Je n'ai pas bac+10, comme beaucoup d'entre vous. Mais j'ai un coeur rempli de fraternité et d'amour pour les miens. C'est avec mon coeur que je m'exprime devant vous.
Je ne compte pas aborder votre projet de loi de financement de la sécurité sociale, car, pour moi, c'est surtout une loi d'insécurité sociale. Je vais donc vous parler de La Réunion, mon île, qui est en souffrance, et qui est une sous-France pour beaucoup d'entre vous ; La Réunion, où les notions de liberté, d'égalité et de fraternité sont totalement bafouées par l'arrogance du pouvoir, bafouées par la corruption des élus d'ici et de là-bas, bafouées par votre manque d'humanité, vous les députés de la majorité. Il n'y a pas de respect de la dignité des autres et des êtres ; il n'y a pas de justice sociale. Zordi lo ptit y aide lo gros, lo gros y aide lo gros mais personne y aide lo ptit : voilà, en résumé, votre politique et celle de vos amis basés à La Réunion.
Mais aujourd'hui, le peuple réunionnais est debout, démontrant une envie de justice sociale. S'il vous plaît, ce serait bien de m'écouter car je parle de La Réunion, où règne une crise sociale intense : il serait intéressant et solidaire vis-à-vis des Réunionnais de m'écouter.
Les droits sont bafoués chez nous. Les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution française ne s'appliquent pas aux citoyens. Il est de votre responsabilité de mettre fin à cela, au nom du respect des êtres humains. Oui, les droits sont bafoués à La Réunion et, pour commencer, le droit à la santé. La Réunion est le deuxième territoire où l'on utilise le glyphosate, alors qu'il est reconnu comme cancérigène. Cinquante pour cent des foyers boivent de l'eau impropre à la consommation, ce qui entraîne des maladies extrêmement graves.
La pauvreté est aussi un problème de santé. Elle fait des dégâts dans la société réunionnaise, avec 343 000 personnes concernées et une entrée précoce en dépendance : cinquante à cinquante-neuf ans à La Réunion équivalent à soixante à soixante-dix-neuf ans ici, dans l'Hexagone, soit un décalage de vingt ans.
Avec cela arrive à grands pas une bombe à retardement : la crise du papy-boom, le vieillissement de la population. Ainsi, 115 000 personnes sont âgées de plus de soixante ans aujourd'hui ; dans dix ans, ce nombre doublera pour s'établir à 225 000 à 230 000 personnes. Peu de réponses à cela : aujourd'hui déjà, il manque 600 places dans nos EHPAD. Il y a 45 places pour 1 000 à La Réunion, contre 160 places pour 1 000 ici. Quelle honte, mes chers amis ! Quelle honte, mes chers collègues ! Je constate que je suis en train de vous parler des souffrances de La Réunion et que beaucoup d'entre vous n'écoutent pas ! Mais je veux continuer mes propos, car j'aime mon pays, j'aime La Réunion, j'aime la population qui habite à La Réunion.
Le droit au travail est bafoué chez nous : 180 000 personnes sont inscrites à Pôle Emploi, soit 45 % de la population active ; 60 % des jeunes sont au chômage, alors que 88,2 % ont réussi au bac. Pour essayer de pallier ce problème, au lieu d'apporter des solutions, vous continuez à détruire l'emploi avec votre politique, avec la suppression de l'APL accession à la propriété, avec la suppression des emplois aidés. Les entreprises elles-mêmes disent que la ministre, Mme Girardin, ayant manqué à sa parole, La Réunion est condamnée au sous-développement et au chômage de masse. Alors que le travail est normalement une priorité pour que chaque citoyen accède à la dignité dans la société, voilà ce qui se passe dans mon département. Et que dire de la priorité d'emploi pour les Réunionnais, que l'on refuse alors qu'il existe chez nous une priorité métropolitaine injuste et discriminatoire, subie par les jeunes diplômés de La Réunion !
Le droit de bien vivre en famille est aussi un problème chez nous à cause des attaques sur le pouvoir d'achat. Les revenus à La Réunion sont beaucoup plus bas que dans l'Hexagone mais les prix sont beaucoup plus élevés : la double peine ! Quarante pour cent de pauvres, 118 000 enfants en situation de pauvreté : c'est inadmissible ! C'est inadmissible – il faut le répéter ! C'est la baisse de l'allocation logement, c'est la hausse de la CSG pour les retraités, c'est la fin de l'augmentation des minima sociaux et de l'indexation du SMIC sur le coût de la vie. Pourtant, la vie est chère, les prix explosent chaque mois, l'abattement fiscal de 30 % est remis en cause.
