Intervention de Lise Magnier

Séance en hémicycle du lundi 26 novembre 2018 à 16h05
Projet de loi de finances rectificative pour 2018 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLise Magnier :

Comme nous l'avons tous observé, ce projet de loi de finances rectificative pour 2018 revient à sa vocation initiale prévue par la LOLF, c'est-à-dire un texte réduit à des ajustements principalement budgétaires. Ce retour aux fondamentaux rompt avec une pratique dont résultait une sorte de seconde loi de finances comprenant de nombreuses mesures fiscales. Nous saluons donc le retour à cet objectif d'origine du PLFR de fin d'année, uniquement concentré sur les mesures ayant un impact sur l'année en cours.

Nous saluons également la « sincérisation » du budget et la volonté affirmée par le Gouvernement d'établir de réelles prévisions budgétaires, affirmée par l'absence de surgel budgétaire ou de décrets d'avance.

S'agissant des conditions dans lesquelles nous avons eu à examiner ce texte, la précipitation a nui à la qualité de nos travaux. Il serait donc opportun qu'une telle situation ne se reproduise pas. Lors de l'examen en commission des finances, les groupes de l'opposition ont quitté la commission pour protester contre les délais insensés et intenables, ayant le sentiment que cette situation relevait d'un manque de considération envers les parlementaires.

Je regrette toutefois le choix paradoxal de certaines oppositions, qui ont cherché, en première lecture, à ajouter des mesures fiscales dans le PLFR, alors que nous avons tous conscience qu'elles n'ont pas leur place dans un tel texte.

Vous avez tenu votre engagement, monsieur le ministre : les ouvertures de crédits supplémentaires font désormais toutes l'objet d'un vote du Parlement. Essayons d'aller jusqu'au bout, en prévoyant dorénavant un délai suffisant pour que le Parlement puisse examiner ces ouvertures de crédits avec les éléments et le temps d'analyse nécessaires.

S'agissant des ouvertures et des annulations de crédits, c'est vrai, vous n'avez pas eu recours aux décrets d'avance. Comme vous nous l'aviez annoncé, elles sont toutes effectuées dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative. Pourtant, plusieurs décrets de transfert et de virement de crédits, opérant des mouvements atteignant plusieurs dizaines de millions d'euros entre différents programmes et missions, pour l'exercice 2018, nous ont été transmis la semaine dernière, soit deux semaines après l'examen initial du PLFR. Certes, ces mouvements de crédits sur le fond n'ont rien de choquant, toutefois, n'auraient-ils pas pu être intégrés dans le PLFR ? Nous aurions encore gagné en sincérité budgétaire.

Les neuf articles du PLFR visent à assurer la fin de gestion de l'exercice 2018. Concernant le volet macroéconomique, l'hypothèse de croissance de 1,7 % pour 2018, semble « un peu élevée », de l'avis du Haut Conseil des finances publiques, lequel estime une croissance de 1,6 % plus vraisemblable, rejoignant ainsi les prévisions de l'INSEE. Il est étonnant que le Gouvernement conserve ce scénario macroéconomique en dépit des signaux conjoncturels défavorables. Si l'on tient compte de l'acquis de croissance après trois trimestres, le scénario du Gouvernement suppose que l'économie française retrouvera au dernier trimestre un rythme de croissance comparable à ceux observés en 2017, c'est à dire entre 0,6 % et 0,8 % de croissance. Or, compte tenu de l'état actuel de la confiance des ménages dans leur pouvoir d'achat, il paraît peu probable que l'économie française accélère suffisamment pour atteindre un taux de croissance annuel de 1,7 % sur l'ensemble de l'année.

La prévision de déficit public pour 2018 reste également la même que dans la loi de finances initiale : 2,6 % du PIB. Elle devrait pouvoir être atteinte, compte tenu de son caractère peu ambitieux. Je rappelle que le déficit public s'élevait à 2,7 % du PIB en 2017, avec un effort structurel pratiquement nul. Cette amélioration du déficit public, aussi infime soit-elle, n'est pas imputable à la politique du Gouvernement, car elle porte sur la « composante non discrétionnaire » de l'évolution du solde structurel, c'est-à-dire sur l'élasticité des prélèvements obligatoires et une révision à la hausse des recettes hors prélèvements obligatoires.

