Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes – chère Sabine – , mes chers collègues, nous l'avons vu avec les nombreux intervenants qui ont parlé avec grande qualité à cette tribune, notre débat est marqué et orienté par le discours, à bien des égards historique, qui a été prononcé par le président de la République à la Sorbonne. Ce discours, pour beaucoup d'entre nous, a été un grand moment. Pas seulement parce que la vision de l'Europe qui s'exprimait là était en parfaite résonance avec celle que nous sommes nombreux à porter depuis bien longtemps, mais parce que l'élan, la clarté et la volonté qui s'y faisaient entendre signaient – enfin ! – , avec l'engagement personnel du président de la République, le retour de la France en Europe.
Et de cela, beaucoup de Français, bien au-delà de cet hémicycle, doivent être fiers. S'il est une certitude en effet, c'est que rien de grand, rien de majeur, rien de positif ne peut se faire en Europe si la France ne le formule et l'entraîne. Quand il n'y a pas de projet français en Europe, il n'y a pas de projet européen du tout ! Il ne s'agit évidemment pas de décider tout seuls ou même avec nos amis et partenaires allemands. Mais c'est une évidence depuis la fondation de l'Union européenne, la France a une responsabilité particulière et une vocation : elle est, au sein des peuples européens, celle qui inspire, qui propose, qui dessine une vision et un horizon.
Et jamais autant qu'aujourd'hui les peuples de l'Europe et l'Union qui les rassemble n'ont eu autant besoin de vision. La dimension des défis, nous la connaissons tous : ce sont des défis à dimension planétaire, qui attendent des réponses au bon périmètre, à la bonne hauteur. Être à la bonne hauteur, cela veut dire s'unir et se rassembler pour peser sur la réalité et agir ainsi sur l'équilibre du monde.
Et c'est bien cela la question : voulons-nous peser dans le monde ou acceptons-nous que d'autres décident à notre place ? Si c'était le cas, si chacun de nos pays décidait qu'après tout il valait mieux faire cavalier seul, alors nous perdrions tous ensemble ! Et nous perdrions l'essentiel : les valeurs que nous portons, notre modèle de société et notre mode de vie, c'est tout cela, qui est unique au monde et infiniment précieux, qui s'effacerait.
Voilà pourquoi il y a urgence ! Voilà pourquoi il faut changer les choses ! Voilà pourquoi il nous faut agir vite et ensemble !
Agir ensemble pour affronter la compétition que porte en elle la mondialisation économique : il nous faut coordonner nos politiques industrielles, bâtir des champions européens, définir un calendrier volontariste d'harmonisation fiscale et sociale et nous doter des bons instruments de défense commerciale et d'une vraie et durable capacité d'investissement.
Agir ensemble pour maîtriser le changement climatique, accélérer la transition énergétique et afficher notre volonté commune de sortir d'une économie carbonée. Agir ensemble pour notre sécurité en luttant mieux contre la menace terroriste, ce qui veut dire – cela a déjà été souligné – capacité de défense autonome, culture stratégique partagée, agence européenne du renseignement et parquet européen antiterroriste. Agir ensemble, enfin, pour construire un espace commun de l'asile et de l'immigration et, au-delà de la protection de nos frontières, initier une politique nouvelle avec l'Afrique et la Méditerranée.
Tel est le projet que le Président de la République a dessiné à la Sorbonne à l'intention des Français et de nos concitoyens européens. Dans un moment où se multiplient, nous le voyons bien, les signes de division, pour la première fois depuis longtemps un chef d'État a présenté l'Europe non pas comme une contrainte mais comme une attente, une chance choisie : la seule chance en vérité.
Mais à cette chance il y a une condition : c'est que nous imposions la voix des peuples dans la construction de leur union. Trop longtemps, la construction européenne a été affaire d'experts et d'initiés. Or l'Europe se brisera si elle ne sait pas faire place en son sein à la nécessité démocratique. C'est un enjeu démocratique majeur, le seul moyen de réconcilier les peuples avec l'idéal européen.
Tel est, mes chers collègues, ce qui dicte la ligne que doit suivre notre Parlement : soutenir auprès du Président de la République et du Gouvernement l'élan refondateur de l'Europe, afin que notre peuple citoyen devienne un acteur, non pas un spectateur mais un acteur, de la refondation de l'Europe !