Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les présidentes de commission, chers collègues, je suis heureuse et fière d'intervenir ce soir sur l'Europe. Le 26 septembre, le Président Emmanuel Macron exposait sa vision d'une Europe audacieuse, moins bureaucratique et plus proche des citoyens. De fait, l'Europe est aujourd'hui perçue comme une administration normative, complexe et éloignée des réalités du terrain. Elle doit se doter de règles plus simples et plus lisibles, faciles à comprendre pour les non-spécialistes. Pour se transformer, notre Europe doit s'appuyer sur deux piliers : ses valeurs démocratiques, issues des États de droit qui la constituent, d'une part, son marché unique, d'autre part, qui doit être la garantie de sa puissance, de sa prospérité et de son attractivité.
La relation franco-allemande doit redevenir le coeur du dessein européen grâce à des projets concrets qui profiteront au plus grand nombre. La mise en oeuvre d'un code des affaires commun, idée reprise par Emmanuel Macron, en est un parfait exemple. En parallèle de sa monnaie commune utilisée par dix-neuf pays, l'Europe a développé un corpus de directives et de règlements unifiant le fonctionnement de certains domaines économiques. Cependant, des règles disparates régulent toujours les relations commerciales entre les entreprises des vingt-huit États de l'Union. Les États-Unis, pour leur part, se sont dotés en 1953 d'un code des affaires, qui constitue pour les entrepreneurs et commerçants américains un instrument de travail indispensable au quotidien.
L'objectif de ce code des affaires européen serait de protéger et d'encourager les échanges transfrontaliers et les investissements des PME, qui constituent l'essentiel du tissu économique de l'Union. De fait, seul un tiers des PME françaises et allemandes commercent en dehors de leurs frontières, et toutes ne le font pas régulièrement. Ce chiffre est trop faible, sachant que les échanges commerciaux entre ces deux pays représentent aujourd'hui plus de 50 % de l'activité économique au sein de l'Union.
Bien sûr, l'espace unique de paiement en euros, SEPA, facilite les paiements, et le règlement des petits litiges bénéficie de formalités simplifiées, mais de nombreuses PME n'osent toujours pas se lancer dans le commerce transfrontalier, apeurées par la trop grande complexité du droit.
Ce sujet a également été relevé par la Commission européenne. Dans son Livre blanc sur l'avenir de l'Europe à l'horizon 2025, elle indique qu'il convient de rédiger un « code de droit des affaires » [… ] qui aide les entreprises de toutes tailles à exercer facilement leurs activités au-delà des frontières. » Cela apparaît d'autant plus nécessaire que l'on fait face à de multiples vides juridiques et à une grande hétérogénéité entre les ordres juridiques nationaux. Ainsi, le droit de la concurrence relève de la compétence exclusive de l'Union européenne mais, lorsqu'il n'existe pas de droit européen, l'État membre applique son propre droit, qui ne va pas forcément dans le sens d'une harmonisation. La législation doit non seulement s'adapter au développement du marché, mais aussi à la vie quotidienne des affaires et à l'évolution des pratiques. Aussi ce code devra-t-il nécessairement prendre en compte le développement du numérique et intégrer la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
L'Europe doit également changer de méthode en saisissant l'occasion de renouer avec la tradition historique de développement du droit du commerce. De fait, il s'agit d'un droit concret, écrit par des praticiens ; dans de nombreux pays européens, les litiges sont tranchés par des tribunaux composés d'acteurs économiques. Des think tanks, comme l'association Henri Capitant, la Fondation pour le droit continental et EuropaNova, ainsi que des universitaires français, allemands, belges et italiens réfléchissent déjà à l'élaboration d'un code commun des affaires, du commerce et de l'entreprise. Il reste donc à associer à ce dispositif des praticiens venant d'entreprises de toutes tailles, et particulièrement des PME.
Le développement de cette législation doit se faire du monde économique vers le monde économique, des entrepreneurs vers les institutions. La France doit le proposer en s'appuyant sur les conventions démocratiques. C'est ainsi que nous apporterons une réponse concrète à la critique selon laquelle l'Europe se trouverait éloignée des citoyens.