La prévision de déficit pour l'État s'établit à 80 milliards d'euros, soit une diminution de 1,3 milliard d'euros par rapport à l'estimation révisée, présentée dans le projet de loi de finances pour 2019, et de 5,7 milliards d'euros par rapport à la prévision faite en loi de finances initiale pour 2018. Malgré cette amélioration, la dégradation du déficit serait de 12,3 milliards d'euros par rapport au niveau de 2017.

Le déficit de l'État demeure donc à un niveau très élevé. La baisse de 1,3 milliard d'euros s'explique notamment par la vente de 2,3 % du capital de Safran, pour un montant de 1,24 milliard d'euros. L'État actionnaire procède à des cessions, ce qui lui permet de réduire son déficit et de contribuer à son désendettement. Même si l'objectif ne peut être qu'approuvé, la contribution des cessions aura nécessairement un effet très limité sur la réduction de la dette de l'État : elle ne peut être la seule solution envisagée.

Le Haut Conseil constate que le chemin à parcourir pour ramener le solde structurel à l'objectif de moyen terme reste important. Il est temps d'emprunter ce chemin et d'accélérer la marche vers un retour à la maîtrise de nos finances publiques, de notre déficit public et de notre dette.

J'en viens maintenant aux différents articles, en commençant par quelques remarques sur l'article relatif à l'ajustement des ressources du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique ». Environ 600 millions d'euros n'ont pas été dépensés, ce qui justifie pleinement un ajustement des recettes affectées à ce compte pour 2018.

Cependant, la fiscalité verte a augmenté ces dernières années de près de 8 milliards d'euros, dont 1 milliard seulement alloués à la transition énergétique. Certes, la transition écologique n'est pas financée uniquement par ce CAS, mais également dans le cadre d'autres missions budgétaires. Mais il est temps d'entendre le ras-le-bol fiscal exprimé à travers notre pays depuis plus d'une semaine. Le levier fiscal ne peut et ne doit pas être l'unique instrument d'une politique publique. Finalement, il manque des mesures d'accompagnement pour que chaque citoyen français puisse effectivement participer à la transition écologique sans la subir de façon trop inégale. Entendez que les mesures que vous prenez sur les carburants sont particulièrement injustes et qu'elles n'ont pas le même effet selon le pouvoir d'achat des ménages qui utilisent une voiture. Entendez l'incompréhension des contribuables face à ces hausses d'impôts, dont ils ne comprennent plus à quoi elles servent mais qu'ils subissent pleinement, quotidiennement. N'imposez pas la transition écologique : accompagnez-la efficacement !

J'en viens à la réduction de 10 805 équivalents temps pleins de la vacance des autorisations d'emplois en application de l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Cette nouvelle disposition permettra de redonner toute sa portée à l'autorisation parlementaire fixant un plafond annuel aux autorisations d'emplois par ministère, qui ne seront plus déconnectées de la réalité par des vacances parfois cumulées au fil des ans. Mais je le redis aujourd'hui : la réduction de la vacance dans les autorisations d'emplois ne saurait être comptabilisée comme des réductions strictes du nombre d'ETPT.

J'en viens aux crédits de la mission « Défense ». Nous le savions au moment de l'examen du PLF pour 2018 : pour une totale « sincérisation » du budget, il aurait fallu inscrire 1,1 milliard d'euros pour le financement des opérations extérieures et des missions intérieures menées par nos soldats. Cela n'a pas été le cas. Dans le cadre de ce PLFR, il convient d'appliquer le principe de solidarité interministérielle, comme cela a toujours été fait, car ce principe incarne le soutien total de notre République et de l'ensemble des ministères à nos armées.

Certes, les OPEX sont en partie financées par le dégel de crédits de réserve. Mais sur le programme 146 « Équipement des forces », par exemple, vous dégelez 319 millions d'euros pour financer les OPEX alors que nous aurions pu envisager d'anticiper des commandes pour accélérer l'équipement de nos militaires, qui en ont grandement besoin, et le déploiement des nouvelles armes et des nouveaux moyens mis à leur disposition.

Par ailleurs, nous savons que la question se reposera l'année prochaine : pour 2019, seuls 850 millions d'euros sont inscrits pour le financement des OPEX et MISSINT, alors que celles-ci ne diminueront vraisemblablement pas l'année prochaine.

Comme en première lecture, mes chers collègues, le groupe UDI, Agir et indépendants s'abstiendra sur ce PLFR pour 2018.

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