Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du lundi 26 novembre 2018 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Présentation

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Si nous nous retrouvons aujourd'hui pour examiner, en nouvelle lecture, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, c'est en raison des divergences, au Sénat, entre la majorité et la principale opposition parlementaire. Aussi me permettrez-vous, mesdames et messieurs les députés, afin de ne pas répéter ce qui a été dit au cours des débats en première lecture avec la ministre des solidarités et de la santé – qui va nous rejoindre – de me livrer à une analyse succincte du texte que le Sénat vient de transmettre à l'Assemblée.

Une première divergence majeure apparaît concernant les équilibres financiers. Qu'il s'agisse de l'année 2018 ou de l'année 2019, le Sénat reconnaît que l'amélioration des comptes de la sécurité sociale s'est confirmée et que celle-ci est appelée à se poursuivre dans la durée. En effet, pour la première fois depuis 2001, le PLFSS déposé par le Gouvernement présente des comptes de la sécurité sociale en excédent à hauteur de 700 millions d'euros.

Comme j'ai eu l'occasion de le souligner devant vous en première lecture, la sécurité sociale participe pleinement à la maîtrise de nos dépenses publiques, conformément à notre objectif de baisser de 3 points la dépense publique sur l'ensemble du quinquennat : l'ONDAM de 2018 sera tenu, puisque les dépenses de sécurité sociale augmenteront de 2 % en 2019 contre un taux prévu de 2,3 %.

Exceptionnellement, comme vous l'avez voté, l'ONDAM sera porté à 2,5 % en 2019, sur proposition du Gouvernement, afin d'investir dans l'hôpital et transformer en profondeur notre système de santé pour en garantir la pérennité et pour garantir la qualité des soins. Je tiens à préciser que cela est conforme aux annonces du Président de la République. J'ajoute que l'État est responsable de 30 % de de la dépense publique, les collectivités locales d'un peu moins de 20 % et la sphère sociale d'environ 50 %. Les parlementaires travaillent donc ici une matière qui concerne directement nos concitoyens, puisqu'elle touche les affaires familiales, la retraite, la sécurité sociale, l'assurance chômage, et qui, je le répète, représente 50 % de la dépense publique.

Force est donc de constater que, sur ce premier point, la majorité sénatoriale n'a pas choisi la responsabilité, mais de dégrader considérablement la copie rendue par votre assemblée à l'issue de son examen en première lecture, et elle l'a fait pour des motifs essentiellement politiques.

Une autre divergence concerne les équilibres politiques du texte. Je prendrai plusieurs exemples.

D'un côté, le Sénat nous reproche le caractère « virtuel » des excédents de la sécurité sociale et, de l'autre, il a souhaité revenir sur le mécanisme d'indexation des prestations sur l'inflation prévisionnelle dont Alain Milon, président de la commission des affaires sociale et membre de la majorité sénatoriale, a pourtant reconnu l'efficacité. J'ajoute que, pour compenser la perte de recettes induite, la majorité sénatoriale a fait le choix d'alourdir la fiscalité. Le Sénat a ainsi augmenté les taxes pesant sur les organismes complémentaires, ce qui, vous en conviendrez, compte tenu de l'ampleur du prélèvement opéré, ne manquera pas d'être répercuté sur les Français. En effet, au moment où nos compatriotes manifestent un ras-le-bol fiscal, cette taxation affectant les organismes complémentaires est pour le moins mal venue.

D'un côté, le Sénat dit comprendre que la préparation de la réforme sur les retraites, menée par M. Delevoye, fasse l'objet de précautions particulières – et le Gouvernement entend prendre le temps de la concertation – , et, de l'autre, la majorité sénatoriale propose, hélas, de relever brutalement, sans aucun débat, dès le 1er mai 2019, l'âge légal de départ à la retraite à soixante-trois ans – modification qui n'a d'ailleurs pas été adoptée par tous les sénateurs du groupe majoritaire. Ce n'est pas le choix que font le Gouvernement et la majorité, qui préfèrent la concertation et le temps long de la réforme structurelle.

De la même manière, le Sénat a décidé de rétablir les cotisations d'assurance chômage en les faisant prendre en charge par les employeurs, mesure qui présente le double désavantage de n'être favorable ni aux salariés ni aux employeurs.

