés et territoires, nous considérons que les recettes de la taxation des énergies fossiles, de l'ordre de 15 milliards d'euros d'ici 2022, devraient être intégralement utilisées pour soutenir la transition énergétique dans les territoires, pour accompagner les ménages, notamment les plus modestes, et pour rendre cette transition socialement supportable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.