L'examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2018 suit le même rythme soutenu qu'il a connu depuis sa présentation en conseil des ministres le 7 novembre dernier. Sur la méthode, comme l'a justement souligné en première lecture Valérie Rabault, présidente du groupe Socialistes et apparentés, ce calendrier de discussion est tout simplement inédit.
En effet, le texte a été présenté le mercredi 7 novembre en conseil des ministres, avant d'être présenté dans la foulée devant la commission des finances. Les amendements pour la commission des finances étaient à déposer le 8 novembre pour un examen le 9 novembre. Pour la séance publique, les amendements devaient être déposés le 10 novembre pour une discussion le 12 novembre. En nouvelle lecture, on retrouve la même cadence infernale. La commission mixte paritaire, réunie le mardi 20 novembre, n'est pas parvenue à trouver un accord. En commission des finances, les amendements devaient être déposés le 21 novembre pour un examen le 22 novembre. En séance publique, ils devaient être déposés le 22 novembre pour une discussion le 26. Et la lecture définitive devrait se tenir dans deux jours, mercredi 28 novembre.
Pourquoi un tel calendrier ? S'il faut reconnaître que le texte revient à l'esprit initial des PLFR, avec l'absence notable d'articles fiscaux, ses conditions d'examen s'expliquent avant tout par l'impasse dans laquelle vous vous trouvez. Faute d'avoir pris des décrets d'avance, il vous manque aujourd'hui, jusqu'à la fin de l'année, 163 millions d'euros de crédits budgétaires pour payer les professeurs du second degré de l'enseignement public, 19 millions pour verser les salaires des enseignants du premier et du second degrés de l'enseignement privé, 20 millions pour verser les salaires dans la recherche universitaire et 31 millions pour verser les salaires des policiers. Il vous manque enfin, toujours d'ici à la fin de l'année, 404 millions d'euros pour financer les opérations extérieures.
Soyons clairs : vous êtes rattrapés par la réalité de votre gestion : vous n'avez plus assez d'argent dans les caisses de certains ministères pour payer les professeurs, les policiers ou les chercheurs. Il ne faut pas considérer le décret d'avance comme honteux, monsieur le ministre. Ce type de décret est prévu par les articles 13 et 14 de la loi organique relative aux lois de finances de 2001, parce que chacun sait très bien qu'on ne saurait tout décider au 1er janvier. Pour gérer son propre budget, chaque Français peut, lui aussi, être amené à prendre en cours d'année des décisions qui n'étaient pas prévues à l'origine. Cela n'en fait pas pour autant un mauvais gestionnaire.
Après avoir abordé les questions de calendrier et de méthode, j'en viens au fond. Deux points tiennent particulièrement à coeur aux députés socialistes et apparentés. Ils regrettent tout d'abord que, pour la première fois, le financement des opérations extérieures repose intégralement sur le budget du ministère des armées, sans recours à la solidarité interministérielle. C'est en contradiction avec l'article 4 de la loi de programmation militaire 2018-2022, qui ne prévoit que progressivement la prise en charge de la totalité du coût des OPEX et des missions intérieures par le ministère : 650 millions d'euros en 2018, 850 millions en 2019 et 1 milliard en 2020.
En 2018, le ministère des armées prendra donc à sa charge le coût des OPEX, soit 1,37 milliard d'euros, par le biais d'annulations de crédits à hauteur de 402,2 millions d'euros sur l'équipement des forces armées et de 155 millions d'euros d'économies de salaires. Ce choix conduira ainsi à réduire massivement votre ambition initiale.
Ensuite, les députés Socialistes et apparentés regrettent l'annulation de 50 millions d'euros de crédits du programme « Service public de l'énergie», qui comprend les crédits du chèque énergie. Alors que chacun, ou presque, s'accorde à reconnaître que l'augmentation de la fiscalité énergétique doit s'accompagner de mesures de compensation à destination des Français les plus modestes – les travailleurs comme les retraités – , il est incompréhensible que le Gouvernement procède à une telle coupe dans ce dispositif, lequel est dirigé vers nos compatriotes qui pâtissent le plus de l'actuel matraquage fiscal sur les produits énergétiques. Selon le PLFR, ces 50 millions d'euros étaient des crédits mis en réserve. Or, lors de l'examen en première lecture, le ministre de l'action et des comptes publics a reconnu que ces crédits étaient le résultat d'une sous-consommation du chèque énergie, due au fonctionnement parfois incompris du dispositif.
Pour les députés du groupe Socialistes et apparentés, une chose est claire : plutôt que de raboter les crédits du chèque énergie sur la fin de l'année 2018, …