Face à la cherté de la vie, il faut absolument en finir avec l'octroi de mer. Cette taxe a été détournée de son objectif. Autrefois appelée « droit de poids », cette taxe a été créée pour protéger la production locale et frappait des produits qui ne sont pas fabriqués à La Réunion ; aujourd'hui, elle est appliquée aussi aux produits locaux. Les recettes de l'octroi de mer servent surtout à faire fonctionner les collectivités, alors qu'à la base, l'octroi de mer devrait protéger et produire de l'emploi. Et, à mon sens, au nom de l'égalité économique, il faut revoir le fret. Il revient à l'État de compenser le manque à gagner des collectivités et c'est aux collectivités de La Réunion de discuter avec l'État, le gouvernement français.
Le droit au logement, parlons-en, mesdames et messieurs les députés de l'Hexagone ! D'après la DEAL – direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement – et l'INSEE, il faudrait construire entre 8 000 et 9 000 logements chaque année à La Réunion : or on en produit à peine 4 000 ! Cela veut dire un surpeuplement dans les logements, autour de 35 % du parc ; 81 000 personnes mal logées ; 500 sans-abri ; 6 000 logements qui n'ont ni baignoire ni douche ; 36 000 personnes n'ont pas d'eau chaude. Voilà ce qui se passe à La Réunion ! Et votre loi de finances supprime l'APL accession à la propriété !
Concernant le droit à la justice, quand un Réunionnais lambda commet une faute, il passe devant la justice dans les jours qui suivent. Beaucoup passent en comparution immédiate et sont lourdement sanctionnés. Mais les délinquants en col blanc, avec la complicité de Paris, continuent à vivre comme si de rien n'était, rarement inquiétés et souvent acquittés.
Le droit à l'éducation soulève le problème de la pauvreté, qui est un des facteurs de l'échec scolaire. Le surpeuplement dans les logements pose problème à nos enfants. C'est la galère pour les jeunes qui partent dans l'Hexagone : peu ou pas d'accompagnement, au point que beaucoup abandonnent leur scolarité, leurs études.
Concernant le droit à la libre circulation, il y a peu de politique de transports en commun ; le tout-automobile coûte cher, beaucoup plus cher à La Réunion que dans l'Hexagone, alors qu'on nous impose la politique du tout-automobile, notamment par la suppression du tram-train. Le carburant coûte cher, les véhicules coûtent très cher et les pièces de maintenance des véhicules coûtent 200 à 300 % de plus. Vous voyez quelle est la situation des Réunionnaises et des Réunionnais, alors que les revenus sont beaucoup plus bas ! Le droit est bafoué à La Réunion.
De plus, du fait d'un faible pouvoir d'achat, le droit à la culture, aux loisirs, au bien-être n'existe pas dans la plupart des familles. Face à la découverte de la politique que vous menez depuis le début de la législature et du fait de vos lois de finances pour 2019, le peuple réagit. La complicité d'élus de La Réunion a boosté ce sentiment d'injustice. Aujourd'hui, et après dix jours de mobilisation, l'université et l'ensemble des établissements scolaires sont bloqués, les centres de formation sont bloqués, l'administration est paralysée, les grandes surfaces sont fermées, 95 % des véhicules sont à l'arrêt ; bientôt, 70 à 80 % des foyers seront sans gaz et 50 % des entreprises sont en grande difficulté – du jamais vu dans l'histoire de La Réunion ! Ce sont des femmes, des chefs d'entreprise, des hommes, des fonctionnaires, des demandeurs d'emploi, des couples, des retraités, des jeunes : c'est le peuple réuni, c'est le peuple dans la rue !
La politique qui est menée actuellement a créé cette situation. Alors, ils se réunissent sans organisation syndicale, sans organisation politique. Le peuple est libre à La Réunion, libre dans la rue. Ils font la démonstration qu'ils sont capables de prendre leur avenir en main. Ils ne sont pas là par plaisir, ils ne sont pas là pour faire joli : les gilets jaunes portent la voix du peuple réunionnais.
Face à cela, votre réponse, c'est la répression, l'envoi de renforts, de militaires, le couvre-feu sans distinction entre casseurs et honnêtes gens. C'est absurde et malsain ! Je dénonce ce comportement colonial du gouvernement français. Ceux qui nous gouvernent portent cela en eux et c'est grave, très grave ! C'est pour cette raison qu'une décision de révocation du Président de la République doit être prise par référendum dans les plus brefs délais.
Mme Girardin doit venir à La Réunion apporter des réponses concrètes, qui rétablissent les droits fondamentaux. Les gilets jaunes feront des propositions. Écoute azot sinon ti hash va coupe gros bois.
Pour finir nou lé pa plis nou lé pa moin respect anou.
Je vous demande de voter cette motion de rejet. Votre geste signifiera le début de la fin de votre politique inhumaine. Là est ce soir votre responsabilité de députés.
Dans ce même hémicycle, M. Jean Lassalle a exprimé la souffrance du peuple. Permettez-moi de mettre en avant le drapeau 974 de la résistance !