Plus globalement, d'un côté, les députés du groupe Les Républicains prétendent souscrire à l'objectif de redressement de nos comptes publics ; de l'autre, ce même groupe a déposé ici, en première lecture, plusieurs amendements dont le coût global dépasse l'entendement et aggrave – veuillez excuser mon mauvais jeu de mot – l'endettement.

Parmi ces amendements, je citerai le rétablissement du dispositif d'exonération et de défiscalisation sur les heures supplémentaires – 4,1 milliards d'euros – ; l'entrée en vigueur, le 1er janvier prochain, de l'exonération de cotisations sur les heures supplémentaires et complémentaires – 1,3 milliard d'euros – ; la réduction des cotisations maladie de 6 points jusqu'à 3 SMIC – 7 milliards d'euros – ; la suppression du report des allégements généraux au 1er octobre – 2,3 milliards d'euros – ; le rétablissement des anciens taux de la CSG sur les revenus de remplacement – 4,5 milliards d'euros – ; l'abrogation de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S – 3,8 milliards d'euros. Force est de constater que la majorité des députés du groupe LR, tout en souhaitant baisser les dépenses publiques, aggraverait ici le solde de plus de 15 milliards d'euros et ne se montre donc pas responsable.

Nous souhaitons par conséquent en revenir aux équilibres atteints au cours de la première lecture. En effet, le texte défendu par la majorité parlementaire se veut plus respectueux des équilibres tout en permettant le financement des priorités du Gouvernement.

Nous entendons tout d'abord vraiment améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens grâce, notamment, à l'exonération de cotisations sociales salariales sur les heures supplémentaires et complémentaires dès le 1er septembre prochain, grâce aussi à l'encouragement des dispositifs d'épargne salariale, évoqués en particulier lors de la discussion du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit PACTE.

Nous souhaitons ensuite permettre des avancées importantes en faveur des familles, qu'il s'agisse de renforcer les aides dont bénéficient les familles ayant un enfant en situation de handicap ou bien d'harmoniser les modalités d'indemnisation du congé de maternité des travailleuses indépendantes et des agricultrices non salariées avec celles applicables aux salariées – c'est une grande mesure sociale.

Nous voulons lutter contre les inégalités sociales afin d'améliorer l'accès des Français aux soins en appliquant les premières mesures du plan de lutte contre la pauvreté présenté par le Président de la République, en instaurant le reste à charge zéro dans les secteurs optique, dentaire et de l'audiologie, en renforçant les dispositifs d'aide à la complémentaire santé afin d'assurer un égal accès aux soins pour les personnes les plus fragiles.

Comme vous le souhaitez, monsieur le rapporteur général, il convient d'investir dans la transformation de notre système de santé afin de favoriser l'accès à l'innovation thérapeutique et de répondre aux défis majeurs qui attendent l'État providence de demain.

J'en profite également pour vous dire combien la majorité a travaillé utilement et en étroite collaboration avec le Gouvernement, comme en témoignent les très nombreuses avancées apportées à l'occasion de la préparation du texte, de son examen en première lecture, en commission comme en séance publique. Parmi celles-ci, je citerai l'atténuation des effets de la suppression du dispositif « Travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi » – TODE ; un amendement du Gouvernement, en application de la loi PACTE, qui encourage la diffusion des dispositifs d'épargne salariale dans les entreprises de moins de 50 salariés et qui développe la conclusion d'accords d'intéressement pour les entreprises de 50 à 250 salariés ; un amendement relevant le seuil de rémunération à partir duquel l'exonération de cotisations patronales est dégressive pour les entreprises employant des aides à domicile – proposition qui a fait l'objet d'un large consensus – ; enfin, un amendement de M. Mesnier qui exonère de la CSG et de la CRDS les revenus du capital des personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d'un autre État membre de l'Union européenne, faisant suite au rapport de Mme Genetet sur la fiscalité des non-résidents.

Vous l'aurez compris, du point de vue des équilibres tant budgétaires que politiques, il nous appartient, il vous appartient, de rétablir, pour l'essentiel, le texte que l'Assemblée a adopté en première lecture – les Français vous en remercieront – , cela parce qu'il conjugue l'assainissement de nos finances sociales et le respect de nos engagements, parce qu'il permet de préserver notre système de sécurité sociale auxquels nos citoyens sont légitimement attachés, enfin parce qu'il permet sa modernisation en lui donnant les moyens d'affronter les grands défis de l'État providence du XXIe siècle.

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