C'est donc dans sa version amendée par le Sénat que nous nous apprêtons à examiner, en nouvelle lecture, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Ce projet a été complété et enrichi de façon significative par rapport au texte issu de nos débats dans cet hémicycle.
Mais force est de constater que l'examen de ce PLFSS, à l'instar de la manière dont se sont déroulés nos débats l'année dernière, révèle tout d'abord un problème de méthode. En ces temps de réforme constitutionnelle, quel sens voulons-nous donner au bicamérisme et à la navette parlementaire ? Cette dernière doit-elle fatalement se réduire à un jeu stérile entre l'Assemblée nationale et le Sénat, via l'adoption de versions irréconciliables d'un même texte ? Ou peut-on imaginer qu'entre le PLFSS adopté par l'Assemblée nationale et celui adopté par le Sénat, nous puissions parvenir à un terrain d'entente suffisamment rassembleur pour engager les réformes en profondeur dont notre système de sécurité sociale a besoin ? C'est une vraie question qui nous est posée collectivement : notre groupe est convaincu qu'aucune majorité, quelle qu'elle soit, n'aura jamais raison toute seule dès lors qu'il s'agit d'engager la mutation de notre protection sociale et de réunir, sur les objectifs et les moyens d'y parvenir, la plus large majorité de nos compatriotes.
Pour être partagée, une réforme doit être comprise – l'actualité de cette dernière semaine nous le démontre encore avec gravité.
Or, force est de constater que sur ce PLFSS, comme l'année dernière, la majorité veut avoir raison toute seule. La suppression en commission, la semaine dernière, d'un grand nombre de modifications apportées par le Sénat laisse augurer d'une attitude similaire dans l'hémicycle. Nous ne pouvons que le regretter, alors même que nous devrions pouvoir élaborer davantage ce projet de loi en amont, par des échanges plus réguliers entre le Gouvernement et les groupes parlementaires des deux assemblées, afin non seulement d'exposer les priorités et les attentes de chacun, mais aussi de coconstruire le texte. Mais encore faut-il, pour cela, qu'il y ait une volonté politique.
En examinant ce PLFSS, le Sénat s'est efforcé d'apporter des réponses à deux impératifs pour la pérennité de notre protection sociale : moderniser les mécanismes de solidarité qui permettent d'assurer à nos concitoyens un filet de sécurité indispensable afin de faire face aux différentes étapes de la vie et assurer plus de justice dans l'effort que nous devons collectivement assurer pour que notre sécurité sociale et son financement s'adaptent aux mutations qui traversent notre société et ont une incidence sur l'équilibre des comptes sociaux.
Nous avions déjà décrit, en première lecture, les éléments de ce PLFSS qui nous paraissent aller dans le bon sens. Le groupe UDI, Agir et indépendants ne peut ainsi que saluer la perspective d'un retour à l'équilibre des comptes sociaux à l'horizon de l'année prochaine.
Pour ce qui est des recettes, nous approuvons la transformation du CICE et du CITS en baisses de charges sociales pérennes, de même que l'exonération de cotisations sociales salariales applicables aux heures supplémentaires. Ce sont là deux mesures que nous proposons depuis plusieurs années.
Ce PLFSS ne nous semble cependant pas encore traduire la mise en oeuvre des réformes de structure qui nous paraissent indispensables pour assurer un retour pérenne à l'équilibre budgétaire de la sécurité sociale. L'amélioration des comptes paraît reposer encore trop sur les recettes dégagées par le dynamisme de la masse salariale, sur des hausses de taxes et sur des mesures d'économies qui relèvent du coup de rabot, que ce soit pour l'hôpital ou le médicament, dans la ligne de ce qui a malheureusement été pratiqué les années précédentes. Alors que la croissance économique marque le pas, le risque reste grand de constater à nouveau des déficits au moindre retournement de la conjoncture. La Cour des comptes rappelle d'ailleurs que la situation dégradée de l'assurance maladie est l'une des principales zones de fragilité de notre protection sociale.
Par ailleurs, la situation financière des hôpitaux, dont le déficit 2017 atteint un record, à 835 millions d'euros, reste critique, alors même que la dette des hôpitaux publics se maintient aux environs de 28,8 milliards d'euros. La progression de l'ONDAM à 2,5 % prévue en 2019 ne permet pas de répondre aux besoins de financement des hôpitaux publics, dont les investissements sont ainsi retardés.
Ainsi, ce projet de loi nous paraît rester en deçà des attentes suscitées chez les professionnels de santé par les objectifs affichés du plan « ma santé 2022 » – auxquels, pour certains d'entre eux du moins, nous souscrivons. Sans doute ce PLFSS souffre-t-il d'être examiné alors que la loi concernant notre système de santé ne le sera, quant à elle, qu'à la fin du premier semestre de l'année prochaine : la lisibilité des objectifs de santé publique affichés dans ce projet de budget n'en est que plus difficile.
C'est d'autant plus regrettable que ce PLFSS confirme le choix arrêté l'année dernière par le Gouvernement de solliciter davantage les retraités par le biais de la hausse de 1,7 point de la CSG pour le financement de notre sécurité sociale. C'est un choix auquel nous nous sommes opposés et avec lequel notre groupe reste en désaccord.
Nous avons approuvé les mesures présentées pour atténuer les effets de cette hausse de la CSG pour les retraités dont les revenus restent modestes. Elles n'en demeurent pas moins insuffisantes et nous avons proposé de protéger encore davantage les retraités de cette augmentation en portant de deux à trois ans le nombre d'années consécutives de revenu de référence pris en compte pour appliquer le taux normal de CSG.
Le gel des pensions de retraite est également une disposition qui donne le sentiment de faire décidément poser l'effort de financement de la sécurité sociale sur la même catégorie de personnes. De ce fait, nous ne pouvons qu'approuver les mesures adoptées au Sénat pour préserver le pouvoir d'achat des retraités en rétablissant la revalorisation des pensions en fonction de l'évolution de l'indice des prix.
Enfin, certains amendements présentés en première lecture par notre groupe et rejetés par le Gouvernement et la majorité ont été adoptés au Sénat. C'est le cas, en particulier, du rétablissement du dispositif d'exonération de charges pour les employeurs agricoles saisonniers. Nos échanges en commission des affaires sociales, la semaine dernière, ont démontré votre volonté de supprimer à nouveau ce dispositif en faveur des travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi pour le remplacer par une mesure d'exonération qui se révèle, en réalité, moins intéressante pour les employeurs agricoles. Nous regrettons ce choix, alors que nos agriculteurs ont plus que jamais besoin d'une main d'oeuvre compétitive pour se mesurer aux autres pays européens.